par Kharroubi Habib
La gigantesque mobilisation populaire contre le cinquième mandat n’a pas pour seul objectif la fin du règne de Bouteflika. Les millions de citoyens qui descendent dans les rues depuis trois vendredis réclament tout autant la fin du système politique qui les a réduits à l’état de « ghachi » et a piétiné leur dignité et fierté en faisant d’eux « des étrangers dans leur étrange pays ».
En faisant irruption et de quelle manière magnifique et irrépressible sur la scène politique du pays, les Algériens obligent la camarilla qui gouverne à constater que l’agenda qui a été le sien comprenant la réélection de Bouteflika pour un cinquième mandat lui donnant le temps de s’entendre sur son successeur, n’est plus réalisable. Ce qui n’induit nullement que cette camarilla entend se soumettre à la volonté populaire et quitter le pouvoir comme réclamé par la « vox populi » qui se fait entendre dans les marches et rassemblements.
De sa part, il faut s’attendre à tout y compris à vouloir garder par la force ce pouvoir. Raison pour laquelle les Algériens doivent accentuer la pression pour la contraindre au départ mais en restant pacifiques dans la revendication et unis dans son expression.
Leur pacifisme et leur unité n’ont pas pour ennemi que le pouvoir qui cherchera à les en détourner en tentant d’inoculer la zizanie dans leurs rangs par de clivantes propositions de sortie de crise et certainement en jouant parallèlement sur les « égos » et les ambitions d’activistes qui seront sensibles à ce qu’il leur fera miroiter comme perspectives personnelles pour eux.
D’autres forces sont en embuscade en ce moment décisif dans lequel se trouve le pays, qui ont rejoint le mouvement populaire non pas pour l’aider à atteindre son objectif qui est la réappropriation par les Algériens de leur citoyenneté et leur droit à choisir le régime et les hommes à qui confier leur destin et celui du pays, mais pour le détourner afin qu’ils assouvissent leur désir revanchard. Il en est une qui amalgame les nostalgiques de la «dawla islamia» qu’ils ont voulu imposer au peuple algérien par le fer et le sang et l’autre ceux de l’Etat DRS qui accordait à ses tenants droit de vie et de mort sur les citoyens et de prédation dans l’impunité totale.
Ni le pouvoir ni ces nostalgiques d’un rêve perdu ne veulent que se réalise le grand espoir qui réunit l’écrasante majorité des Algériens. Ils sont capables de s’entendre pour que cela ne se produise pas en négociant un deal sur le dos du peuple sur la base de la prise en compte des intérêts des uns et des autres.
D’où l’impératif absolu pour le mouvement populaire de rebattre irrévocablement les cartes en signifiant que son exigence à dégager englobe aussi bien le régime et ses gens que les nostalgiques d’un projet et d’une ère qu’il met dans le même sac que les premiers pour avoir fait l’expérience de leur absolue négation du droit à la citoyenneté des Algériens. Plus que jamais, il y a nécessité de faire montre de maturité politique et de vigilance à l’endroit des tentatives de récupération et de détournement de la mobilisation populaire.
Le Quotidien d’Oran, 10 mars 2019
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