Sahara occidental : mémoires coloniales, regards postcoloniaux

Le Sahara occidental, un territoire en attente de décolonisation
1Il fut un temps – précisément de 1884 à 1976 – où le Sahara occidental, fragment du territoire anciennement nommé Trab al-Bidan (la terre des Blancs, par opposition au Trab al-Soudan, la terre des Noirs, autrement dit l’Afrique subsaharienne) par ses habitants, était possession espagnole. Cette région, dont les limites avaient été redéfinies au cours des négociations franco-espagnoles engagées entre 1900 et 1912, était appelée « Sahara espagnol » par les Européens. De fait, en 1958, alors que l’ONU soutenait à peu près partout dans le monde les luttes pour l’indépendance, le régime de Franco fit le choix, comme le fit aussi Salazar pour le Portugal, de transformer ses colonies en provinces. C’est ainsi que le Sahara espagnol eut le même statut que les Îles Baléares, les Canaries, Ifni et, plus au sud, le Río Muni et l’île de Fernando Poo, ces deux derniers territoires étant aujourd’hui intégrés à la Guinée équatoriale.
2Ce que les Espagnols et les habitants du territoire en question, dénommés « Sahraouis » par les colonisateurs, ignoraient alors, c’est que le Sahara espagnol était une province certes comme les autres, mais cependant un peu particulière, « pas tout à fait » semblable aux autres du fait de son appartenance à un empire colonial marqué par l’ambivalence, selon le terme utilisé par Homi K. Bhabha (1990). En effet, il s’agissait bien d’une province au sens politico-administratif du terme, mais, dans l’imaginaire colonial, il s’agissait aussi, et surtout, d’un « territoire vaincu », et ce bien que l’État espagnol ne semblât pas y exercer, du moins pendant un certain temps, de pouvoir direct1.
3Après vingt ans de colonisation intensive, alors que les pays voisins se libéraient progressivement de la tutelle coloniale, les Sahraouis pâtirent des modalités d’une décolonisation imposée par le franquisme moribond de Madrid. En effet, par le traité de Madrid du 14 novembre 1975 – signé sous la pression exercée par la Marche verte organisée par le Maroc, mais condamnée par le Conseil de sécurité des Nations unies par sa résolution no 380 du 6 novembre de la même année –, le gouvernement de Madrid partagea le Sahara espagnol entre le royaume du Maroc et la République islamique de Mauritanie. Cette décision ne fut pas sans provoquer un certain malaise au sein de l’armée espagnole lorsqu’il lui fallut descendre le drapeau national pour la dernière fois, le 28 février 1976. La veille, le Front populaire pour la libération de la Saguía el Hamra et du Río de Oro – le Front Polisario –, qui combattait depuis 1973 contre les Espagnols et avait été reconnu par l’Organisation des nations unies (ONU) comme le seul représentant légitime du peuple sahraoui, avait proclamé son propre État, la République arabe sahraouie démocratique (RASD). Pendant que le Front Polisario se battait contre les forces armées marocaines et, jusqu’en 1978, mauritaniennes, une partie de la population sahraouie était obligée de quitter le territoire et de se réfugier dans l’une des régions les plus inhospitalières de la planète, à savoir la Hamada algérienne, tandis qu’une autre partie restait dans les territoires aujourd’hui contrôlés par le Maroc. Les profondes incursions des combattants du Front Polisario et les durs combats qui en résultèrent tant au Sahara que sur le territoire marocain lui-même obligèrent les forces armées royales à protéger les zones occupées en construisant, au cours des années 1980, tout un ensemble de murs et de dispositifs de protection, sur une longueur de plus de 2 700 km. Ils séparent depuis lors les Sahraouis qui vivent d’un côté ou de l’autre.
4Les résolutions des Nations unies qui se succédèrent année après année condamnaient l’occupation marocaine en la considérant comme illégale. Finalement, le 6 septembre 1991, un accord de cessez-le-feu fut signé devant la communauté internationale qui décida d’organiser un référendum d’autodétermination sur le territoire du Sahara ex-espagnol, en vue duquel elle mit en place la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO). Malgré cela, et plus de vingt ans plus tard, le conflit ne semble toujours pas près d’être résolu.
L’état de la recherche sur le Sahara occidental
5La particularité de la situation du Sahara occidental ne permet pas aux chercheurs d’avoir une connaissance autre que partielle et biaisée de son histoire. D’un côté, force est de constater la dimension majoritairement militante de la production bibliographique postérieure à 1975 : les uns se prononcent en faveur de l’autodétermination du peuple sahraoui alors que les autres sont favorables au maintien de l’occupation marocaine sur le territoire. D’un autre côté, cette production se caractérise souvent à la fois par la faiblesse de sa base empirique et par la radicalité des objectifs poursuivis. Il est donc plutôt rare de trouver des ouvrages méritant la qualification de « scientifiques », que l’on se réfère à la profondeur des archives exploitées, à la qualité du travail de terrain ou à la rigueur des analyses.
