Lettre ouverte à Monsieur Tamek, Délégué Général au Ministère marocain de la Justice et des Libertés
Monsieur le Délégué Général,
Le 3 février 2018 je vous ai adressé une lettre pour vous dire mes préoccupations concernant le prisonnier politique sahraoui Salek Laasairi dont j’assure le parrainage depuis quelques années. Il était à ce moment interné à la prison locale d’Aït Meloul sous le n° d’écrou 7533. Je vous disais que Salek, arrêté il y a 15 ans et condamné à perpétuité pour un crime qu’il nie toujours avoir commis, est victime d’atteintes fréquentes à sa sécurité et à son intégrité physique ; que les rares moments de plaisir qu’il aime vivre en téléphonant à sa famille et à ses amis sont réduits à quelques minutes puis à quelques secondes. Tout est prétexte à envoyer au cachot un prisonnier sahraoui, pour une grande variété de motifs inventés.
Au cours de mes premières années de parrainage nous pouvions parfois échanger des lettres, j’envoyais des cartes et quelques colis. Même s’ils mettaient parfois jusqu’à deux mois pour arriver, ils arrivaient. Mais progressivement, même ces petits bonheurs lui sont interdits. Ses lettres ne me parviennent plus. Il ne reçoit plus les miennes, ni mes cartes.
Pour la nouvelle année 2018 je lui avais envoyé un colis au très modeste contenu car je sais par expérience que les gardiens se servent avant le destinataire du colis si ce contenu les intéresse.
Ce colis m’a été retourné. Je l’ai renvoyé en ajoutant le code postal d’Aït Meloul que j’avais omis d’ajouter à l’adresse. Le colis m’a encore été renvoyé. Il ne fallait donc pas que Salek puisse se réjouir d’ouvrir ce paquet, en découvrant le beau pull que j’ai acheté aux fripes, plusieurs magazines déjà anciens, et de récents magazines de foot, un calendrier, un agenda que deux associations humanitaires m’avaient offerts pour 2018 et une grammaire anglaise qui date de ma scolarité. Le comportement odieux de l’administration pénitentiaire n’a rien à voir avec une quelconque notion de justice, c’est de la pure discrimination, de la haine de la pire espèce.
Pourtant il y a quelques jours j’ai pu constater que cette haine pouvait être encore plus cruelle, lorsque j’ai reçu un message de l’association Amis du peuple du Sahara Occidental : Salek Laasairi a disparu .
Depuis le 11 février 2019, il n’a donné signe de vie, ni à sa famille, ni à APSO qui, après de longues investigations a réussi à savoir qu’il a été transféré à la prison de Safi au Maroc, une prison de « punition » où il est une fois de plus au cachot, ce qui veut dire isolement dans une cellule sale et insalubre, avec un « lit » en béton et un semblant de fine couverture répugnante ; c’est un lieu de violence, d’humiliation et de torture, et souvent aussi de grève de la faim en guise de protestation. On peut imaginer dans quel état le Sahraoui sort de ce cachot après plusieurs semaines de cohabitation avec les rats, sans se nourrir…Safi est à plus de 600 km de Tantan où vit dans une grande précarité la mère de Salek, pour qui rendre visite à son fils représente désormais un obstacle insurmontable.
Monsieur le Délégué Général au Ministère marocain de la Justice et des Libertés,
vous avez le pouvoir de faire en sorte que les interminables années qui attendent Salek derrière les barreaux ne continuent pas à être pour lui cet enfer qui fait honte au Maroc, soi-disant modèle en matière de droits humains, et qu’il puisse au moins retourner à Aït Meloul, prison un peu moins éloignée du lieu où réside sa famille !
Pour Salek et les autres prisonniers sahraouis, merci si nous pouvons compter sur votre compréhension.
Marie-José Fressard
Solidarité Maroc 05, France
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