par M. A., H. B. Et A. Z.
La mobilisation populaire contre le prolongement du quatrième mandat d’Abdelaziz Bouteflika, pour le départ du système et le changement radical a été au rendez-vous pour le cinquième vendredi consécutif, et ce à travers le territoire national.
Avec un mot d’ordre «l’Unité nationale est une ligne rouge», pouvait-on lire sur une grande banderole brandie par des jeunes à Alger. Et sur une autre il était écrit «Kabyles, Arabes, Mozabites, Chaouis, Chenouis, Targuis : tous unis comme un seul homme ! Pour une Algérie libre et démocratique».
Dès 10h du matin, la Grande Poste d’Alger et son esplanade affichaient déjà complet, des familles, des jeunes venant de la banlieue d’Alger et de wilayas limitrophes traversaient à pied la route de la moutonnière. Ayant stationné leurs véhicules au niveau des Bananiers et à Ruisseau, les protestataires portant l’emblème national et le drapeau amazighe ont battu le pavé vers Alger centre, dans une ambiance festive. Ni le vent, ni la pluie, ni même le ciel gris n’ont empêché les protestataires de marcher.
Les banderoles et les pancartes brandies décrivaient parfaitement les doléances du peuple et traduisaient des réponses aux propositions de la classe dirigeante. Sur des pancartes il était écrit «Le peuple s’engage, pouvoir dégage», «Non à la conférence des traitres» et le «Peuple demande la dissolution des partis de l’Alliance présidentielle, les partis de la Brosse».
Sur d’autres banderoles on pouvait lire «Non aux forces Extraconstitutionnelles» ou encore «Le peuple algérien n’a pas de revendications, mais il a un projet d’Etat».
Tout en s’adressant à la classe qui gouverne, plutôt «à la famille royale et leurs serviteurs», les protestataires affirment à travers leurs écrits «la solution, c’est votre dissolution» et «le pouvoir revient au peuple».
Les compagnons et la famille du défunt Hassan Benkhedda, décédé lors de la marche du 1 mars dernier, étaient parmi la foule brandissant sa photo en dessous de laquelle on pouvait lire «le Chahid de la dignité».
Les slogans rythmés répétés sans cesse par les manifestants est un message assez clair aux plus hautes autorités du pays «pas de 4,5 mandat, dégage», «FLN et RND dégage», «Algérie libre et démocratique». Aucun incident n’a été signalé jusqu’à 17 heures à Alger centre. Des échos font état par contre de l’utilisation par les forces de l’ordre de bombes lacrymogènes et de canons à eau sur le chemin menant vers El Mouradia pour repousser les manifestants.
A Oran, la contestation populaire était aussi au rendez-vous avec ferveur, avec comme mot d’ordre : sauvegarder l’unité du peuple avec l’ensemble de ses composantes et maintenir le caractère pacifique des marches. Côté mobilisation, cette semaine a beaucoup ressemblé que celle du vendredi précédent avec une participation estimée à quelques dizaines de milliers de manifestants. Un changement tout de même, celui d’un renouveau notable des slogans par les participants à la marche, réadaptés aux dernières évolutions de l’actualité politique.
La référence au départ de l’ensemble des partis politiques qui avaient composé la coalition présidentielle a été omniprésente dans plusieurs pancartes et écriteaux levés par les manifestants. On pouvait ainsi lire sur des pancartes flanquées des couleurs de l’emblème national «FLN dégage, RND dégage, MPA dégage ».
D’autres figures comme le patron du FCE, Ali Haddad, ou celui de l’UGTA, entre autres, n’ont pas échappé eux non plus à la vindicte populaire qui les a également appelés à partir.
D’autres slogans ont par ailleurs souligné le refus du peuple «de désigner des représentants parlant en son nom» ou encore «l’exclusion de toutes solutions adoptées en dehors de la Constitution».
La récente tournée internationale du ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, n’est également pas passée inaperçue avec des slogans refusant toute ingérence étrangère qui pourrait confisquer ou menacé le mouvement populaire et ses revendications légitimes. «Ni Moscou, Ni Washington, Ni Paris, Ni Pékin : Le peuple est souverain».
Sit-in des journalistes et travailleurs de l’ENTV à Constantine
A Constantine, le centre-ville a été le théâtre de rassemblements et de marches organisés par les citoyens pour manifester leur rejet total du système. Et, la pluie battante n’a pas dissuadé des milliers de personnes, des familles entières, avec femmes et enfants, des jeunes et des moins jeunes, des personnes âgées, d’affluer de tous les quartiers vers le centre-ville pour participer à cette 5e marche, qualifiée de «marche de la victoire » par les manifestants. Reprenant les mêmes slogans scandés durant les dernières marches, la foule a montré sa détermination pour le «départ de tout le système » et «le plus tôt serait le mieux », selon les banderoles brandies par des manifestants. Il y a également, comme d’habitude, des chants patriotiques qui ont été repris par les manifestants, entrecoupés par des slogans «Djazaïr horra democratia » (Algérie libre et démocratique), «système dégage», «non à la prolongation du mandat présidentiel » et autres slogans hostiles au pouvoir en général. Aussi, doit-on noter, malgré son ralliement au «Hirak », le FLN n’a pas été épargné par la colère des manifestants qui ont continué à crier «FLN dégage ».
La veille, jeudi, des journalistes et des travailleurs de la station régionale de l’ENTV à Constantine ont organisé un sit-in à l’intérieur du siège de la station, à proximité de l’université des sciences islamiques Emir Abdelkader, pour dénoncer les entraves à l’exercice libre de leurs missions dans cette période si particulière que traverse le pays. Brandissant des banderoles portant des écrits qui en disent long sur les aspirations étouffées, «Halte à la marginalisation et l’exclusion des compétences », «Ensemble défendons la liberté d’expression », «Free journalists free society » (journalistes libres, société libre), «La Constitution protège le droit du journaliste de dire la vérité », les manifestants ont tenu à marquer leur soutien aux manifestations du peuple algérien. Les manifestants ont également scandé des slogans rappelant que la télévision publique est synonyme d’union nationale. «La télévision publique est la voix du peuple », criait-on.
«Nous réclamons notre droit à transmettre l’information réelle au peuple, c’est un droit constitutionnelle, nous sommes devenus des porte-parole d’institutions alors que nous sommes des porte-parole de l’Etat avec toutes ses constituantes, dont le peuple algérien », nous ont lancé des journalistes.
D’autres ajoutent que «nous avons assuré des couvertures des manifestations mais ce qui a été passé à la télévision ne reflète pas la réalité », non sans s’interroger qu’ «il y a bien eu une ouverture au niveau de la radio et l’APS, pourquoi la télévision publique tarde-t-elle à opérer cette ouverture ? ».
On signalera également qu’ «il y a eu des idées d’émissions pour aller vers le peuple mais tout a été rejeté, au profit de qui, de quoi, du pourrissement auquel nous sommes arrivés ? », s’interroge-t-on encore. Le sit-in a été levé en milieu de journée, après près d’une heure et les manifestants se sont dispersés dans le calme.
Le Quotidien d’Oran, 23 mars 2019
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