Marche d’Alger: la génération Facebook met au défi le pouvoir
« Un véritable tsunami humain » : c’est avec cette métaphore cataclysmique, que le sociologue et spécialiste des mouvements sociaux, Nacer Djabi, a qualifié la marche impressionnante et tentaculaire de vendredi à Alger.
A 17h largement passée, une partie des manifestants, le gros, est regroupé devant l’esplanade la Grande poste, la rue Khémisti, le boulevard pasteur, le jardin de la Concorde.
Le cordon de police qui a empêché la foule de faire jonction avec celle venue de la place des martyrs a fini par céder. Rue Didouche Mourad jusqu’à Sacré cœur, c’est une foule en forme de serpent.
Place Audin, en passant par Mohamed V, Boulevard Krim Belkacem, rue qui mène vers El Mouradia, la foule est arrivée à quelques jets de pierres de la Présidence de la République, qu’elle n’a pu atteindre en raison d’un véritable mur en cordons successifs de policiers.
Du jamais vu de mémoire à Alger, une manifestation de cette ampleur. Des jeunes à 80%. « C’est la génération Facebook », commente encore Nacer Djabi.
« Je n’ai pas vu autant de monde depuis la marche de juin 2004 », se souvient pour sa part Mohand Arezki, un journaliste qui en a pourtant vu d’autres dans sa longue carrière.
« Sur le plan sociologique, c’et intéressant de voir cette manifestation, il y a toutes les franges de la société, des femmes en Hidjab, en jean, des couples avec enfants, on est loin des clivages des années 90 », analyse encore Nasser Djabi.
« A la fin de son quatrièmement mandat, Bouteflika a réussi quand même à mettre d’accord la société algérienne contre lui », commente un brin goguenard, Ghouini Filali, du parti islamiste Nahda. En effet, les manifestants sont âgés de sept à soixante-dix- sept ans.
« Comment le pouvoir n’a pas vu venir ce tsunami », s’interroge l’universitaire Louisa Ait Hamadouche pour qui « l’ampleur de la foule qui a marché dans les rues d’Alger est à la mesure de la profondeur de la colère, surtout de la jeunesse ».
Pour les slogans entendus au cours de la marche, la président Bouteflika en a pour son compte. « Non au cinquième mandat », « Cinquième mandat de la honte », « Ni Bouteflika, ni Said, le peuple veut le changement », « le pouvoir appartient au peuple », Bouteflika ya lmaroki ! » Ahmed Ouyahia en a eu pour son grade lui aussi « Ya ouyahia y al himar Djazair Machi Souria» (Ouyahia bourricot, l’Algérie n’est pas la Syrie ». Le FLN et le RND et Sidi Said ont eu leur part de saillies de la part des marcheurs.
Pas de violence tout au long de la marche. A la place Maurice Audin, un voleur à la tire a tenté de subtiliser son portable à une jeune manifestante. Il est aussitôt attrapé par des jeunes qui l’ont remis aux mains de la Police.
Une belle image, comme celle aussi de ces jeunes manifestants qui suivent les marcheurs avec des sacs en plastique dans lesquels ils mettent les bouteilles d’eau consommées, les papiers jetés. Un bel exemple de civisme.
Durant la marche, toutes sortes de rumeurs ont fait florès. Certains croient savoir que le président Bouteflika rentrera demain de Genève pour annoncer le retrait de sa candidature et reporter les elctions. « le scénario idéal « juge» Mohamed M. Journaliste dans un quotidien.
D’autres ne partagent pas cette issue optimiste et redoutent même que le « pouvoir se braque et aille jusqu’au bout » lorsque le président se présentera devant le conseil constitutionnel dimanche 3 mars selon Sellal. La manif s’achève ainsi sur une certitude : sa réussite et une inquiétude pour le « day after »