Fuente: El Mundo, 15/04/2019
Il s’appelle Samir, est en Catalogne depuis 29 ans et est présenté comme un futur maire par PDeCat. Ces jours-ci, il s’est rendu à Bruxelles pour rendre hommage à Puigdemont. « Travaille pour le Maroc », nous disent-ils.
Il y a deux semaines, le mardi 26 mars, à 21 h 45, le premier message texto est arrivé: « Il s’appelle Fouad et il est maintenant au parti de Puigdemont. Il est des bons contacs et nous transmet des informations. Parce qu’aucun candidat d’origine marocaine, qui soit membre d’un parti politique d’Espagne, ne peut se porta¡er candidat à des élections sans l’aval du Maroc ». Ce message, envoyé de Rabat à Barcelone, provenait du téléphone portable d’un agent de la DGED, le service d’espionnage extérieur marocain. « Nous souhaitons connaître les mouvements qu’il y a au sein du mouvement indépendantiste », ajoutait-il dans une seconde lettre.
La personne visée est Fouad El Jebli Bhioui. Bien qu’il se présente avec le nom de Samir, comme sa mère l’a toujours appelé. Il est candidat du PDeCAT à Canovellas, une ville de près de 16.000 habitants située à 32 kilomètres de Barcelone. Samir va en tête de liste pour la municipalité du parti, enregistrée là-bas sous le nom de Junts per Canovelles. Il était déjà numéro 5 sur les listes de l’ancienne Convergència i Unió (CIU) en 2005.
« Je viens de rentrer de Bruxelles », dit Samir au téléphone. Mercredi dernier, il est rentré à Barcelone après une rencontre avec Carles Puigdemont dans la capitale belge. Il n’a plus répondu à Crónica après avoir su que nous allions lui poser des questions sur ses liens avec le royaume de Mohamed VI.
«Oui, il travaille pour le Maroc. Il s’est introduit peu à peu dans l’entourage des leaders sociaux marocains promus par les États-Unis qui pssent des informations à la DGED « , a déclaré un conseiller et analyste en Catalogne des forces et organismes de sécurité de l’Etat. « Pour gagner la confiance des politiciens indépendantistes, il a monté un piège: la police nationale l’a interviewé à plusieurs reprises et il a fait un sondage en s’offrant comme son informateur. Samir a tout enregistré et l’a envoyé à un groupe d’agents des Mossos d’Esquadra proches des partis ndépendantistes. En agissant de la sorte, il avoulu prouver sa loyauté envers le mouvement séparatiste. Plus tard, après avoir déjà gagné sa confiance, il est devenu un informateur utile, mais pour le Maroc ».
Mustapha est le nom de code d’un ancien agent des services de renseignements marocains qui, depuis quelques mois, suit la montée politique de Samir El Jebli. Il le définit comme un « espion endormi », inactif mais infiltré, qui a comme interlocuteur auprès de Rabat un agent de la DGED qui travaille au consulat du Maroc à Barcelone. « Dans le consulat, il y a toujours un agent de la DGED identifié comme tel, et le gouvernement espagnol le sait. Mais il y a aussi un autre agent infiltré parmi les quatre vice-consuls, qui est un responsable important. C’est á lui qu’arrivent les informations et les envoie au Maroc « , assure Mustapha.
« Ils réveilleront El Jebli le jour où il y aura quelque chose lié au sujet de l’indépendance d’intérêt vital pour le Majzén (l’Etat marocain). En avril 2019, cela ne les aidera peut-être pas du tout, mais certainement à l’avenir, oui. Le fait que le Maroc ait quelqu’un dans le PDeCAT est dû au fait que le régime veut connaître tous les mouvements du mouvement indépendantiste, même pour obtenir des informations qu’il pourra utiliser à l’avenir contre l’Espagne « , dit-il. « Les socialistes sont déjà contrôlés par le député Mohamed Chaib. Et maintenant, ils veulent avoir quelqu’un sur l’orbite de Puigdemont et de son cercle le plus proche. «
L’ancien agent marocain évoque le cas de Mohamed Chaib Akhdim, qui a réussi à s’asseoir au Congrès des députés. C’est arrivé en juin dernier, lorsqu’il a remplacé le député Meritxell Batet, à qui Sanchez a demandé l’exclusivité en tant que ministre chargé de diriger la Politique Territoriale. Chaib, né à Tanger, s’est toujours appelé « le fils de l’immigration marocaine en Catalogne », même si un ancien diplomate du royaume Alaouite l’a défini il y a quelques mois comme « correspondant honorable » et a mis en exergue ses liens étroits avec les services secrets marocains.
