Le Maroc est un pays d’origine, de destination et de transit pour des hommes, des femmes et des enfants victimes du travail forcé et de la traite à des fins d’exploitation sexuelle. Des fillettes marocaines originaires de zones rurales pouvant avoir seulement 6 ans sont recrutées pour travailler comme employées de maison dans les villes et deviennent des victimes du travail forcé, ne recevant aucun salaire et subissant des menaces, des restrictions de leur liberté de circulation et des violences physiques, psychologiques ou sexuelles ; toutefois, une ONG a indiqué que le nombre des cas de travail domestique des enfants a baissé depuis 2005.
Des garçons marocains sont soumis au travail forcé comme apprentis dans la fabrication artisanale, le bâtiment et les ateliers de mécaniciens automobiles. Des hommes, des femmes et des enfants, surtout originaires d’Afrique subsaharienne et d’Asie du Sud pénètrent volontairement, mais clandestinement, au Maroc avec l’aide de passeurs ; une fois sur place, certaines des femmes et des jeunes filles plus âgées sont forcées de se prostituer ou, moins fréquemment, de travailler comme employées de maison. Des organisations internationales et des ONG locales signalent que les femmes et les enfants non accompagnés venant de la Côte d’Ivoire, de la République démocratique du Congo et du Nigeria sont très vulnérables à la traite à des fins d’exploitation sexuelle et au travail forcé au Maroc.
Des femmes originaires des Philippines et d’Indonésie sont recrutées pour être des employées de maison au Maroc, mais à leur arrivée, certaines sont soumises au travail forcé, elles ne reçoivent pas leur salaire, leurs passeports sont confisqués et elles subissent des violences physiques de la part de leurs employeurs. Une ONG locale a fait remarquer en 2014 que l’absence d’une ambassade ou d’un consulat des Philippine au Maroc fait courir aux ressortissants philippins, en particulier aux employés de maison, davantage de risques d’être victimes de la traite et rend plus difficile l’obtention de services de protection. Des réseaux criminels à Oujda, près de la frontière avec l’Algérie, ainsi que dans la ville côtière septentrionale de Nador, forcent des immigrantes étrangères sans papiers à se prostituer et à mendier ; les réseaux d’Oujda forceraient également des enfants à mendier. Certaines migrantes qui ont transité par Oujda, en particulier des Nigérianes, sont forcées de se prostituer une fois qu’elles arrivent en Europe. En 2014, le Maroc a connu une forte augmentation du nombre des migrants et des réfugiés syriens, mais on ne dispose pas d’informations sur leur vulnérabilité à l’égard de la traite des personnes au Maroc.
Des hommes, des femmes et des enfants marocains sont exploités à des fins de travail forcé et d’exploitation sexuelle, surtout en Europe et au Moyen-Orient. Des Marocaines sont forcées de se prostituer, surtout dans les Émirats Arabes Unis, au Bahreïn, en Jordanie, en Libye, en Syrie et en Europe ; certaines d’entre elles sont limitées dans leur liberté de circulation et subissent des menaces et des violences psychologiques et physiques. Des recruteurs offriraient des emplois à des hommes marocains dans la région du golfe Persique, mais confisqueraient leurs passeports et soumettraient ceux-ci à la servitude pour dette après leur arrivée. Des garçons et des hommes adultes marocains sont attirés vers l’Europe au moyen d’offres d’emploi frauduleuses, puis forcés de vendre de la drogue. Certains étrangers, en particulier des Européens venant surtout de France et d’Espagne, font du tourisme sexuel infantile dans les principales villes marocaines.
Le gouvernement du Maroc ne se conforme pas entièrement aux normes minimales pour l’élimination de la traite, mais il fait des efforts importants dans ce sens. Pendant la période visée par le présent rapport, il a un peu amélioré ses activités de soutien des organisations de la société civile qui travaillent avec les migrants vulnérables. Il a également élaboré un plan d’action national de lutte contre la traite dans le but d’adopter une législation contre la traite des personnes. Le droit marocain n’interdit pas toutes les formes de traite des êtres humains, et les agents publics ont continué d’assimiler la traite des personnes, le trafic illicite de migrants et la migration illicite. Le gouvernement a communiqué des données sur ses efforts modestes pour mener des enquêtes et des poursuites judiciaires au sujet de la traite des personnes et des délits liés à la traite des personnes ; toutefois, il n’a pas pu le faire au sujet de la condamnation des auteurs de la traite des personnes en 2014. Depuis plusieurs années, il n’a pas identifié proactivement les victimes de la traite parmi les groupes démographiques vulnérables ou fourni des services de protection à celles-ci. Il a fait des efforts insignifiants pour chercher à détecter les victimes de la traite parmi les migrants en situation irrégulière, surtout parmi les migrants subsahariens, et les autorités ont continué à faire des rafles, arrêter, détenir et expulser les victimes étrangères de la traite parmi eux.
