Plusieurs opérations de police prouvent un rebond du trafic de cocaïne en Afrique de l’Ouest et ses liens avec des groupes islamistes
Plus de 10,4 tonnes de cocaïne ont été interceptées au Cap-Vert et en Guinée Bissau au cours des derniers mois. Ce sont des chiffres records dans la région qui font craindre un lien entre le trafic de drogue en Afrique de l’Ouest et les groupes islamistes qui ont vu dans ce business un moyen de financement. Début février, les autorités cap-verdiennes ont appréhendé un navire portant pavillon panaméen à bord duquel 9,5 tonnes de cocaïne ont été trouvées. Les onze marins, tous de nationalité russe, qui composaient l’équipage ont été arrêtés, selon Record TV Cabo Verde.
Le 13 mars, la même chose s’est produite en Guinée Bissau. La police a trouvé un camion de pêche dans lequel 800 kilos de la même drogue ont été trouvés. Parmi les détenus, il y a un conseiller du président du Parlement du Niger, a rapporté Reuters. Ensemble, les deux opérations ont permis de localiser plus de toute la quantité de drogues saisie dans la région entre 2013 et 2016, selon les données de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (UNODC), rassemblées dans le Rapport mondial sur les drogues, 2018. Le document indique que les trafiquants de stupéfiants à destination de l’Europe paient des membres de groupes islamistes liés à Al-Qaïda et à l’État islamique pour protéger les cargaisons qui traversent le Sahel et, plus tard, le Sahara. Bien que, les auteurs de celui-ci ne finissent pas de préciser la véritable portée de cette alliance.
En 2009, le trafic de drogue dans la région a atteint son niveau maximal. C’est alors qu’en novembre, au milieu du désert du Mali, près de la municipalité de Tarkint, où il n’y avait ni route ni contrôle des radars, est apparu le fuselage en cendres d’un Boing 272. Il avait transporté environ 10 tonnes de cocaïne de La Colombie. Avec l’aide de camions, les marchandises sont parties au nord et de là en Europe. Miguel Ángel Davesa, un ex-policier galicien installé au Mali après avoir été expulsé du corps, était à la tête de l’opération. Dans le pays sahélien, il est devenu l’un des leaders de la route du trafic de drogue en Afrique de l’Ouest, selon El Pais. À cette époque, on estimait que 60% de la cocaïne vendue en Europe passait par le Sahel. Des pays comme le Mali, le Niger et la Mauritanie ont joué un rôle clé dans cette contrebande. Nations, précisément, où Al-Qaïda du Maghreb islamique (AQMI) est profondément enraciné.
Pour arrêter ce trafic, l’ONU et la police de plusieurs États (dont l’Espagne) sont intervenus pour renforcer le pouvoir judiciaire et les forces de sécurité des pays traversés par les routes à destination de l’Europe. Depuis lors, tout porte à croire que le commerce de la drogue a considérablement diminué. En fait, on se demandait si l’un des principaux itinéraires empruntés par les stupéfiants pour se rendre en Europe passait toujours par l’Afrique de l’Ouest, mais ces dernières opérations de police prouveraient qu’une grande quantité de stupéfiants transite encore par la région.
Des indices évidents portent à croire que la cargaison interceptée en Guinée-Bissau était liée au financement d’AQMI. C’est assez inquiétant, surtout quand on pensait que les actions de l’ONU et l’intervention militaire européenne au Sahel, dirigée par la France, avaient mis fin à cette collaboration.
Une forte augmentation de la production mondiale de cocaïne, principalement en Colombie, au cours des dernières années pourrait aider à expliquer la réapparition de la route ouest-africaine. Les trafiquants chercheraient à diversifier leurs destinations et à prendre plus de risques pour libérer toutes leurs marchandises, selon le rapport de 2018 de la Drug Enforcement Administration (DEA) des États-Unis. Cet excès de produit sur le marché a probablement été utilisé par les groupes terroristes qui se sont installés au Sahel pour modifier leurs sources de financement. Ils ont mis de côté les enlèvements pour réclamer une rançon et ont rejoint les avantages apportés par le trafic de drogue.
Pas seulement en transit
Depuis des années, la Commission sur l’impact des drogues sur la gouvernance, la sécurité et le développement en Afrique de l’Ouest (WACD) a averti que ce sont les gangs criminels, en particulier les Nigérians, qui transportent la drogue qui arrive d’Amérique latine en Afrique de l’Ouest. Ces intermédiaires sont payés, normalement, avec une partie de la marchandise. Celle-ci est vendue pour la consommation. Voilà comment une partie de cette cocaïne reste dans la région.
La drogue reçue par les intermédiaires est très pure et d’un prix très élevé. Pour pouvoir tirer profit de sa vente, elle doit être convertie en un produit bon marché pouvant être acheté par les consommateurs de l’une des régions les plus pauvres du monde. C’est pourquoi il est généralement mélangé avec du bicarbonate de soude, qui est principalement utilisé pour la cuisson, le rendant aussi plus accessible. Une dose de ce médicament peut être trouvée même pour moins de l’équivalent de 50 cents. C’est pour cela que de plus en plus de jeunes des pays où la cocaïne transite y deviennent accros.
El Pais, 27 mars 2019
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