Rachid Rafaa, Marocain de 40 ans ayant fui le Maroc pour la France en 2009, a disparu dans la nuit du 26 au 27 juillet 2016 de sa résidence surveillée de Morne-Rouge, en Martinique, où il était assigné depuis mai 2014. Le Maroc avait demandé son extradition dès 2009, mais la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) s’y était opposée en 2013 au motif qu’il risquait d’être torturé dans son pays d’origine s’il y était renvoyé. D’autre part, la France lui ayant refusé le droit d’asile, il a finalement été assigné à résidence sur l’île d’Yeu, puis en Martinique à partir de mai 2014.
Rachid Rafaa, un djihadiste redoutable, depuis près de 7 ans sur le territoire français ? Ou un opposant au régime marocain, sympathisant de la cause sahraouie, un politique inoffensif qui déclare se battre pour le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui, qui est poursuivi en raison de cela par le régime marocain, lequel ne supporte pas un instant que l’on touche à sa main mise sur Sahara occidental ?
D’après la Cour européenne des droits de l’homme (cf. son arrêt du 4 novembre 2013), qui reprend les termes de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) il n’aurait pas fourni de preuves de son engagement en faveur de la cause sahraouie : « …les explications données par le requérant lors de son audition – qui se déroula à huis-clos – étaient demeurées contradictoires et non circonstanciées s’agissant de sa fréquentation des sites de discussion concernant le problème du Sahara occidental, et […] ainsi son engagement et son soutien pour cette cause ne pouvaient être tenus pour établis. »
S’il affirme qu’il fut arrêté, détenu et torturé par les services secrets marocains pendant 20 jours à Rabat (au début de 2009), ces mêmes services secrets lui auraient proposé ensuite de collaborer avec eux et de surveiller les membres du Front Polisario (pratique qui a déjà été relatée par nombre de militants sahraouis), ce qu’il accepta dans l’espoir d’être libéré (il dit avoir signé une lettre d’engagement et qu’ils lui remirent une somme d’argent). « Par la suite, chaque mois, le requérant recevait deux versements et une personne se rendait à son domicile de Marrakech pour recueillir le fruit de ses observations. ». Il dit avoir pris la fuite dès qu’il en eut la possibilité (fin 2009). La CNDA a toutefois estimé « qu’aucun élément ne permettait de conclure à la réalité de sa détention pendant trois semaines ni aux raisons de cette détention qui seraient le soutien à la cause sahraouie. » Pour autant il y a de quoi s’interroger : un djihadiste, qui depuis fin 2009 où il est arrivé en France, ne cesse de se défendre devant la justice française et européenne, multiplie les recours à l’aide d’avocats, puis reste « gentiment » assigné à résidence en Martinique, à l’hôtel, sans bracelet électronique, depuis mai 2014 jusqu’à cette nuit du 26 au 27 juillet 2016. La thèse officielle marocaine – et française – est qu’il s’est évadé : un djihadiste dans la nature !
Peut-être. Peut-être pas. Son avocate nancéienne se fait l’écho des craintes de sa famille (cf. L’Est Républicain du 3 août) : Rachid Rafaa pourrait avoir été enlevé par les services secrets marocains, qui auraient des choses importantes à lui reprocher, des choses qui ne remontent peut-être pas si loin que 2009… Impossible de trancher bien sûr. Mais devant cette incertitude, alors qu’un homme est peut-être sous la menace de la torture et/ou de la mort, le gouvernement français doit mettre en œuvre une enquête approfondie sur sa disparition. Les médias et les responsables politiques français doivent l’exiger. Il y a en effet encore un doute à lever : si l’on en croit le360.ma, un site marocain très proche du pouvoir alaouite, dans sa livraison du 29 juillet (tout de suite donc après la disparition de Rachid Rafaa), « il lui a […] été facile de planifier son évasion pour échapper aux autorités françaises. Ceci, malgré les alertes envoyées par leurs homologues marocaines, quelques jours plus tôt, sur ce projet d’évasion par voie de mer que préparait alors Al-Qaïda. Bien sûr, l’alerte n’a pas été prise en compte et le projet d’évasion s’est déroulé tel que les services de renseignement marocains l’avaient prédit… ».
Bien que les relais médiatiques du Maghzen nous aient habitués à la fabrication des légendes les plus imaginatives, ils allèguent là le fait que les Français ont bien été avertis d’un plan préparé d’avance et qu’ils n’en ont rien fait ? Cela mérite pour le moins que les pouvoirs publics français donnent des éclaircissements sur cette allégation.
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