RECOMMANDATIONS À L’INTENTION DU MAROC :
Promulguer et faire respecter une loi qui interdit toutes les formes de traite des personnes et prescrit des peines suffisamment sévères pour toutes les formes de traite des personnes, en la distinguant du trafic illicite de migrants ; augmenter de façon significative les enquêtes, les poursuites judiciaires et les condamnations des personnes se livrant à la traite des êtres humains, et garantir l’imposition de peines sévères ; garantir que les victimes ne sont pas sanctionnées pour des actes illicites commis en conséquence directe d’avoir fait l’objet de la traite des personnes, comme des violations au regard de l’immigration ; identifier proactivement les victimes de la traite, surtout dans la communauté des migrants étrangers ; élaborer et mettre en œuvre des procédures officielles concernant l’identification des victimes et leur orientation vers des services de soins ; fournir un financement et un soutien en nature aux ONG qui offrent des services spécialisés aux victimes de la traite, y compris aux victimes étrangères, et orienter les victimes vers ces prestataires de services ; améliorer énormément la collecte et la communication des données sur l’application des lois, en séparant notamment les données sur les délits liés à la traite des personnes et celles portant sur le trafic illicite de migrants ; et mener des campagnes d’information du public sur toutes les formes de traite des personnes.
POURSUITES JUDICIAIRES
Le gouvernement a fait de modestes efforts de répression de la traite des personnes. Le Maroc n’a pas de loi contre la traite des personnes, et ceci a continué de représenter un grand obstacle pour faire aboutir les poursuites concernant les délits liés à la traite et a provoqué la confusion entre les agents publics pour ce qui est de distinguer entre les infractions liées au trafic illicite de migrants, à la migration illicite et à la traite des personnes. Le code pénal du Maroc interdit le travail forcé des enfants aux termes de l’article 467-2, qui prescrit des peines d’un à trois ans de prison. Le code pénal interdit également la prostitution forcée et la prostitution des enfants aux termes des articles 497 à 499, qui prescrivent des peines allant jusqu’à 10 ans de prison ou la réclusion à perpétuité pour des délits s’accompagnant de circonstances aggravantes. Le code pénal ne définit pas et ne sanctionne pas expressément la traite à des fins d’exploitation sexuelle. L’article 10 du code du travail marocain interdit le travail forcé ; ce délit est passible d’une amende pour la première infraction et d’une peine de prison allant jusqu’à trois mois pour les infractions ultérieures. Si l’on exclut les peines pour les délits de prostitution forcée ou de prostitution d’enfants accompagnés de circonstances aggravantes, les peines ne sont généralement pas assez sévères. Le gouvernement a fait état d’efforts modestes de répression des délits potentiels liés à la traite à des fins d’exploitation sexuelle. Il a signalé de nombreux cas impliquant des suspects qui auraient été responsables de la prostitution et de l’exploitation sexuelle d’enfants, mais, sans disposer de détails à leur sujet, il est difficile de savoir s’ils comprenaient des délits liés à la traite des personnes et si des auteurs de la traite des personnes ont été poursuivis en justice. Le gouvernement a indiqué avoir engagé des poursuites judiciaires contre 37 personnes faisant travailler des enfants comme employés de maison, mais il était difficile de savoir si ces affaires constituaient du travail forcé. Il a également signalé avoir démantelé 19 réseaux de trafic illicite de migrants et de traite des personnes en 2013 et 2014, mais n’a pas donné de détails sur les efforts faits pour mener des enquêtes et des poursuites pénales à l’encontre de ces groupes. Le gouvernement n’a pas fait état d’enquêtes, de poursuites judiciaires ou de condamnations de fonctionnaires complices de la traite des personnes. Il a fourni une formation sur la lutte contre la traite des personnes à 937 responsables de la gendarmerie royale/gardes-frontières, ainsi qu’à des représentants de ministères et d’ONG et à des journalistes pendant une séance organisée en novembre 2014.
