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Histoire du hacker Chris Coleman

Un mystérieux hacker tente de déstabiliser le régime marocain

Un internaute qui se fait appeler Chris Coleman publie depuis des semaines des informations confidentielles sur son compte Twitter.

Un mystérieux hacker publie depuis trois mois quantité de documents visant à mettre à mal le régime marocain. Sur son compte Twitter, Chris Coleman, c’est son nom, diffuse des correspondances et mails piratés, des dossiers classés confidentiels, mais aussi des photos privées et des informations sur la vie intime de certains responsables du pays. Ce samedi aprés-midi, le compte Twitter @chris_coleman24 a encore publié une salve de documents.

Ces contenus auraient été obtenus en piratant les boîtes mail de personnalités politiques et médiatiques, comme celle de Salaheddine Mezouar, ministre marocain des affaires étrangères. Si certains documents ont été authentifiés, d’autres sont sujets à précaution.

Toutefois, certaines révélations semblent avoir du crédit. Car récemment, le journal espagnol El Mundo a repris l’un des tweets de Coleman, selon qui la France et le Maroc n’auraient plus de coopération concernant la lutte antiterroriste depuis la crise diplomatique entre les deux pays du printemps dernier. Ce qui fait dire au quotidien espagnol que les services antiterroristes espagnols joueraient désormais les intermédiaires entre Rabat et Paris.

Un hacker au service des Sahraouis

Mais qui se cache derrière ce personnage et quel but précis poursuit-il? Personne ne semble connaître son identité. L’une des causes les plus les plus chères à Chris Coleman concerne la défense des Sahraouis et l’autodétermination du Sahara, à laquelle il consacre la majeure partie de ses tweets.

Il s’agit là d’un dossier épineux puisque le Maroc propose un plan d’autonomie de la région tandis que le Front Polisario, un mouvement politique et armé du Sahara occidental soutenu par Alger, revendique l’indépendance du territoire depuis le départ des Espagnols en 1976.

Toutefois, le mystérieux hacker (ou le collectif derrière) pourrait bien chercher à brouiller les pistes quant à son identité. Le fait qu’il ait volontairement laissé des traces indiquant des origines algériennes interpelle. En effet, sur l’une des plateformes qui lui servent à diffuser ces documents, Chris Coleman s’est enregistré sous le nom de «Mousa E.», tout en se géolocalisant en Algérie. Impossible de savoir s’il s’agit là d’un indice ou d’une fausse piste.

Silence du côté des officiels

Mais les responsables politiques marocains ne sont pas les seuls visés, puisque Chris Coleman s’attaque aussi aux milieux franco-marocains. Selon lui, le gouvernement marocain aurait rémunéré quatre journalistes de grand médias français.

Le régime marocain n’a pas esquissé de réaction notable à cette affaire, préférant se réfugier dans un quasi silence. Ses relais privilégient toutefois la «piste polisario-algérienne».

Le Figaro, 3 janvier 2015

Chris Coleman, le « Wikileaks marocain » qui embarrasse le Makhzen

Depuis début octobre, des centaines de documents de la diplomatie marocaine sont publiés pêle-mêle sur Twitter par un mystérieux hacker, sous le pseudo @chris_coleman24. Corruption de journalistes étrangers par le régime marocain, coulisses de la politique chérifienne sur la question du Sahara Occidental : les informations dévoilées par ces câbles diplomatiques n’ont pas encore été vérifiées. Le régime marocain n’en a cependant pas démenti l’authenticité et reste si embarrassé par ces révélations qu’il n’a pas encore fait de déclaration publique… Retour en 4 questions sur cette affaire loin d’être close.

Quels sont les types de documents publiés par le hacker Chris Coleman?

Depuis le début du mois d’octobre, un hacker prénommé « Chris Coleman » sur les réseaux sociaux publient des documents embarrassants pour le régime marocain. Correspondances entre diplomates, mail personnels, dossiers confidentiels : ces documents concernent principalement le ministère marocain des Affaires étrangères et la mission marocaine à l’ONU, relève le journal Mediapart dans un article publié mardi. Le hacker aurait ainsi réussi à pirater les boîtes mail de personnalités politiques et médiatiques comme l’actuel ministre des Affaires étrangères, Salaheddine Mezouar ou sa ministre déléguée Mbarka Bouaida.

Que révèlent ces câbles diplomatiques ?

Ces documents sont au nombre d’une centaine et restent pour certains difficiles à authentifier. La plupart des informations révélées par ces câbles diplomatiques sont liées à la position du régime marocain sur le dossier du Sahara Occidental et montrent, ce qui n’a pas surpris les observateurs réguliers de cette question, que la diplomatie chérifienne est guidée par la question sahraouie.

