POUR SA PREMIÈRE SORTIE PUBLIQUE: Bedoui peine à convaincre
Le nouveau Premier ministre, Noureddine Bedoui, a esquissé, jeudi dernier, lors d’une conférence de presse qu’il a animée conjointement au Centre international des conférences à Alger, avec son vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères, les contours de son futur gouvernement : un gouvernement technocrate, à durée de vie limitée et qui aura pour mission la préparation de «la conférence nationale inclusive».
Kamel Amarni – Alger (Le Soir) – «Concernant la composante du nouveau gouvernement, nous sommes en période de concertation et le prochain exécutif sera composé de technocrates, représentatifs des forces et compétences nationales, à même de contribuer à gérer la période de transition qui ne devrait pas dépasser une année pour répondre aux aspirations du citoyen algérien», dira, à ce propos, le successeur de Ahmed Ouyahia.
Outre la gestion des affaires courantes, Bedoui affirmera que son futur cabinet s’attellera «à mettre tous les moyens pour permettre le bon fonctionnement des différents services et institutions du pays. Ce gouvernement, qui sera ouvert à tous les courants politiques, s’attellera dès son installation à préparer la Conférence nationale indépendante et inclusive de consensus à laquelle avait appelé le président de la République».
Dans un pays en ébullition, où le mandat d’un Abdelaziz Bouteflika — qui est déjà lui-même massivement contesté à travers tout le pays — expire fin avril prochain, et qui vient de reporter sine die l’élection présidentielle, peut-on raisonnablement faire face à cette crise sans précédent avec des technocrates ? De «jeunes technocrates», tous les gouvernements qui se sont succédé ces dernières années en pullulaient à chaque fois pourtant.
La crise que traverse le pays est d’autant plus compliquée, que, d’un côté, tout le pays réclame le départ du patron lui-même, et, de l’autre, ce dernier, non seulement ne lâche pas, mais se propose comme l’alternative au changement réclamé du système ! Le nouveau Premier ministre, Noureddine Bedoui, étant lui-même technocrate, l’on avait affaire, jeudi dernier, à un chef de l’exécutif visiblement assez désarmé pour expliquer, encore moins justifier les lourdes décisions prises par Bouteflika le 11 mars dernier. Bedoui s’accrochera, dès lors, comme à une bouée de sauvetage, à cette « conférence nationale inclusive », tantôt présentée comme objectif, tantôt comme le seul moyen de s’en sortir ! Comme pour son futur gouvernement, Bedoui affirmera que cette conférence «sera ouverte à tous, sans exclusion».
Au nom du gouvernement, et du pouvoir donc, Bedoui affirme que «les portes du dialogue sont ouvertes pour tout le monde», et invite tous les Algériens «qui croient en leur Nation et ses institutions, et conscients de la valeur de la paix et la stabilité, à travailler la main dans la main pour l’unique but de faire de l’Algérie un pays fort stable et aller de l’avant vers un avenir meilleur consacrant l’Etat de droit».
Se voulant conciliant , il lancera également : «Nous lançons un appel à tous les partenaires politiques, notamment ceux qui sont dans l’opposition, au dialogue et à nous écouter les uns les autres afin de pouvoir dépasser la conjoncture difficile que traverse notre pays.» S’il est déjà quasiment une certitude que les partis de l’opposition ne vont pas se risquer à une participation suicidaire au nouveau gouvernement, l’on s’interroge vraiment sur la nature de cette «conférence nationale», que Bedoui affirme s’engager à préparer dès la composition de son exécutif. Manifestement plus au fait des détails, c’est le vice-Premier ministre Ramtane Lamamra qui en parlait plus à l’aise, la veille déjà, lors de son passage à la radio. De même , lorsqu’il s’est agi de parler de la prolongation du mandat actuel de Bouteflika : «Toutes les institutions constitutionnelles continueront à travailler jusqu’à l’élection du futur président de la République, partant du principe de la permanence de l’Etat.»
Par ailleurs, et en sa qualité de ministre des Affaires étrangères, Lamamra affirmait, jeudi, que l’Algérie exprime son «rejet catégorique de toute ingérence dans ses affaires internes, partant de son histoire et de ses principes. Nous comprenons l’intérêt de certains médias et de responsables étrangers à ce qui se passe en Algérie, mais nous n’accepterons jamais d’ingérence dans ses affaires internes». Aussi, ajoutera-t-il, «l’Etat recèle une grande expérience en matière de maintien des plus hauts niveaux de vigilance pour défendre la décision libre et indépendante du peuple algérien».
K. A.
Le Soir d’Algérie, 16 mars 2019
Tags : Algérie, Présidentielles 2019, Bouteflika,