Le roi est arrivé au Gabon hier dans l’après midi pour une visite de cinq jours environ. Passons les détails. L’on croit savoir qu’il a décidé d’ef- fectuer ce voyage pas pour une visite de travail au sens des relations entre Etats, comme cela a été prétendu, ni pour un séjour de plaisance. La visite du roi, il s’en est convaincu, et en a convaincu l’establishment français, avait pour but d’instaurer le dialogue entre Jean Ping, vainqueur des élections du 27 août dernier, et le candidat malheureux à ces élections, Bongo Ondimba Ali (BOA), désormais à la tête d’une junte militaro-putschiste qui fait de la résistance au Palais du bord de mer. Plantons le décor.
A la France, Mohammed VI a vendu la certitude que, d’une manière ou d’une autre, les antagonismes se dissiperont et feront place à l’ordre normal des choses. A-t-il pris le risque de les rassurer que Jean Ping finira par céder et que, cela étant, BOA occupera tranquillement le Palais du bord de mer en toute quié- tude ? Cela semble le cas, car des indiscrétions glanées, il ressort qu’il serait entré en contact avec Jean Ping, et qu’il aurait, suite à un entretien avec ce dernier, vertement demandé de l’attendre au Gabon pour des entretiens préalables avec BOA qui déboucheraient sur ce pseudo-dialogue. A cela, son interlocuteur a opposé une fin de non-recevoir. A-t-il compris la détermination de son inter- locuteur ? Pas si sûr.
En cela, le roi devient bien gênant. Surtout lorsqu’il se met en tête qu’en dessous du Maroc, passé le désert du Sahara, il n’est que des « nègres » que le Maroc assiste dans divers domaines. Cette condescendance est à proscrire. Dans une précédente édition, nous rappelions à Mohammed VI que le Gabon n’a jamais été un royaume. Il ne l’est pas plus sous les 49 ans du pouvoir des Ondimba. Et que le fait des relations personnelles qu’il entretient avec BOA ne sont pas un gage de propriété des citoyens de ce pays par ce dernier.
Et si le peuple gabonais a marqué son refus du hold-up électoral jusqu’au prix du sang, c’est un message clair qu’il a lancé à la France et au reste du monde, que le temps où l’on pouvait lui imposer un homme est à jamais révolu. Il est étonnant que, malgré cette détermination, le roi du Maroc ait pu donner des assurances à la France sur sa capacité à instaurer un dialogue qui légitimerait BOA et ferait passer l’expression du peuple gabonais par pertes et profits.
Qu’une certaine France, incarnée par Manuel Valls, Jean-Marc Ayrault, Nicolas Sarkozy, et d’autres nostalgiques d’un passé néocolonial, y ait cru, au point de moduler ses positions, est fort regrettable. Que la France ait décidé d’un repositionnement stratégique où le Maroc est en train de devenir le point de mire, cela est légitime. Ce qui ne l’est pas, c’est de se dire que la Gabon va être le point d’approvisionnement des richesses qui seront créées au Maroc en maintenant le peuple gabonais sous le joug de la servitude. Cela est inadmissi- ble. Et c’est le sens du non de Jean Ping. Mais ce non a un socle : la déterminaion du peuple gabonais, celui qui a décidé de tourner la page.
Et pourtant, le Maroc et ses amis d’une certaine France ont eu de bien beaux exemples ces derniers temps. A Houston, au Texas, des Gabonais, depuis le 31 août, marchent tous les jours dans cette cité américaine. A Washington, ils ont obtenu, en quelques heures, après avoir fait irruption dans l’hémicycle du Congrès américain, une résolution pour demander le recomptage des voix. A Paris et dans d’autres villes de France, la mobilisation s’intensifie chaque jour. Cette mobilisation a envahi les réseaux sociaux. Au Gabon, les jeunes, malgré les nombreuses victimes qu’ils ont vu tomber, ne reculent pas. Les syndicats les plus puissants, dont ceux de l’éducation, ont décidé de paralyser l’enseigne- ment. Devant cette détermination, il est absurde de croire que BOA pourra s’imposer au pouvoir et diriger ces femmes et ces hommes qui ont bravé la mort.
Il est étonnant que le roi Mohammed VI n’ait pas eu une lecture adéquate de cette situation. Ne pas l’avoir fait est un signe de mépris. Cela, le peuple gabonais ne peut l’accepter. Et ce qui est à craindre, c’est qu’il soit en train de com- promettre et son image de marque et ses intérêts dans ce pays.
Nous avons dénoncé, il y a quelques semaines, ces manœuvres marocaines à l’endroit de la France ; des approches indécentes de son chef de mission diplo- matique à l’endroit de Jean Ping ; les manœuvres entreprises en Afrique de l’Ouest pour faire adouber BOA par le Sénégal et le Mali. Il est regrettable que Mohammed VI n’en ait eu cure. Alors, qu’il retienne que le Gabon n’est pas une province du Maroc. De dialogue, les Gabonais de la nouvelle République, tant ceux du Gabon que les autres à travers la planète, disent « Non ! »
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