Les rues d’Al-Hoceima, capitale de la région marocaine du Rif, grondent pour exiger la libération de Nasser Zefzafi, leader de la contestation populaire dans cette partie du Royaume chérifien. Et ce, depuis le 26 mai dernier.
La vague de la contestation est en train de se répandre dans tout le Royaume chérifien, avec des manifestations de soutien dans des localités comme Marrakech, Tanger, Fès, Oujda, Nador et dans une moindre ampleur à Casablanca et à Rabat. Si cette grogne des populations rifaines qui dure depuis six mois pour réclamer de meilleures conditions de vie a été amplifiée par l’interpellation et l’arrestation de Zefzafi, il faut dire qu’elle est en train de prendre des proportions inquiétantes qui rappellent les turbulences de 1958.
En effet, depuis sa révolte contre la dynastie dans les années 1957-1959 avec en ligne de mire la sécession, la région du Rif a été presqu’abandonnée à elle-même par le pouvoir central. Ainsi, cette partie du Royaume, désormais considérée comme rebelle, a été classifiée comme étant le ‘’Maroc inutile’’ sous Hassan II qui ne s’est réellement pas soucié de son développement durant son règne. De fait, si la révolte perdure depuis six mois pour justement protester contre la marginalisation et la négligence de cette région, révolte qui s’est exaspérée avec l’interruption d’un prêche à la mosquée par Zefzafi, aujourd’hui, elle est en train de réveiller les vieux démons de la politique identitaire tout en posant le problème des violations des droits de l’Homme, avec les multiples arrestations et répressions des manifestants.
La manifestation a aussi pris une dimension nationale avec l’implication des politiques, des universitaires et des activistes des droits de l’Homme, qui demandent à l’Etat marocain de prendre le problème à bras-le-corps. Une interpellation qui vaut son pesant d’or, quand on sait qu’un crachin peut se transformer en orage.
Il est difficile de mettre fin à cette crise rifaine par la répression
Certes, le Maroc n’a pas été sérieusement touché par le printemps arabe qui a fait chuter de nombreux régimes, mais pour avoir de peu connu quelques effets domino, il doit être suffisamment averti pour savoir que c’est souvent de ce type de contestations qui ont lieu au Rif que naissent les révolutions. On sait le Royaume chérifien intraitable sur trois principaux symboles : la légitimité du roi, la religion, la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental. Alors, on peut imaginer la colère du palais royal face aux événements dans cette région du Nord dont les populations, majoritairement berbères, sont peu enthousiastes à tisser des couronnes de fleurs à la monarchie chérifienne. Tout compte fait, le roi Mohamed VI doit se rendre à l’évidence qu’il est difficile de mettre fin à cette crise rifaine par la répression. Car, comme on dit, ce n’est pas en cassant le thermomètre qu’on vient à bout du mal. Les difficultés socioéconomiques de la région posées par les populations étant réelles, il n’y a pas d’autres alternatives à cette escalade que de chercher à les résoudre. Déclarant lui-même que son règne est axé sur la lutte contre la pauvreté, il devrait prendre les devants pour sortir cette région du Nord de son état de précarité ; toute chose qui pourrait contenir les velléités sécessionnistes qui pourraient refaire surface.
Drissa TRAORE
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