Contrairement au Makhzen qui se gausse d’avoir remporté une «victoire décisive» sur le Front Polisario, de plus en plus de voix s’élèvent au Maroc pour se plaindre de la faillite de la diplomatie marocaine et soutenir que le récent arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) se rapportant à l’accord de libre-échange conclu en 2012 entre Bruxelles et le Maroc est en réalité loin d’être favorable au royaume alaouite. Parmi ces voix, il y a notamment celle de Reda Fellah, professeur de droit international à l’Université d’Agadir, qui estime que l’arrêt de la CJUE, notamment dans son dernier paragraphe, mentionne clairement que l’accord de libre-échange UE-Maroc n’inclut pas le Sahara Occidental. «Ceci est grave. Nous ne pouvons pas tolérer une telle chose et faire comme si de rien n’était, car cela pourrait encourager demain le Front Polisario à mettre en avant d’autres revendications», enrage-t-il dans une interview accordée aujourd’hui à un site marocain d’information.
Pour Reda Fellah, qui ne cache pas sa panique et son inquiétude, il est certain que le Maroc s’est fait piéger dans la mesure où « la Cour de justice de l’Union européenne opère un net distinguo entre le territoire marocain et celui du Sahara Occidental ». Le professeur de droit international a ajouté que les conclusions de l’arrêt de la CJUE vont à l’encontre des positions de la diplomatie marocaine et qu’il est inconcevable que des parties puissent ainsi les remettre en cause. Estimant que le dossier a été mal défendu, Reda Fella soutient naïvement que la CJUE n’aurait pas dû accepter de traiter le recours du Front Polisario. La décision de mercredi dernier, prévient-il, va sans doute apaiser les tensions entre le Maroc et l’Union européenne, mais d’évidence, elle affaiblit la position marocaine sur le dossier sahraoui.
Après la publication par la Cour de justice de l’Union européenne de son arrêt, les autorités marocaines ont aussitôt mobilisé leurs relais médiatiques habituels pour transformer leur défaite en victoire. Elles ont également gracieusement payé de nombreux «experts» internationaux pour faire des lectures «positives» de l’arrêt. C’est le cas de Daniel Libin, consultant juriste qui a publié une tribune dans l’Economiste du 22 décembre 2016 dans laquelle il dit sur plusieurs colonnes au Makhzen ce qu’il veut bien entendre.
La Cour de justice de l’Union européenne a, rappelle-t-on, tranché le 26 décembre dernier sur le dossier de l’accord de libre-échange conclu en 2012 entre l’Union européenne et le Maroc. Pour la CJUE, cet accord n’est pas applicable au Sahara Occidental. Mais, contrairement au tribunal de l’UE, la cour s’est prononcée contre l’annulation de l’accord.
La cour a jugé que le tribunal, dans sa décision d’annulation, avait omis de tenir compte du «statut séparé et distinct» du Sahara Occidental reconnu par l’ONU. Ainsi, stipule la CJUE, «il est exclu de considérer que l’expression « territoire du royaume du Maroc », qui définit le champ territorial des accords d’association et de libéralisation, englobe le Sahara Occidental et, partant, que ces accords sont applicables à ce territoire». En clair, cela veut dire que le Sahara Occidental n’appartient pas au Maroc. C’est ce que commencent à comprendre les Marocains.
Khider Cherif
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