Le 20 février est passé. Ce 20 février si particulier qui aura au moins eu le mérite de réunir la grande majorité des marocains pour débattre autour d’une même question. Ce 20 février qui aura permis à chacun d’exprimer sa déception, sa frustration, sa colère, son amour, son loyalisme… Ce 20 février où chacun voulait se montrer plus patriote que l’autre.
Mais, comme dans tout mouvement, il y a ceux qui étaient pour (que j’appellerai les 20 févriyistes), et ceux qui étaient contre (que j’appellerai les anti-20 févriyistes). Ces antagonismes ont donnés naissance à divers conflits d’idées que l’on a pu tous constater un peu partout sur le net. Et je pense que la violence de ces antagonismes sont dû à un point clé qui aura causé une grande confusion, et qui aura détourné le débat de ses objectifs initiaux. Quel est ce point ? et comment a-t-il influencé le débat ?
Notre pays à tous, le Maroc, que nous aimons chacun à notre manière, est un pays qui se dit être en cours de changement. Mais malgré tous les changements opérés, nous sommes tous plus ou moins conscients qu’il y a des problèmes de fond qui ne peuvent pas être changés par des solutions de rapiéçage. Et c’est pour cela que le mouvement du 20 février est né. Ce mouvement est né car il existe au Maroc des problèmes, comme la corruption, qui le pourrissent de l’intérieur tout en gardant une façade colorée. C’est comme si vous aviez une pomme bien ferme, bien brillante, mais que quand vous la mordez, vous trouvez qu’un verre l’a bien gâtée à l’intérieur. Mais si tous les Marocains sont d’accord qu’un changement est nécessaire, pourquoi tous les Marocains ne sont pas sortis manifester le 20 février, ou du moins pourquoi les débats n’ont-ils pas convergés vers une solution commune constructive? car comme je l’ai dit précédemment, un point a fait tomber les discussions dans une stérilité incroyable. Ce point est celui de la Monarchie. Au lieu que les débats soient menés de manière constructive pour comprendre la meilleur manière de mener notre pays de l’avant, des actions à faire pour faire tomber les têtes corrompues et ainsi cesser la corruption, au lieu de discuter de quelle politique et quel plan économique est nécessaire pour mener le Maroc au devant de la scène internationale pour qu’il devienne un pays décideur et non un pays qui subit les décisions impérialistes des autres pays (et pourquoi pas ? hein ?), au lieu d’essayer de discuter de la meilleure manière pour que les Marocains ne se sentent plus étrangers chez eux, pour que le complexe de l’étranger soit effacé, pour que l’éducation et la politique sociale permettent au Marocain de vivre dans la dignité, pour que la Culture marocaine soit vécue et devienne influente au lieu que les Marocains se prostituent dans une forme d’aliénation occidentale cause d’une sacré schizophrénie, au lieu de tout ça nous sommes entrés dans un délire de pro et anti-monarchie alors que ce n’était à la base pas du tout ça le point de discussion. Ceci a généré un conflit dans la communauté Marocaine qui a fait que chacun est resté campé sur ses positions, et nous n’avons pas pu tendre vers une solution médiane qui arrangerait tout le monde : pro et anti 20 février. Les débats en sont devenus stériles. Pourquoi ? parceque tout simplement le conflit génère le conflit, et très rarement les solutions. A tel point qu’à un certains moment, chacun a perdu le fil de ses convictions de départ : certains qui ne voyaient aucun problème dans la Monarchie mais qui estimaient qu’il fallait tout de même des réformes se sont trouvés à attaquer la personne du Roi ; D’autres qui voyaient qu’un changement est nécessaire se sont retranchés dans une défense inconditionnelle de la Monarchie tout en oubliant cette nécessité de discuter une solution pour le changement réel et profond. Résultats ? Rien. Les 20 févriyistes n’ont pas changé une lettre de leurs revendications et de leur désire de sortir manifester, et les anti-20 févriyistes sont tombés dans une sorte d’acceptation de la situation et un déni totale de la face-cachée bien sombre de notre cher et aimé Maroc.
