» C’est ainsi que l’on a vu le tristement célèbre Kamel Guemmazi, ancien dirigeant de l’Ex-FIS, prendre une part active à la réunion de l’opposition de ce jeudi. Non contents de convier à leurs joutes verbales ce triste sire, les présents ont poussé le bouchon aussi loin que possible en priant publiquement, se donnant volontairement en spectacle, en prenant pour » imam » le sieur Guemmazi ».
Par Mohamed Abdoun
I l me souvient avoir déjà évoqué, dans ce même espace, la très grave problématique des islamistes, plus que jamais en embuscade, et prêts à profiter des manifestations actuelles pour rafler la mise, en s’emparer du pouvoir à moindre frais. J’en voulais pour preuves irréfutables plusieurs éléments d’analyses. Le premier, et le plus important sans doute, est lié au fait que l’intégrisme, chez nous, a grandi et a pris ses aises ces derniers temps.
Une » bigoterie » sans limites a en effet fini par gangrener la société algérienne, au point où les débits de boissons et les restaurants servent de l’alcool ferment à qui mieux-mieux, harcelés qu’ils sont par des fonctionnaires et des élus zélés, alors que les citoyens qui ne jeûnent pas durant le ramadan, sont carrément jetés en prison. Or, outre le fait que dans une République qui se respecte les libertés des uns doivent être respectées et protégées tant qu’elles n’empiètent pas sur celles des autres, il est plus qu’axiomatique que l’intégrisme représente la parfait terreau du terrorisme, sans jeu de mot aucun.
Les Islamistes, en outre, sont réputés pour être très bien organisés, mais aussi et surtout, d’un grand opportunisme politique. On a pu le voir lors de tous les printemps arabes précédents, à commencer par le nôtre, celui de 1988.
Les Islamistes laissent le peuple se sacrifier, aller aux affrontements, suer sang et eau, avant de recueillir les fruits de ces engagements et de ces combats. La grande organisation de ces derniers est grandement favorisée par l’existence de mosquées à chaque coin de rue du pays, qui sont autant de lieux de rencontres et de concertation.
A cela s’ajoute l’argent, nerf de la guerre, dont sont pourvus les islamistes à profusion. Les fonds étrangers qu’ils reçoivent sans discontinuer, sont adjoints à leurs propres ressources, générées le plus souvent par le trabendisme, car pour eux toute forme de » tidjara » est forcément » halal « .
Ainsi, et pour ne pas faire trop long, on a bien vu que les Islamistes étaient quasi-absents des manifs du vendredi, même si les points de départ sont supposés se faire aux niveaux des mosquées, à la fin de la prière hebdomadaire. Malins comme ils sont, ils préfèrent sans doute demeurer en retrait en attendant leur heure. Or, celle-ci semble approcher inexorablement.
La persistance des manifestations, mais aussi et surtout leur caractère pacifique, civique et mixte, semble avoir poussé le loup à sortir du bois. C’est ainsi que l’on a vu le tristement célèbre Kamel Guemmazi, ancien dirigeant de l’Ex-FIS, prendre une part active à la réunion de l’opposition de ce jeudi.
Non contents de convier à leurs joutes verbales ce triste sire, les présents ont poussé le bouchon aussi loin que possible en priant publiquement, se donnant volontairement en spectacle, en prenant pour » imam » le sieur Guemmazi. Ici, l’opposition, privée de leaders charismatiques il faut le dire aussi, donne l’air d’avoir accepté de jouer le rôle de cheval de Troie en faveur des islamistes intégristes. Ces derniers n’ont jamais renoncé (totalement) à accaparer le pouvoir en Algérie. Ils voient ici une occasion en or qui leur est offerte sur un plateau d’argent. La prudence et la vigilance doivent dès lors être de mise, aujourd’hui plus que jamais.
La Tribune des Lecteurs, 8 mars 2019
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