6Ainsi, dans le champ de l’histoire, on ne peut compter que sur les travaux des militaires José Ramón Diego Aguirre (1988, 1991, 1993, 2004), Mariano Fernández-Aceytuno (2001), du journaliste Tomás Barbulo (2002) et des universitaires Juan Bautista Vilar (1977) et – plus récemment – d’Alejandro García (2001), Jésus Ma Martínez Milán (2003), Claudia Barona Castañeda (2004) et Francesco Correale (2009, 2010). Dans le domaine de la sociologie, des sciences politiques et de l’anthropologie, les études de qualité sont encore moins nombreuses. Parmi celles-ci, on ne peut citer que les travaux d’Ángela Hernández Moreno (1989, 2001 et 2006), Sophie Caratini (1989, 2003 et 2006) et Alberto López Bargados (2003), ainsi que les contributions de Pablo San Martín (2010), Juan Carlos Gimeno Martín (2007), Juan Carlos Gimeno Martín et Mohamed Ali Laman (2007), Raquel Ojeda García et Victoria Veguilla del Moral (2013)
7Cependant, la plupart des ouvrages en sciences humaines et sociales traitant du Sahara occidental sont consacrés à l’analyse du conflit actuel sous l’angle des relations internationales ou du droit international, ou bien relèvent des études stratégiques (par exemple Arts, Pinto-Leite, 2007 ; Zunes, Mundy, 2008) : ils ne prêtent dans ces perspectives généralement pas attention à l’époque coloniale. Or, sans une étude sérieuse de cette période, ce conflit ne peut pas être compris. Les faiblesses de la recherche scientifique à propos de l’ancienne colonie espagnole sont d’autant plus gênantes qu’elles influent directement sur un champ disciplinaire qui, au cours des dernières années, a pris une importance considérable dans des pays comme la Grande-Bretagne, la France, le Portugal et l’Italie, à savoir la recherche sur la mémoire coloniale appréhendée au travers des témoignages recueillis tant auprès des anciens colonisateurs que des colonisés. Par ce biais, c’est en effet l’histoire des populations des ex-colonies que les historiens s’efforcent de documenter, mais c’est aussi du passé colonial des ex-métropoles qu’il s’agit. La littérature internationale à ce sujet est vaste et coïncide en partie avec les ouvrages utilisés comme références dans les études coloniales. Frantz Fanon (1952, 1961) et, surtout, Edward Saïd (1978) sont les références incontournables. Leur critique de l’orientalisme révèle ainsi toute l’influence que les représentations sociales de l’« Autre » pouvaient exercer en matière de gestion du fait colonial et postcolonial. Plus récemment, des travaux aussi importants que ceux d’Achille Mbembe (2001), Vumbi-Yoka Mudimbe (1988) ou la réédition d’un important travail de Maxime Rodinson (2005) sur le contexte africain s’inscrivent dans le prolongement des travaux de F. Fanon et E. Saïd. Ces deux derniers auteurs avaient, pour leur part, déconstruit les formes de connaissance en sciences sociales qui prédominaient alors en Europe et aux États-Unis d’Amérique.
8Aucun travail sur le colonialisme ne peut plus ignorer aujourd’hui le préjugé orientaliste qui marque la connaissance des « Autres », ce qui force les chercheurs à accorder une grande importance aux considérations d’ordre conceptuel et méthodologique pour contrer les effets de ce que l’historien indien Ramachandra Guha (1988) appelle « la prose de la contre-insurrection ». Il s’agit, dans le cas cité par R. Guha, d’une historiographie qui tend à nier aux révoltes des paysans indiens des xviiie et xixe siècles leur valeur politique, en les assimilant plutôt à des phénomènes naturels. Ces perspectives d’une histoire par le bas ont par la suite été développées, d’ailleurs avec un remarquable succès, par l’école indienne des subaltern studies, laquelle a ainsi largement renouvelé l’historiographie coloniale et postcoloniale.
9Bien qu’appartenant à des disciplines différentes (sociologie, histoire, anthropologie, géographie, science politique, etc.), les auteurs des articles rassemblés dans le présent numéro des Cahiers d’EMAM partagent ces références conceptuelles, de même que les conséquences méthodologiques qui surgissent des débats sur le post-colonialisme. Toutefois, les ouvrages sur le colonialisme et le post-colonialisme mentionnés ci-dessus évoquent peu la fonction sociale de la mémoire, thème sur lequel se focalisent pourtant certains travaux de recherche plus récents. Ainsi, dans le cas britannique, il convient de citer les ouvrages, remarquables à nos yeux, de Pamela J. Stewart et Andrew J. Strathern (2003) et de Annie E. Coombes (2006), l’excellente monographie deAbhijit Banerjee (2001) sur les groupes pachtounes de la frontière entre Afghanistan et Pakistan, ou encore les travaux de Heather Sharkey (2003) sur le Soudan anglo-égyptien. De même, l’empire colonial italien, approché du point de vue de la mémoire historique, a fait l’objet d’une étude récente de l’historienne anglaise Jacqueline Andall (2005) et des Italiens Nicola Labanca (2005), Elena Petricola et Andrea Tappi (2010), Paolo Jedlowski (2011). À propos de la présence coloniale espagnole en Afrique, on peut citer le travail de Susana Martín-Márquez, écrit en anglais (2008) avant que d’être traduit en espagnol (2011). Cependant, le cas le plus intéressant de ces dernières années est sans aucun doute celui de la France, où la discussion a clairement franchi le seuil du débat scientifique pour s’imposer comme une question nationale. Cette mise en visibilité du passé colonial français a été rendue possible grâce aux travaux entrepris, entre autres, par les chercheurs de l’Association pour la connaissance de l’histoire de l’Afrique contemporaine (ACHAC), mais également par des auteurs étrangers, comme Ali Abdellatif Ahmida (2000), Alec Hargreaves (2005) et Todd Shepard (2006), lesquels proposent un intéressant contrepoint aux ouvrages de Nicolas Bancel, Pascal Blanchard et Laurent Gervereau (1993), de Nicolas Bancel, Pascal Blanchard et Pierre Vergès (2003) ou encore de Pascal Blanchard et Sandrine Lemaire (2004).
