Par Mohamed Habili
Le Jour d’Algérie, 06/03/2019
Si l’Algérie en est aujourd’hui à s’interroger sur son avenir immédiat, cela n’est pas dû à la personnalité de Abdelaziz Bouteflika, ni à sa candidature pour un cinquième mandat, mais pour quelque chose de plus fondamental encore et qui est la nature présidentielle du régime algérien.
A la limite n’importe quel Algérien qui serait aujourd’hui à la place de Bouteflika, et qui de plus aurait les mêmes problèmes de santé que lui, agirait de la même façon que lui.
Prenons le cas de quelqu’un qui depuis maintenant plus d’une décennie se présente comme l’opposé en tout point de Bouteflika, Ali Benflis, et qui très clairement ne demande qu’à prendre sa place. Ç’aurait été lui le président, il ferait selon toute vraisemblance exactement pareil, mû en cela d’ailleurs non pas nécessairement par des motifs égoïstes ou de mauvais aloi, mais à ses yeux du moins par devoir sacré, par dévouement illimité à son pays et à son peuple.
Le chemin de l’enfer est pavé de bonnes intentions, comme on le sait. La présidence à vie n’est pas dans le nombre illimité des mandats présidentiels, mais dans les pouvoirs dont dispose le président algérien, et qui en font un monarque. Un monarque républicain, sans doute, mais un monarque quand même.
Un monarque est par définition un monarque à vie. Qui aujourd’hui cherche à attirer l’attention des Algériens sur le fait que l’agitation en cours tient non pas à une ou à des personnes, mais au système politique algérien tel qu’il s’est formé au cours de sa jeune histoire ?
En fait, le président algérien n’est pas seulement un monarque, c’est-à-dire quelqu’un dans les mains de qui sont concentrés tous les pouvoirs, mais un constituant à part entière, le seul d’ailleurs à l’être dans le pays. Un monarque, c’est quelqu’un qui est tout, qui a tout, ou qui, à l’inverse, n’est rien.
Nulle limitation de mandats consignée dans la loi fondamentale ne peut lui résister. On peut s’en rendre compte aujourd’hui sur l’exemple égyptien, dans un pays qui pourtant est passé par le soi-disant printemps arabe, et qui n’aurait dû avoir de cesse de se garantir contre le retour à la présidence à vie.
Les opposants algériens ont ceci de remarquable, ou d’étrange, qu’ils se présentent comme des démocrates, tous partisans de la rupture, dans le même temps qu’ils sont tous partisans du régime tel qu’il est aujourd’hui. Mieux, ils ne s’imaginent même pas qu’il y ait une contradiction là-dedans ; qu’en tant que démocrates, qu’ils prétendent être, il ne leur est pas permis d’être pour autre chose que pour un régime parlementaire.
L’Algérie n’est encore ni une démocratie ni un Etat de droit. Elle ne peut tendre vers l’une et l’autre dans le cadre du système actuel. Si elle était déjà une démocratie et un Etat de droit, la nature du régime serait alors secondaire. Ce qui est premier au point de vue historique en effet, c’est la démocratie, qui ensuite s’incarne dans des institutions, bonnes ou mauvaises d’ailleurs, et qui de toute façon sont changeantes.
Les institutions, aussi bien conçues qu’elles puissent être, ne créent pas la démocratie, ni ne la garantissent. Les opposants algériens veulent d’autant moins changer la nature du régime qu’ils entendent arracher ce même pouvoir hyper-concentré des mains de ceux qui l’exercent aujourd’hui pour en faire le même usage, mais dans l’intérêt de leur propre mouvance, et contre celles des autres. Ce ne sont pas des démocrates. Ils ont fait mine, il y a quelques années, de se reconnaître dans le « printemps arabe ». Mais c’est qu’ils voulaient juste que des flammèches s’en détachent qui embrasent le pays. Certains sont même allés jusqu’à clamer haut et fort leur sympathie pour les «révolutionnaires libyens», une engeance particulièrement méprisable.
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