Écrit par Sabrina Miloudi
Le dossier du Sahara occidental connaît d’ores et déjà un premier soubresaut au lendemain de la réintégration du Maroc à l’Union africaine.
Rabat, par la voix de son ministre délégué aux Affaires étrangères, Nasser Bourita, a réaffirmé son intention de ne «jamais reconnaître» la République arabe sahraouie démocratique (RASD), au mépris des règlements et statuts de l’UA, particulièrement son Acte constitutif.
«Non seulement le Maroc ne reconnaît pas – et ne reconnaîtra jamais – cette entité fantoche, mais il redoublera d’efforts pour que la petite minorité de pays, notamment africains, qui la reconnaissent encore, fasse évoluer leur position dans le sens de la légalité internationale et des réalités géopolitiques», a affirmé M. Bourita dans un entretien publié hier par le site d’information le Desk.
Une déclaration qui intervient concomitamment avec la tribune offerte par l’AFP au président de la RASD et secrétaire général du Front Polisario, Brahim Ghali, dans laquelle il affirmait que «la voie pacifique» reste la meilleure option pour résoudre l’un des plus vieux conflits du continent africain, précisant néanmoins que «toutes les options restent ouvertes», en faisant allusion à une éventuelle reprise de la lutte armée.
Rappelant qu’un cessez-le-feu a été signé entre les belligérants en 1991, M. Ghali a ajouté que le retour du Maroc à l’UA peut – et doit – entraîner une ouverture diplomatique.
«Maintenant que le royaume marocain est membre de l’UA, il doit respecter les frontières internationales de la République sahraouie. (…).
Il doit également chercher des solutions pacifiques. Nous espérons que le Maroc tiendra ses engagements», a-t-il dit. Comme une réponse directe aux propos tenus par M. Ghali, le ministre marocain délégué aux Affaires étrangères notait que «le retour du Maroc au sein de sa famille institutionnelle continentale ne changera rien dans [les] positions immuables concernant la marocanité du Sahara».
Il n’en demeure pas moins que la position exprimée par les Sahraouis, portée par M. Ghali, est elle aussi constante et repose sur des principes reconnus par l’Organisation des Nations unies. «Les atermoiements marocains et le fait que le Conseil de sécurité (de l’ONU) ne prenne pas ses responsabilités nous ont contraints à réfléchir aux différents moyens de recouvrer nos droits», soutient le chef du Polisario, qui ne manque pas de critiquer en particulier la France, qui est «malheureusement responsable du prolongement des souffrances du peuple sahraoui». Car, à ses yeux, «la France a entravé la mise en place du processus onusien».
«Elle a menacé d’utiliser son droit de veto contre toute résolution du Conseil de sécurité condamnant les violations marocaines systématiques des droits de l’Homme [contre] la population sahraouie», regrette-t-il, non sans espérer une relance des négociations sous l’impulsion du nouveau secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, qui «maîtrise le dossier sahraoui car il était responsable du Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR)».
«Nous espérons qu’il aura le soutien nécessaire du Conseil de sécurité pour [ranimer] les négociations qui permettront l’autodétermination de notre peuple», ajoute-t-il. «Nous sommes un peuple pacifique qui a patienté durant 26 ans pour une résolution pacifique du conflit», souligne M. Ghali. «Mais ces 26 ans d’attente ont réduit la confiance du peuple sahraoui envers la communauté internationale et le Conseil de sécurité» de l’ONU. Mais ce n’est pas la première fois que les Sahraouis laissent transparaître leur exaspération à la fois devant l’immobilisme de la communauté internationale et les provocations de l’occupant marocain.
Le discours prononcé par le roi marocain Mohammed VI, alors qu’il foulait le sol sahraoui à Laayoune, reste dans les mémoires des Sahraouies qui y ont vu un «acte mené en désespoir de cause».
C’était en novembre 2015, du temps de Mohamed Abdelaziz, l’icône de la lutte des Sahraouis pour leur indépendance, disparu un an plus tard.
Il était déjà question de «retour à la lutte armée» pour les Sahraouis, lorsque, dans nos colonnes, le porte-parole de l’ambassade de la RASD à Alger, Mohamed-Lamine Baali, affirmait que le «Maroc veut précipiter les événements en sa faveur et mettre la communauté internationale devant le fait accompli, transgressant la légalité internationale».
La stratégie du Maroc est restée la même : ignorer l’agenda onusien et camper sur la logique du «déni» selon laquelle la seule option viable est et sera «l’autonomie» ou la «régionalisation avancée», le nom ou la forme changeant selon les circonstances».
Au même titre que l’actuel président de la RASD, M. Baali réitérait lui aussi «l’option diplomatique pour régler ce conflit qui n’a que trop duré», se faisant alors l’écho d’une ébullition «au sein de la jeunesse sahraouie qui veut reprendre les armes». «Mais tant que l’ONU est là, tant qu’il est encore possible de régler ce conflit par le dialogue, il n’y aura pas de retour aux armes», clarifiait-il. Non sans mettre en garde contre le «jeu trouble» du Maroc à vouloir à tout prix dénier aux Sahraouis leur droit à l’autodétermination, car «le peuple sahraoui sera alors obligé de reprendre les armes pour recouvrer son indépendance». Désormais, cette même «politique du fait» accompli est transbordée par le Maroc au sein de l’UA, alors que le Polisario affirme que le retour du Maroc au sein de l’UA vaut une reconnaissance des frontières de la RASD.
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