10Dans tous les cas, la mémoire et la production de la mémoire sont devenues des éléments clés de l’interprétation des processus coloniaux. Cette production, de même que les postulats scientifiques qui la fondent, est toujours plurielle, diverse, voire contradictoire. Dans l’affaire du Sahara occidental, ces traits sont particulièrement visibles, non seulement parce que le conflit entre le royaume du Maroc et le Front Polisario est toujours actif, mais aussi parce que les « mémoires historiques » sont l’un des enjeux de ce conflit, comme le montre la découverte, en septembre 2013, de fosses communes dans la région de Smara, à l’intérieur des territoires occupés par le Maroc. Cette découverte a été réalisée par une équipe médico-légale de l’université du Pays basque, en Espagne. Ces fosses contenaient les restes de huit citoyens sahraouis exécutés sur les lieux par les forces armées royales marocaines le 12 février 1976. Pour quatre d’entre eux, considérés disparus, le gouvernement de Rabat s’était en principe expliqué dans le rapport rédigé par l’Instance équité et réconciliation (IER) en 2006 ; mais s’il était bien écrit dans ce document que ces quatre Sahraouis avaient été arrêtés le 12 février 1976, il était aussi indiqué qu’ils étaient décédés alors qu’ils étaient en détention dans une caserne2. Les autorités marocaines ont donc occulté leur exécution.

Présentation du numéro des Cahiers d’EMAM et objectifs du projet I+D 2008-2011

11À ce jour, les quelques recherches rigoureuses consacrées à la colonisation du Sahara par les Espagnols relèvent principalement de l’histoire événementielle, car les chercheurs ont surtout essayé de répertorier les faits politiques et militaires les plus marquants du point de vue du projet colonial espagnol. Cependant, les rapports entre colonisateurs et colonisés au cours de cette période, et dont la compréhension est essentielle car ils devraient être à la base de l’analyse de ce microcosme particulier qu’était la société coloniale, n’ont pratiquement jamais été précisément abordés.
En 2007, un groupe d’universitaires espagnols, auquel s’étaient joints quelques chercheurs d’autres nationalités, décida de se réunir pour combler cette lacune3, en s’inspirant de ce que d’autres universitaires avaient pu faire avec succès au cours des dernières décennies pour d’autres territoires colonisés, principalement africains. Leur objectif était de mener une analyse décomplexée et rigoureuse d’un projet colonial totalement oublié. Le projet fut financé en 2008, pour une durée de trois années, par le ministère espagnol de la Science et de l’Éducation dans le cadre d’un appel d’offres I+D.
13Le présent numéro des Cahiers d’EMAM constitue un numéro thématique consacré au Sahara occidental4. Il réunit les principales contributions de ce travail collectif, auxquelles a été ajouté un texte de Claudia Barona Castañeda, chercheuse mexicaine qui ne faisait pas partie du groupe de travail initial. Elle est actuellement membre de l’équipe « Études postcoloniales » de l’université autonome de Madrid. Ces textes sont organisés selon trois parties.
14La première partie offre un aperçu de la réalité socio-historique du peuple sahraoui. Elle montre que ce dernier participe d’une société bédouine et nomade dont les conditions de reproduction (physique, sociale, culturelle) sont étroitement dépendantes de son adaptation au milieu environnant et à ses rudes contraintes, mais aussi des relations nouées avec ses voisins du nord, de l’est et du sud – relations décrites, pour le xvie siècle, par Ibn Khaldun dans Les Prolégomènes5. Ses caractéristiques socio-culturelles sont très originales, car elles résultent dans une large mesure de processus créatifs conditionnés par le fait d’habiter le désert. Mais elles ont enregistré, à la fin du xixe siècle et dans la première moitié du xxe siècle, de profonds changements, lesquels ont été imposés par les interventions coloniales – et l’occupation territoriale – de la France (pour ce qui deviendra la Mauritanie) et de l’Espagne.
