Sahara Occidental : Le front des monarchies

LE MAROC ET NEUF PAYS SE RETIRENT DU SOMMET AFRO-ARABE  — Le front des monarchies
Le coup de théâtre opéré par le Maroc et huit autres pays des monarchies du Golfe qui se sont retirés du 4e Sommet afro-arabe pour protester contre la présence d’une délégation sahraouie n’aura finalement réussi qu’à dévoiler les véritables intentions des Marocains à l’égard de l’Union africaine qu’ils tentent depuis plusieurs mois de rejoindre.

Abla Chérif – Alger (Le Soir) – Retour sur les faits : il y a trois jours, la presse marocaine annonçait que les autorités de son pays avaient pris la décision de ne pas prendre part aux travaux du 4e Sommet afro-arabe dont le déroulement est prévu pour mercredi et jeudi en Guinée équatoriale. Mardi, l’information est officiellement confirmée en fin de journée par le ministère des Affaires étrangères. Un communiqué annonce, en effet, que «le Maroc ne participera pas à un sommet d’Etats arabes et africains en présence du Front Polisario car celui-ci n’est pas membre de la Ligue arabe et n’est pas reconnu par plusieurs pays africains». Au même moment, des rumeurs savamment distillées laissaient aussi entendre que cette décision est partagée par plusieurs pays, majoritairement issus des monarchies du Golfe. L’information se confirmait hier encore : l’Arabie Saoudite, le Qatar, les Emirats arabes unis, le Koweït, Bahreïn, Oman, la Jordanie, le Yémen (dont le gouvernement siège à… Riyadh) et la Somalie annoncent, à leur tour, leur retrait du Sommet. Six de ces pays font tous partie du Conseil de coopération du Golfe (CCG) qui avait réitéré son soutien au Maroc sur la question du Sahara occidental, il y a moins d’une année. Le retrait qu’ils opèrent n’est rien de moins qu’un geste de solidarité avec la monarchie marocaine. Leur soutien en faveur de la marocanité du Sahara occidental n’est pas nouveau. Il a été exprimé maintes fois dans des déclarations politiques et à travers des soutiens économiques comme ce fut notamment le cas au cours de l’année précédente pour l’Arabie Saoudite laquelle a mis la main à la poche pour la mise en œuvre de projets de développement dans des zones occupées comme Dakhla. Cette fois, cependant, ces pays accompagnent le Maroc dans une entreprise périlleuse. 

La présence d’une délégation de la République arabe sahraouie démocratique (RASD) au Sommet afro-arabe s’est effectuée sur insistance de l’Union africaine (UA), une organisation à laquelle tente d’adhérer, coûte que coûte, les Marocains depuis de longs mois déjà. Une première, doit-on préciser, car la RASD n’avait encore jamais pris part aux dernières réunions de ce sommet, ni émis le vœu de le faire, pour éviter volontairement de mettre dans la gêne l’organisation africaine. Cette fois, cependant, la décision est venue de cette même Union africaine qui aurait, selon certains médias étrangers, inséré la liste d’une délégation du Front Polisario parmi les participants en insistant pour que sa présence au Sommet soit effective. Les raisons de cette insistance ne sont pas évoquées. L’UA a-t-elle décidé d’entamer une manœuvre pour tester le prétendant marocain ? L’hypothèse est plausible. La demande d’adhésion formulée par Mohammed VI a été reçue avec de très grandes appréhensions de la part des responsables de l’UA qui sont allés jusqu’à créer une commission, composée de dix pays africains, pour étudier la demande marocaine. La raison ? L’incompréhension et les doutes qui ont accompagné cette demande surprenante d’un pays qui a toujours refusé de siéger au sein de cette même structure en raison de la présence de la RASD. Une adhésion à l’UA, après le retrait spectaculaire de ce pays sur instruction de Hassan II qui déplorait d’avoir à siéger auprès de «joueurs de tam-tam» aurait pourtant signifié une volte-face spectaculaire et l’amorce d’une nouvelle ère dans la résolution du plus vieux conflit de décolonisation au monde. 

La réponse à l’enquête ouverte par l’UA est donc toute trouvée aujourd’hui. Elle a été fournie par Mohammed VI lui-même que beaucoup d’observateurs étrangers ont tendance à qualifier de trop intempestif. Une réponse qui confirme aussi les appréhensions et les doutes émis par plusieurs pays membres de l’UA dont l’Algérie qui y voyaient une tentative de phagocyter l’organisation et compromettre l’entente africaine. 

Le quotidien El-Moudjahid a d’ailleurs consacré, en début du mois, un éditorial au sujet laissant entendre que l’adhésion du Maroc à l’Union africaine allait «accentuer les divisions entre les pays africains (…) et poser la question de la crédibilité de cette instance». El-Moudjahid ajoutait que «cette demande d’adhésion est loin d’être une simple opération arithmétique (…) les choses ne sont pas aussi simples qu’il y paraît». En cas d’adhésion du Maroc à l’UA, «il faudra revoir jusqu’aux principes fondamentaux qui régissent cette instance et notamment au principe du respect des frontières existant au moment de l’accession de l’indépendance». En référence aux discours de bonne volonté récemment prononcés par Mohammed VI à Dakar puis à Marrakech (conférence de la COP22), le quotidien gouvernemental conclut qu’il ne s’agissait là que d’une «vaste campagne de propagande destinée à restaurer son image de marque gravement altérée depuis son occupation du Sahara et son refus d’appliquer les décisions de la communauté internationale». 

Les évènements n’ont malheureusement pas tardé à confirmer ces propos. Le retrait du Maroc et des pays qui le soutiennent en raison de la présence d’une délégation de la RASD au Sommet afro-arabe confirme que la demande d’adhésion à l’UA n’était qu’une manœuvre de plus. 

Si l’Algérie s’est largement exprimée sur le sujet, on s’interroge cependant sur sa réaction à l’égard de certains pays du Golfe avec lesquels elle intensifie ses relations depuis un certains temps. 

La solidarité exprimée par les Emirats arabes unis avec le Maroc à la veille du Sommet afro-arabe est un événement survenu alors même que l’Algérie déroulait le tapis rouge à un haut responsable émirati en visite (ce mercredi) dans le pays. Idem pour l’Arabie Saoudite, pays où le Premier ministre algérien a été royalement reçu la semaine dernière.

Le 4e Sommet afro-arabe s’est, quant à lui, ouvert hier en Guinée équatoriale avec la participation de plus de 50 pays, dont l’Algérie, précisait l’agence gouvernementale APS hier. L’Égypte, la Tunisie, le Liban et la Mauritanie figurent également parmi les participants.
A. C.



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