Financement du lobby pro-marocain en France et au Etats-Unis, accointance des services secrets du Maroc avec le lobby juif, les informations livrées par « Chris Coleman » attaquent le royaume chérifien sur des points sensibles. Ces révélations ciblent ainsi des journalistes français, américains et même italiens qui auraient été achetés par les services de contre-espionnage marocains pour défendre les intérêts du Maroc dans le conflit sahraoui. Le dénommé « Chris Coleman » pointe aussi du doigt trois fonctionnaires de l’ONU qui auraient échangé des informations avec des diplomates marocains, notamment l’ex-ambassadeur à Genève, Omar Hilale, devenu en avril représentant permanent du Maroc aux Nations unies à New York.

Le hacker révèle surtout les dessous du renoncement des Etats-Unis à leur demande d’élargissement du mandat de la Minurso (la Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara Occidental) aux droits humains auprès du Conseil de Sécurité de l’ONU. A ce sujet, le journaliste espagnol Ignacio Cembrero évoque, dans un article repris par le journal électronique Orient XXI, l’échange entre Barack Obama et le roi Mohamed VI, dans lequel on apprend que le Maroc s’engage à trois concessions en échange du recul de la Maison Blanche : l’arrêt du jugement des civils par des tribunaux militaires, la facilitation des visites au Sahara des fonctionnaires du Haut Commissariat aux droits de l’homme et la légalisation des associations sahraouies indépendantistes comme le Collectif sahraoui des défenseurs des droits de l’homme (Codesa) du militant Aminatou Haidar.

Que sait-on de l’identité du fameux « Chris Coleman » ?

Mais qui se cache derrière le mystérieux pseudonyme, mi-jazzman mi-footballeur, de « Chris Coleman » ?

Si un commentaire laissé sur Twitter semble éclairer ses motivations [« fragiliser le Maroc, notamment son appareil diplomatique »] et mettre sur une piste algérienne, le pure-player français Mediapart appelle à la prudence. Si une partie des documents semble authentique, l’anonymat de celui qui les a publiés et la méconnaissance de ses mobiles doivent nous mettre en garde, dit-il.

« La masse de documents mis en ligne rend improbable une falsification systématique. Mais face aux contestations et risques de manipulation, et tant que Chris Coleman se refusera à communiquer avec une ONG ou des journalistes, il serait risqué de considérer que tous ces documents sont authentiques. Seule une vérification au cas par cas, évidente pour certains et beaucoup plus complexe pour d’autres, permettra de faire le tri. » écrivent les journalistes de Mediapart.

Peut-on alors parler d’un « Wikileaks marocain » ? Plusieurs médias soulignent le manque de professionnalisme de ce hacker mystérieux. Ainsi Mediapart écrit que Chris Coleman « n’a rien d’un lanceur d’alerte » tel que Bradley Manning (aujourd’hui Chelsea) qui avait contacté Wikileaks et pris la responsabilité de la divulgation d’information tout en protégeant ses sources. Chris Coleman n’a pas non plus l’étoffe d’un Edward Snowden, cet ancien agent de la NSA qui insistait sur la séparation des rôles de lanceurs d’alerte de journalistes, ces derniers étant chargés de vérifier et de choisir les documents des lanceurs d’alerte qu’ils jugeaient d’intérêt public. « Chris Coleman et ses supporters ne s’embarrassent pas de ces considérations » selon Mediapart.

Quelles conséquences pour le Maroc ?

Le régime marocain n’a pas jugé utile de réagir publiquement à ces « fuites » qui durent depuis trois mois. Si « Chris Coleman » est dans toutes les conversations dans les couloirs des institutions marocaines, aucune explication ni déclaration publiques n’ont été faites par les autorités. L’opposition et la presse se sont elles aussi enfermées dans le silence, note le journaliste espagnol Ignacio Cembrero. Ce dernier analyse cette absence de débat sur un sujet clé, la sécurité informatique du régime et les conséquences que peuvent avoir ses fuites, par le manque d’assurance du Maroc sur la question du Sahara. « Le pouvoir exécutif marocain n’est pas assez sûr de lui : il se sent trop harcelé sur « son » Sahara pour en débattre sur la place publique. Les quelques revers diplomatiques qu’il a subis lui font oublier que les poids lourds de la communauté internationale, à commencer par les États-Unis, souhaitent que l’autonomie soit la solution accordée pour mettre un terme à un conflit qui dure depuis 39 ans » écrit Ignacio Cembrero.

Ces révélations ont-elles pour autant de réelles chances de déstabiliser le régime marocain ? Pour Pierre Haski, co-fondateur du site d’information Rue 89, ces fuites n’ont pas changé la donne de la politique intérieure marocaine. « Le principal résultat des révélations de « Chris Coleman », quelle que soit son identité, aura été d’affaiblir ce réseau d’influence marocain en Europe et aux Etats-Unis. A la fois en détruisant les contacts déjà établis, et en rendant sans doute plus prudents tous ceux qui, dans l’avenir, seront approchés, même de manière amicale, par des officiels ou para-officiels du royaume. » écrit ce fin observateur du Maghreb. « Loin d’un WikiLeaks marocain. » conclut-il.

Algérie Focus, 25 décembre 2014

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