15La culture sahraouie s’est historiquement reproduite au travers de l’oralité, quand bien même elle a coexisté avec l’écriture arabe classique. L’article de Bahía Mahmud Awah, écrivain et intellectuel sahraoui vivant en Espagne, identifie les différentes générations d’écrivains et poètes sahraouis, en soulignant les lignes de continuité et de changement de leurs productions littéraires durant les xixe et xxe siècles. Partant de la reconnaissance des fortes racines historiques de la société sahraouie qui a produit des savants bien connus dans le monde arabe, comme Mohammad al-Mami, Shaykh Ould Tolba ou Mā’ al-‘Aynayn, Bahía Mahmud Awah examine la façon dont cette culture s’est transformée en réaction aux différentes phases de la pénétration coloniale, aussi bien dans sa résistance contre les puissances européennes, entre 1884 et 1934, qu’en s’adaptant aux changements apportés par l’ordre colonial espagnol, surtout après la soi-disant pacification de 1957-19586.
16Signé conjointement par Juan Ignacio Robles Picón (Universidad autónoma de Madrid – UAM), Bahía Mahmoud Awad, Mohamed Ali Laman (ministère de la Culture de la RASD) et Juan Carlos Gimeno Martín (UAM), le deuxième article est le fruit d’un travail en co-élaboration7 entrepris dans le cadre d’un programme de recherche auquel est associé le ministère de la Culture de la RASD. Ce programme vise à favoriser la récupération de la mémoire du peuple sahraoui, tout particulièrement celle de sa poésie orale. Les auteurs se focalisent sur la poésie sahraouie, explorant quelques-uns des changements survenus au cours du xxe siècle. Ils concluent en s’interrogeant sur le rôle qu’elle a joué dans la formation de la conscience nationale. Pour eux, la poésie de la période de la révolution et de celle de la guerre garde des lignes de continuité avec celle des années de la lutte anticoloniale, alors que les thèmes de cette dernière se sont profondément renouvelés dans le contexte de la formation de la nation sahraouie, engagée par la révolution sociale et politique portée par le Front Polisario. Au Sahara occidental, et dans toute l’Afrique en lutte pour la décolonisation, il y eut ainsi une renaissance culturelle en rapport avec les mouvements de libération nationale. Et dans certains cas, par exemple là où la culture orale servit de véhicule pour la reproduction socio-culturelle, comme dans la Kabylie algérienne, les mouvements de libération facilitèrent une renaissance de la poésie qui connut, à l’occasion, un regain incontestable.
17Les débats poétiques autour des effets sociaux de la modernisation sociale impulsée par la métropole coloniale espagnole – débats qui se produisirent surtout durant les décennies 1950 et 1960 –, firent place, au cours de la décennie suivante, à une production poétique chantant plutôt la conscience révolutionnaire, célébrant l’unité nationale et stigmatisant traîtres et délateurs. Ces changements, survenus dans une société jadis tribale, musulmane et bédouine, obligent à réviser la représentation dichotomique (tradition vsmodernité) que véhiculent ceux qui l’étudient dans le cadre du Sahara occidental. Tant il est vrai que la révolution créa une situation nouvelle dans laquelle put s’épanouir une poésie patriotique, à l’image de ce que fut l’œuvre du poète espagnol Miguel Hernandez pendant la guerre civile espagnole. De fait, le Polisario a joué un rôle qui a largement dépassé celui de simple facteur de transformation sociale, dans ce sens qu’il fut avant tout un vecteur de la constitution d’une nation et d’appel à la lutte pour son autodétermination.
18Les articles de la deuxième partie se caractérisent par une approche d’économie politique du colonialisme, qui s’applique principalement à l’analyse des transformations induites par les politiques coloniales en matière d’aménagement du territoire et d’économie. Ces changements se produisirent dans un contexte régional en pleine transformation, à savoir, au cours des années 1960 et 1970, la lutte pour l’indépendance des pays voisins du Sahara espagnol et les projets d’intégration des nouveaux États indépendants dans le système-monde. Ce contexte révéla certains des traits distinctifs de la colonisation espagnole dans le Sahara occidental, principalement la lenteur avec laquelle elle se réalisa, mais aussi le fait que la métropole et sa colonie furent à contre-courant des processus de décolonisation, lesquels, en Afrique, s’accélérèrent à partir de la fin des années 1950. Or, dans le même temps, l’État franquiste, après une longue période de repli, réintégrait peu à peu la communauté internationale : en 1955, l’Espagne devenait ainsi membre de l’ONU – et elle s’engageait en conséquence à respecter les règles et les procédures de l’organisation internationale. À l’intérieur, le gouvernement espagnol lançait un plan de modernisation accélérée par le biais d’un programme de développement initié par un nouveau personnel politique dont la plupart de ceux qui le composaient étaient des technocrates. La provincialisation du Sahara, décidée en 1958 dans la foulée de ces changements, détermina alors un temps colonial nouveau, plus favorable à la réalisation d’investissements à finalité économique dans un territoire qui enregistra en conséquence, et quasi simultanément, la création d’un réseau de communications, la croissance des villes et les effets de la politique de sédentarisation des nomades. Entre 1958 et 1975, l’Espagne, manifestement soucieuse de défendre ses intérêts au Sahara, oscillait entre une logique d’appropriation directe des ressources, expression de sa domination coloniale sur le territoire, et une logique plus soucieuse des exigences induites par son intégration à l’ONU, en particulier l’injonction qui lui était faite de reconnaître le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination.
