Ihsane El Kadi (Alger, correspondance)
Abdelaziz Bouteflika a regagné dimanche 10 mars l’Algérie, après deux semaines d’hospitalisation en Suisse.Le président algérien retrouve un pays transfiguré depuis le 22 février, date des premières manifestations contre sa candidature pour un 5e mandat.
Abdelaziz Bouteflika a rejoint Alger, dimanche 10 mars en fin d’après-midi, de retour de Genève où il a séjourné deux semaines pour des soins médicaux. Âgé de 82 ans, diminué à cause de complications neurologiques après un AVC subit en avril 2013, le président algérien était traité au HUG de Genève, notamment pour une disposition chronique aux « infections pulmonaires consécutives à des difficultés articulatoires ». Celles-ci l’exposent aux fausses routes lorsqu’il s’alimente, comme l’a rapporté la Tribune de Genève dans un article levant le voile, la semaine dernière, sur le contenu médical de ce nouveau séjour de Bouteflika en Suisse.
La télévision publique algérienne, ainsi que Ennahar TV, une télévision privée proche de Saïd Bouteflika, le frère du président, ont tourné des images au départ du cortège du salon d’honneur de l’aéroport d’Alger, où l’on pouvait deviner le chef d’État assis à l’avant de la limousine présidentielle, la tête penchée vers la vitre. Le cortège s’est directement dirigé vers Zeralda, à 20 km à l’ouest d’Alger, où se trouve la résidence médicalisée où vit le président algérien, très diminué depuis son accident vasculaire de 2013.
Le retour à Alger d’Abdelaziz Bouteflika était pressenti depuis plusieurs jours, son état « stable sans être rassurant » ne nécessitant pas une poursuite de son hospitalisation en Suisse. Cette dernière avait été présentée à son début, le 24 février, comme un « court séjour de contrôle médical » par un communiqué de la présidence algérienne.
« Maintenant des décisions vont être prises »
Abdelaziz Bouteflika retrouve un pays, et surtout une population, transfigurés depuis le 22 février, date du premier vendredi des manifestations hostiles à sa candidature pour un 5e mandat. Ce déferlement populaire, pacifique et festif n’a pas empêché le dépôt de sa candidature à la présidentielle – par son directeur de campagne – au siège du conseil constitutionnel, le 3 mars.
« Nous nous sommes perdus, nous nous retrouvons et nous réalisons que nous sommes toujours un peuple vaillant », résumait, émue, vendredi 8 mars, Hanifa, une vieille Moudjahida, dans le flot de la plus grande marche populaire depuis l’indépendance. Un nouveau raz de marée qui emportait l’offre de Bouteflika d’organiser une transition démocratique, et une présidentielle anticipée, au cas où il serait réélu le 18 avril.
« Maintenant des décisions vont être prises, pronostique Nourredine Askoun, professeur à l’université d’Alger, selon lequel « il n’était pas possible de prononcer l’annulation de ce scrutin, rejeté avec force par la population, tant que le président était à l’étranger ».
Le retour dans son pays d’Abdelaziz Bouteflika coïncide avec une journée de grève générale partiellement suivie dans certains quartiers de la ville et dans les usines de la ceinture industrielle. Les étudiants, en première ligne des manifestations, – priés de rentrer chez eux précocement pour les vacances de printemps –, ont réagi en occupant une partie des campus et du centre-ville.
L’armée change de ton
Le conseil constitutionnel doit rendre, mercredi 13 mars, son arrêt sur la validité des vingt dossiers de candidatures déposés pour la présidentielle. Mais tout le monde s’attend auparavant à l’annonce du report de l’élection, et sans doute du même coup au renoncement de Bouteflika à son 5e mandat.
Un indicateur pour les observateurs : pour la première fois le chef d’État-major de l’armée, le général Ahmed Gaid Salah, dernier soutien important du clan Bouteflika, a admis que « l’armée et le peuple ont la même vision de l’avenir », dans un discours élogieux pour les Algériens qu’il n’avait de cesse de menacer les jours précédents, jurant qu’il veillerait jusqu’au bout à ce que l’élection du 18 avril se tienne dans le calme et à bonne échéance.
« Il reste à savoir qui va conduire, et à quel poste, les premiers pas de la transition chez nous », s’interroge le professeur Nourredine Askoun. Le nom du diplomate et ministre Ramtane Lamamra circule. Peu de chance que les manifestants du vendredi l’acceptent. Il fut le ministre des affaires étrangères de Bouteflika jusqu’en mai 2017, et il occupe depuis la mi-février un poste de conseiller spécial pour les affaires diplomatiques auprès de la présidence.
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