Le 20 février est passé, et il a causé ce qu’il a causé comme dégâts. Et cela, j’estime que les 20 févriyistes n’en sont pas les seuls responsables… tout le monde en est responsable ! Nous tous, qui n’avons pas su mener les discussions vers la meilleure des solutions. Mais, le fait qu’il y ait eu des dérives aurait dû au moins mettre la puce à l’oreille de ceux qui estiment que le Maroc va pour le mieux. Si ces dérives démontrent d’une chose, c’est justement d’un échec profond de la politique sociale. Ces actes non civilisés prouvent en eux-mêmes qu’il est urgent que le changement s’accélère au niveau social, au niveau de l’éducation, au niveau économique… Ceci ne veut pas dire que je nie ce que le Roi a pu apporter comme améliorations, seul un aveugle ne le remarquerait pas, mais ceci ne se fait pas à la vitesse qu’il faut. Et pourquoi cela ? parceque justement on laisse au Roi la charge de tout faire. Ceux qui disent qu’ils l’aiment, qu’ils sont satisfaits de ce qu’il fait, et qu’ils l’encouragent dans la politique de changement qu’il a entamé depuis le début de son règne, en fait ils ne l’aiment pas vraiment. Car on le laisse trimer à notre place, on le laisse porter la charge de tout un peuple et de toute une Nation, et on préfère rester là à l’observer, jusqu’à ce qu’un jour une de ces actions ait une répercussion positive sur les vies de certaines âmes passives. On devrait tous se lever pour mener ce pays de l’avant. On devrait tous se lever pour aider notre cher Roi à faire de ce pays une référence mondiale, et qu’il ne soit plus une référence juste en terme de tourisme sexuel et de prostituée de « qualité » comme se plaisent si bien à le dire ces pachydermes bourrés aux pétrodollars.
Mais pour que cela puisse se faire, il faut tout d’abord que tout le monde soit sur le même pied d’égalité. Il faut que l’on laisse à chacun la chance de participer à poser sa pierre sur l’édifice. Comment ? en adoptant une attitude rationnelle et responsable, en ayant un point de vue critique et en acceptant la critique, en n’étant pas individualistes et égoïstes, en acceptant les valeurs morales et la valeur du respect comme étant le noyaux et le moteur de la société que nous voulons construire, en respectant notre passé, nos traditions et notre culture tout en tournant notre regard vers un avenir et une modernité à la Marocaine. Et cela passe par deux choses fondamentales. Premièrement, pour être sur un même pied d’égalité, il faut donc que tout ce qui relève de la fraude et de la corruption soit éradiqué au plus vite, et pour cela il faut qu’on adopte une attitude ferme contre toute forme de corruption, à commencer par la corruption des élites et de ceux qui sont nourrit par la culture du prestige. Deuxièmement, il ne faut pas confondre les moyens et les objectifs. On exige une démocratie plus prononcée, mais la démocratie nécessite une certaine responsabilité préalable qui n’est pas encore intégrée dans les esprits. Et pour une réelle démocratie, il faut être conscient de certains phénomènes encore plus gros qu’il faut savoir dompter. En effet, la démocratie qui se veut être le gouvernement du peuple par le peuple a encore du chemin à faire et ceci dans le monde entier. Les gouvernements sont surtout au service d’une oligarchie technocratique et financière. Et sur ce point j’estime qu’au lieu de vouloir calquer une politique occidentale qui pourrait nous mener dans une situation encore moins appréciable, il vaudrait mieux que l’on pense à une manière de faire de la Monarchie une force au service du peuple, du peuple une force au service de la Monarchie, et de ce fait se créera une union forte, basée sur un respect et un amour véritables, d’un Roi et d’un peuple au service de la Nation Marocaine.
En somme, je ne suis pas là pour apporter un programme à suivre ou faire un appel à la manifestation car je n’ai aucunement la prétention de parler au nom de tout un peuple. Mon but est de donner une piste à suivre pour pouvoir atteindre des solutions constructives qui prendraient naissance d’une mobilisation et d’une entraide entre les Marocains. Et pour cela il ne faut pas se tromper de débat, ce n’est pas du tout la Monarchie qui est en question, et nier les réalités et attendre que le changement se fasse de lui-même ne nous permettra jamais d’être compétitifs. Ceci pourrait aboutir à opter pour la manifestation pour certains points précis, à la créations de mouvements, d’associations ou autre. Seul un réel débat nous permettra de nous faire une idée plus claire. Pensez-y.
Amine B.
Talk Morocco, 30 mars 2011
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