19Le travail des géographes de l’UAM – José Antonio Rodríguez Esteban et Diego A. Barrado Timón – insiste ainsi sur l’évolution de la présence espagnole au Sahara occidental à travers les différentes actions et interventions qui furent entreprises sur ce territoire. Les postes militaires, la construction des infrastructures de communication, l’exploitation des ressources, la planification urbaine et le développement des villes transformèrent assez rapidement l’espace du Sahara espagnol. L’étendue et l’impact de ces interventions nous permettent d’identifier les différentes étapes du projet espagnol de colonisation du territoire. Après les campagnes militaires conjointes franco-espagnoles ayant abouti à la pacification de 1934, l’intervention coloniale ne se manifesta que par la présence des soldats espagnols, confinés dans les petites villes le long de la côte. La plupart des Sahraouis continuèrent leur vie nomade, régie par leurs pratiques coutumières et le respect de l’Islam. Ce n’est donc qu’en 1958 que le Sahara occidental devint l’objet d’une politique d’investissements, comme d’ailleurs les autres provinces espagnoles à la même époque, à l’initiative d’un gouvernement technocratique relativement favorable au développement économique du territoire. La provincialisation des colonies espagnoles africaines prit forme dans ce contexte. Pour le Sahara occidental, il s’agissait aussi d’assurer un contrôle plus efficace de ses frontières pour contrecarrer les mouvements de l’Armée de libération marocaine et montrer l’inanité des revendications territoriales émises par le royaume chérifien au nom de son projet de « Grand Maroc ».
20Dans la dernière période de la colonisation (1960-1975), le territoire du Sahara occidental fut même considéré comme faisant partie de l’« Afrique utile », à partir du moment où le gouvernement espagnol décida d’explorer son sous-sol et de valoriser ses ressources minérales. Cela eut des répercussions importantes sur la dynamique démographique des populations et sur les méthodes de gouvernement, comme Violeta Trasosmontes (anthropologue, UAM) et Alicia Campos Serrano (science politique, UAM) le montrent bien dans leur article. Elles rappellent ainsi que, au début des années 1960, l’administration de la colonie fut fortement réformée à la suite de la provincialisation, ce qui impliqua une plus grande pénétration des Espagnols dans les structures politiques et sociales locales. Cette « seconde occupation » coloniale impliquait par ailleurs une augmentation substantielle des investissements publics dans les programmes de développement économique et une réforme de l’administration. Il en est résulté de notables changements sociaux et une réorientation des stratégies et des exigences politiques sahraouies pour faire face au gouvernement colonial.
21Dans les mêmes années, l’État espagnol contribuait au développement de la façade atlantique du Sahara en collaborant à la construction du complexe industriel de transformation de la pêche à Nouadhibou (République islamique de Mauritanie). Ce projet relevait cependant moins d’une volonté de développer la coopération bilatérale avec la Mauritanie que d’un soutien apporté aux pêcheurs des Canaries, lesquels exploitaient depuis de longues années les richesses halieutiques au large des côtes sahariennes. C’est en tout cas ce que montre Jésus Ma Martínez Milán (historien, Universidad de Las Palmas de Gran Canaria) dans son article sur les actions de l’Instituto Nacional de Industria (INI) en Mauritanie, un pays où, suite à la nouvelle législation adoptée après la proclamation de l’indépendance, la réglementation de l’exploitation des ressources par les flottes étrangères avait été sérieusement renforcée, au point qu’elle était désormais devenue une contrainte pour les activités des pêcheurs des Canaries.
22Les articles de la troisième et dernière partie de ce numéro des Cahiers d’EMAMse focalisent sur la manière dont s’est construite – et se construit toujours – l’histoire du Sahara occidental et les mémoires du peuple sahraoui. La condition de territoire disputé du Sahara Occidental est à l’origine d’une pluralité d’interprétations portant à la fois sur l’identité des Sahraouis et sur les relations qu’ils ont nouées, au cours de leur histoire, avec leurs voisins. Ces interprétations varient le plus souvent en fonction de l’implication dans le conflit de leurs auteurs : coopérants ; militants des droits de l’homme engagés sur le terrain et faisant montre d’un pathos certain ; universitaires exclusivement préoccupés par la collecte de données et les méthodes d’analyse fondées sur les grandes catégories de la pensée occidentale, bien souvent universaliste. Ce sont par conséquent des analyses et des positions divergentes, même si force est de constater que, parfois, elles peuvent aboutir à des conclusions assez proches.