PROTECTION
Les efforts du gouvernement pour identifier et protéger les victimes de la traite sont demeurés insuffisants. En 2014, le gouvernement n’a pas signalé avoir cherché à identifier ou avoir identifié proactivement des victimes, y compris celles appartenant à des groupes démographiques vulnérables comme les migrants en situation irrégulière et les refugiés rencontrés par des agents publics dans le cadre du programme de régularisation des migrants. Toutefois, des organisations internationales et des ONG ont identifié indépendamment des victimes dans ces groupes pendant l’année. Dans le cadre de son programme de régularisation en 2014, le gouvernement a octroyé des permis de séjour et donné l’accès à des services publics, comme l’éducation, les soins de santé et l’aide à l’emploi, à des réfugiés et des migrants en situation irrégulière. Néanmoins, rien n’indique qu’il y ait des services gouvernementaux conçus spécifiquement pour aider les victimes de la traite ou des fonds alloués à ces fins. Le gouvernement n’a pas non plus indiqué avoir fourni des soins à des victimes marocaines de la traite rapatriées. Il a offert des services aux femmes et aux enfants victimes de violences, par l’intermédiaire du ministère de la Justice et de centres d’accueil d’enfants, mais il n’a pas indiqué que ces services aient été utilisés par des victimes de la traite. Le gouvernement a beaucoup compté sur les ONG et les organisations caritatives pour fournir des services de protection aux victimes, avec un financement ou un soutien en nature limité. Toutefois, des ONG et des organisations internationales ont indiqué avoir des relations de travail actives avec les responsables locaux des services de répression, qui signaleraient les enfants à risque – dont certains pourraient être des victimes de la traite – aux services de protection. De plus, en 2014, le ministère chargé des Marocains résidant à l’étranger et des affaires de la migration a annoncé avoir signé un accord de partenariat avec 25 organisations de la société civile pour fournir des services humanitaires d’urgence aux migrants vulnérables, y compris aux victimes potentielles de la traite. Les autorités auraient encouragé des victimes à témoigner pendant des enquêtes sur des trafiquants et le décret no 1-11-164 protège mieux les victimes et les témoins qui font des dépositions contre les trafiquants ; toutefois, rien n’indique que des victimes aient témoigné en 2014.
Le gouvernement n’a pas protégé les victimes de la traite de poursuites judiciaires engagées pour des actes illicites commis en conséquence directe d’avoir fait l’objet de la traite des personnes. Des ONG, des ambassades étrangères et des associations de la société civile ont signalé que, même si les descentes de police dans les communautés migrantes dans le nord et les refoulements vers l’Algérie ont diminué en 2014, les autorités ont continué à faire des rafles, arrêter, détenir et expulser des migrants étrangers en situation irrégulière, y compris des victimes de la traite. Les autorités marocaines n’ont pas cherché à identifier les victimes potentielles de la traite parmi ceux qui avaient été arrêtés et expulsés ; elles ont plutôt souvent traité les victimes étrangères de sexe masculin surtout comme des migrants illicites. De plus, en 2014, les médias, les organisations internationales et la société civile ont souvent fait état de violences – allant de l’expulsion à la mort – à l’encontre de migrants subsahariens, y compris de victimes potentielles de la traite, perpétrées par des agents publics marocains et espagnols le long des frontières des enclaves espagnoles de Melilla et Ceuta. Il existe des dispositions juridiques pour prévenir l’expulsion des victimes étrangères de la traite vers des pays où elles pourraient subir des représailles ou des préjudices.
PRÉVENTION
Le gouvernement a fait quelques progrès pour empêcher la traite des personnes. En décembre 2014, il a adopté une stratégie nationale de la migration et de l’asile, qui comprenait des mesures de lutte contre la traite des personnes. Il a également élaboré un plan d’action national de lutte contre la traite des personnes, qui comprenait un engagement à finaliser et adopter une loi contre la traite des personnes, élaborer des mesures de protection des victimes, donner une formation sur la lutte contre la traite des personnes aux agents publics et investir dans des campagnes de prévention. En 2014, le gouvernement n’a pas organisé de campagnes de sensibilisation sur la traite des personnes, mais, en coordination avec une organisation internationale, il a entamé une étude au sujet de la traite des personnes au Maroc. Le ministère de l’Emploi et des affaires sociales a mené 312 inspections du travail et identifié des centaines d’enfants travailleurs au premier trimestre 2014, mais les inspecteurs n’ont pas identifié de victimes de la traite parmi eux. Les inspecteurs ont continué d’être entravés par le manque de personnel et ils n’avaient pas l’autorisation légale de pénétrer chez les particuliers, ce qui les empêchait d’identifier des enfants ou des adultes assujettis à la servitude domestique. Le gouvernement a indiqué avoir mené un nombre inconnu d’inspections de bureaux de placement privés qui ne respectaient pas les règlements en matière d’emploi, mais il n’a pas donné d’informations sur les résultats de ces inspections. Il a pris des mesures pour réduire la demande d’actes sexuels tarifés et de tourisme sexuel infantile au moyen de sa « Politique publique intégrée de protection de l’enfance », dont l’objectif est d’améliorer le cadre juridique de la protection des mineurs en incluant la mise en œuvre de sanctions pénales pour le recrutement d’enfants en ligne à des fins d’exploitation sexuelle et le tourisme sexuel. En outre, le gouvernement a continué de travailler avec l’industrie du tourisme pour empêcher l’exploitation sexuelle des enfants. Il donnerait à son personnel diplomatique une formation sur les droits de l’homme comprenant des questions relatives au droit du travail et à la traite des personnes. Il a fourni une formation sur la question de l’exploitation sexuelle, mais pas spécifiquement la traite des personnes, aux soldats marocains avant leur déploiement à l’étranger dans le cadre de missions de maintien de la paix de l’ONU.
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