23Alberto López Bargados, anthropologue et professeur à l’Universidad de Barcelona, porte pour sa part un regard critique sur la contribution de la littérature produite en Espagne au sujet du Sahara occidental au cours des dernières décennies. Il définit cette littérature comme étant « partisane » car, à quelques exceptions près, elle ne serait, selon lui, qu’une apologie à peine voilée de la marche héroïque et inexorable du peuple sahraoui vers la construction d’un État dans l’exil. L’auteur montre en outre que la dénonciation passionnée de la situation dramatique du peuple sahraoui par les intellectuels espagnols a pris une telle importance qu’elle a fini par empêcher toute tentative de réflexion plus profonde sur la responsabilité espagnole, tant en ce qui concerne la colonisation elle-même que le processus de décolonisation et ses conséquences.
24S’inscrivant dans une narration qu’Alberto López Bargados juge si stérile qu’il la qualifie de « poétique du point mort », un bon nombre d’auteurs de cette littérature partisane insistent sur le drame représenté par l’exil, mais ils font aussi, d’après López Bargados, l’économie d’une analyse critique de leur propre participation aux logiques perverses de l’aide humanitaire et de la coopération au développement, qu’ils contribuent à reproduire. L’auteur montre par ailleurs qu’historiquement, dans la construction discursive coloniale de la résistance sahraouie, les actions de résistance étaient considérées comme le fait exclusif d’une population nomade et bédouine, sans véritable conscience politique. Durant toute la période qu’a duré la colonisation, les gouvernements espagnols successifs nièrent ainsi la nature politique de la résistance de la population sahraouie, et ce jusqu’à ce que cette dernière exprime des revendications dans un langage commun aux forces politiques en présence, à savoir le langage familier de l’État-nation. Ce n’est en effet qu’à partir de ce moment-là que la dimension véritablement politique de la résistance sahraouie fut véritablement reconnue par les autorités espagnoles.
25Ainsi, le discours postcolonial sur le Sahara produit des zones d’ombre qui ne facilitent pas l’interprétation de l’histoire. Celle-ci se trouve de facto enfermée dans un régime de vérité, lui-même prisonnier du temps indéfini du conflit. Le discours postcolonial se révèle-t-il donc incapable d’envisager des alternatives qui permettraient dans la pratique, mais aussi dans la pensée politique, de combiner autrement l’équation entre peuple et souveraineté ?
26Pour sa part, Francesco Correale, historien (CNRS, UMR 7324 CITERES, Tours, France), affirme dans son article que la nécessité de structurer la « nation sahraouie » et la volonté de construire une mémoire partagée ont incité les nationalistes sahraouis à faire de la révolution et de ses protagonistes, en l’occurrence le Front Polisario, le socle de l’identité sahraouie. Pour cela, il lui a fallu faire table rase du passé tribal, qui a donc disparu de la narration sahraouie de l’histoire. Pour l’auteur, cette reconstruction du passé produit d’importantes lacunes et contradictions. Sans dimension critique, le récit historique instauré par le Front se veut surtout efficace et utile pour la cause nationaliste, en ce sens qu’il vise surtout à renforcer l’idée de l’unité du peuple sahraoui. Il en résulte une narration politique du passé qui, vu les conditions imposées par la guerre et par l’exil après l’occupation mauritano-marocaine, est devenue l’épine dorsale de la mémoire collective des Sahraouis (ou, du moins, de ceux vivant dans les camps de réfugiés de Tindouf).
27Poursuivant dans la même direction, F. Correale met l’accent sur les difficultés de l’entreprise de récupération de la mémoire du passé colonial, qui caractérise les relations de la population sahraouie à l’ancienne métropole et à l’aide humanitaire espagnole. Les réticences de la société espagnole à assumer pleinement les responsabilités historiques de sa présence presque centenaire au Sahara occidental empêchent toute narration décolonisée de l’histoire pour la période comprise entre 1884 et 1975. Ainsi, les amnésies accompagnant la reconstruction de l’histoire sahraouie tant à l’extérieur qu’au sein de la société sahraouie aboutissent à la sélection d’événements qui, mis ensemble, font paradoxalement apparaître la situation coloniale comme une période presque faste pour les Sahraouis. Comme l’affirment de nombreux Sahraouis âgés, c’est en effet pendant cette période que le gouvernement espagnol – à savoir le régime de Franco – maintint éloignés ceux qui devinrent ensuite les ennemis d’aujourd’hui, c’est-à-dire les Marocains.
28L’article de Claudia Barona Castañeda, historienne, chercheure à l’Universidad de las Americas de Cholula (État de Puebla, Mexique), s’appuie sur les témoignages qu’elle a recueillis auprès des principaux acteurs de la résistance sahraouie qui habitent les territoires occupés par le Maroc. Les témoins font état de leurs relations à la fois avec les colons marocains, les Sahraouis originaires de la région de Tarfaya et ceux qui, par conviction ou par contrainte, décidèrent de ne pas quitter les lieux après 1975. Selon Barona Castañeda, il n’y a pas vraiment de rupture dans les modes d’action politique depuis les années 1970, date à partir de laquelle les Sahraouis, alors sous domination espagnole, commencèrent à s’organiser pour revendiquer leur droit à l’autodétermination. La chercheuse met aussi l’accent sur les mouvements de résistance et sur la question des exactions commises par les forces marocaines (arrestations arbitraires suivies de « disparitions », tortures) ; elle insiste également sur les nouvelles stratégies envisagées par le mouvement social et les organisations politiques sahraouies militantes au sein des territoires occupés, pour faire entendre leurs voix. Les uns et les autres mènent prioritairement aujourd’hui un combat pour la défense des droits de l’homme. Recueillant les paroles des Sahraouis eux-mêmes, la chercheuse suggère que, à l’heure actuelle, le succès de la lutte pour le respect des droits de l’homme est devenu un préalable au bon déroulement du référendum d’autodétermination.
29Enfin, Juan Carlos Gimeno Martín et Juan Ignacio Robles Picón explorent quant à eux la possibilité d’écrire une histoire alternative du Sahara occidental, c’est-à-dire d’une histoire dont les fondements principaux seraient le dialogue critique avec les historiographies hégémoniques sur la région d’un côté, et la prise en compte du point de vue de la société sahraouie dans l’analyse du changement social de l’autre. Les auteurs adoptent le terme de « contre-histoire », qu’ils empruntent à Michel Foucault8. Foucault critique l’histoire en tant que discours du pouvoir et de la fascination que celui-ci exerce sur les historiens, et il propose la contre-histoire pour porter le discours des « sans gloire », ou de ceux qui l’ont perdue et se trouvent ainsi enfoncés dans l’obscurité et le silence9. Les auteurs se demandent notamment comment aider les Sahraouis dans leur entreprise d’émancipation et d’écriture d’une histoire dont ils seraient non plus les objets mais les sujets principaux. Cette ambition soulève d’autres questions. On peut en effet se demander dans quelle mesure, par exemple, les peuples colonisés peuvent inventer leurs propres traditions, ou s’ils ne sont pas, dans tous les cas, obligés de se conformer à la place que leur assigne l’historiographie produite par les anciennes métropoles impérialistes. En d’autres termes, peut-on construire une histoire différente de celle envisagée par les dominants ?
30Qu’elle soit libérale ou marxiste, l’historiographie contemporaine sur l’Afrique a eu tendance à assimiler la conquête coloniale à une forme d’intégration des sociétés vernaculaires à l’histoire mondiale. Au contraire, les historiographies nationalistes considèrent la lutte anticoloniale comme le point de départ d’un processus permettant à la fois de restaurer l’intégrité du passé national et d’imaginer un avenir pour les États indépendants sans pour autant rompre avec la modernité qui reste le point de départ de la construction narrative historique. L’histoire nationale du mouvement indépendantiste sahraoui ne fait pas exception parmi les historiographies nationales africaines, en soulignant la continuité historique entre le passé, le présent et le futur plus qu’elle ne met en relief les discontinuités introduites par le fait colonial.
10 Ce projet a été coordonné par Mohamed Ali Laman, directeur de la documentation et de la préservatio (…)
11 En 2003, J. C. Gimeno Martín a participé à un projet de recherche conduit avec l’aide de l’Union de (…)
31Compte tenu de ces perspectives, les auteurs soulignent l’intérêt de produire une contre-histoire qui devrait porter non pas sur les entreprises et les aspirations de l’impérialisme européen, mais sur l’expérience d’une rencontre des Africains avec l’Europe, rencontre qui s’inscrirait dans une perspective de longue durée. Dans cet ordre d’idées, les deux auteurs concernés collaborent, outre le projet I+D financé depuis 2008 et que nous avons déjà évoqué, à un autre projet conduit depuis 2003 avec la participation active de chercheurs sahraouis. Ce second projet s’intitule « Raconte-moi, grand-père/grand-mère ». Impulsé par le ministère de la Culture de la RASD, il vise la récupération de la mémoire orale de l’histoire sahraouie à partir d’entrevues réalisées auprès de personnes âgées vivant dans les camps de Tindouf10. L’article que ces deux auteurs publient dans le présent numéro des Cahiers d’EMAM restitue des informations et s’appuie sur des matériaux collectés dans le cadre de ces deux projets11.
32Les auteurs dont les travaux sont publiés dans ce numéro thématique desCahiers d’EMAM consacré au Sahara occidental ne partagent complètement ni les mêmes approches ni les mêmes points de vue, ce qui nous a précisément permis de réunir des connaissances et des analyses sensiblement différentes. Celles-ci nous autorisent, à leur tour, à envisager le conflit du Sahara sous différents angles, tant en ce qui concerne son passé, son temps présent que son avenir, un avenir qui nous paraît d’ailleurs singulièrement ouvert, pour ne pas dire problématique. Bien que ne figurent pas dans ce numéro d’articles d’auteurs qui soutiendraient la perspective marocaine sur le conflit du Sahara occidental, les textes rassemblés n’en offrent pas moins un ensemble de réflexions critiques, historiques et sociales suffisamment variées pour permettre au lecteur de prendre conscience qu’il existe plusieurs scénarios interprétatifs – et éventuellement divergents – en mesure de rendre compte de l’histoire de la société saharienne et du peuple sahraoui. Les différentes analyses proposées aboutissent de ce fait moins à une interprétation consensuelle des données historiques qu’elles ne mettent en évidence la pluralité des points de vue, seule en mesure de restituer la complexité objective de la question sahraouie. On voudrait donc espérer que les divergences qui seraient repérées entre les travaux réunis ici aient surtout une portée propédeutique, en ce sens qu’elles autoriseraient de nouvelles perspectives de recherche sur l’histoire du Sahara occidental.
33Madrid, Tours, février 2014.
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Notes
1 En effet, on peut affirmer qu’entre 1884 et 1934, l’administration espagnole se maintint au Sahara grâce à une sorte d’accord entre les gouverneurs généraux envoyés de Madrid et les populations du territoire, accord qui laissait une très large liberté d’action et de mouvement à ces dernières.
2 Junquera, 2013 (en ligne). Pour le texte du document final de l’IER, voir le site officiel du gouvernement marocain : http://www.ier.ma/plan.php3?lang=es. Pour la relation entre mémoire et violations des droits de l’homme au Sahara occidental, voir l’ouvrage magistral de Carlos Martín Beristain et Eloísa González Hidalgo, 2012 (en ligne).
3 Les appels d’offre Investigación + Desarrollo (I+D ; Recherche + Développement) représentent la principale possibilité de financement des projets portés par les chercheurs espagnols, toutes disciplines confondues. Le projet Sahara Occidental (1884-1976): Memorias coloniales, miradas postcoloniales (CSO2012-35314) (Sahara occidental (1884-1976) : Mémoires coloniales, regards postcoloniaux) a permis de créer des espaces de rencontre et de débats sur la question du Sahara occidental. Il a réuni Juan Carlos Gimeno Martín, Francesco Correale, Alberto López Bargados, Jesús María Martínez Milán, José Antonio Rodríguez Esteban, Diego A. Barrado Timón, Alicia Campos Serrano, Violeta Trasosmontes, Juan Ignacio Roble Picón, Ángeles Ramírez, Ildefonso Barreda et Bahía Mahmoud Awah.
4 Les articles publiés dans ce numéro ont été soumis à une évaluation par des pairs et ont été validés par eux en mai 2013. C’est à cette date que les bibliographies ont été arrêtées.
5 Ibn H̱aldūn, 1934-1938 vol. 
6 Dans la chronologie sahraouie, ces années sont considérées comme étant, pour 1957 la première année de l’attaque, pour 1958 la deuxième année de l’attaque. Il est fait référence pour ces appellations aux incursions dans le territoire du Sahara occidental de l’Armée de libération marocaine ainsi qu’aux opérations militaires espagnole et française, et notamment à l’opération « Écouvillon » de février 1958.
7 Les travaux que nous désignons comme étant en « co-élaboration » sont réalisés selon un mode courant au sein de notre équipe de chercheurs ; ils sont généralement entrepris par des paires de chercheurs qui construisent ensemble leur objet, et sont susceptibles de s’élargir à d’autres chercheurs, en priorité à ceux qui sont originaires des pays, sociétés ou cultures sur lesquels portent les recherches (en l’occurrence les chercheurs sahraouis). Sur les conditions de réalisation de tels travaux, se reporter à l’article de J. C. Gimeno Martín et J. I. Robles Picón dans ce numéro.
8 Les auteurs font notamment référence à un extrait d’un cours donné au Collège de France et qui figure dans un recueil intitulé : Il faut défendre la société (1976). Cet ouvrage a été traduit et publié en espagnol en 1993 sous le titre de Genealogía del racismo. Cette traduction a connu un vif succès en Espagne. Ce texte fait désormais souvent référence dans le champ des sciences sociales.
9 En France, avant Michel Foucault, le débat sur l’exigence de donner la parole aux différents protagonistes de l’histoire remonte au moins à l’époque des Annales, au cours des années 1950.
10 Ce projet a été coordonné par Mohamed Ali Laman, directeur de la documentation et de la préservation de la mémoire orale pour le ministère de la Culture de la RASD ; il a été mené en collaboration avec des chercheurs en formation du département d’anthropologie sociale et de la pensée philosophique espagnole de l’UAD.
11 En 2003, J. C. Gimeno Martín a participé à un projet de recherche conduit avec l’aide de l’Union des jeunes Sahraouis (UJSARIO) et le Conseil de la jeunesse d’Espagne sur la jeunesse sahraouie dans les camps de Tindouf. Mohamed Ali Laman fut le co-directeur du projet. La perspective postcoloniale/décoloniale du projet fut à la base d’une étude menée en collaboration (Gimeno Martín et Ali Laman, 2007). À partir des questionnements formulés durant ce projet sont nées les inquiétudes qui ont alimenté les travaux ultérieurs des deux chercheurs.
http://emam.revues.org/757

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