Menaces et captations
Justement, il y a cinq ans, Samir El Jebli avait déclaré devant le groupe I du crime organisé de la police nationale de Catalogne que Chaib et Yasser Faris, consul à Barcelone, le menaçaient après avoir refusé de collaborer « dans différents domaines » avec le désormais député socialiste.
« Chaque fois que le déclarant (Samir) se rendait dans les bureaux de M. Faris, ce dernier était accompagné de Belay (pseudonyme), chef des services secrets marocains. Faris et Belay ont commencé à lui parler de patriotisme, commentant sa collaboration lors d’événements antérieurs, tels que les manifestations en faveur du Sahara marocain. Maintenant, ils lui ont dit que son devoir était de travailler pour Chaib « , lit-on dans le rapport de la déclaration au quartier général de la police de Catalogne.
« En raison de son refus de collaborer, les menaces commencent. Ils disent qu’ils vont lui couper sa relation avec le Maroc, qu’il doit faire attention car ils peuvent lui kidnapper quand ils le veulent « , poursuit la note, qui ajoute que ces menaces sont proférées par un homme du nom de Nourdinne (président de l’association Unió Germans del Món), ami du consul et Chaib.
Mais dans sa déclaration à la police, Samir insiste sur le fait qu’il a refusé de collaborer avec les services secrets marocains, malgré que les menaces se poursuivaient. « La pression a atteint un tel point qu’une prostituée a confessé à Samir que Chaib et un homme du nom de Mohamed Idrissi l’avaient envoyée pour lui prendre des photos et puis le dénoncer pour tentative de viol », poursuit le rapport dans lequel Samir insiste sur le fait que quatre hommes des services secrets marocains le fillaient partout depuis des mois et on lui avait dit qu’il «ne pourrait pas retourner au Maroc et que quelque chose pourrait lui arriver lorsqu’il conduira la voiture sur la route».
Ceux qui connaissent ce cas affirment que Samir, à la fin, « a succombé aux pressions ». En partie grâce à son ami Nourdinne Ziani, président de l’Union des centres culturels islamiques de Catalogne jusqu’à son expulsion au Maroc en 2013, après que le CNI l’ait accusé d’être un agent de la DGED et de mettre en danger la sécurité nationale.
«L’espion Ziani n’a pas freiné. Il avait accès à de l’argent et avait touché une clé sur laquelle il ne fallait pas appuyer, à savoir le financement de certains collectifs salafistes. Maintenant, Ziani est au Maroc, économiquement couvert par les banques marocaines qu’il a aidées à s’installer en Espagne et à ouvrir des comptes là-bas « , explique un chercheur du CNI travaillant depuis des années en Afrique du Nord. «Samir El Jebli était très proche de Ziani. C’est lui qui l’a capté après que les pressions ont commencé. Et maintenant, Ziani travaille au ministère des Affaires religieuses et Samir continue à lui passer des informations ».
Samir est né dans la ville marocaine de Larache il y a 40 ans. Il est arrivé en Catalogne en 1990. Il a été vice-président de la Fédération des entités culturelles catalanes d’origine marocaine (Feccom). «Un projet que Chaib et Ziani ont entrepris poue se partager l’influence du Maroc en Catalogne. L’un allait contrôler la sphère culturelle et l’autre la sphère religieuse. Mais Chaib a commencé à protester parce que Ziani lui prennait la vedette. À tel point que, selon l’Union des communautés islamiques, Chaib était derrière l’expulsion de Ziani vers le Maroc parce qu’il travaillait également pour le CNI « , explique un ancien diplomate marocain.
Samir a aussi dénoncé devant la Police que le député socialiste avait utilisé Feccom à d’autres fins. Il dit que Chaib demandait des subventions à l’État, qu’il deviait ensuite vers d’autres entités qu’il dirigeait également. Et qu’il faisait la même chose avec l’argent qu’il recevait du Maroc. «Chaib n’a jamais cessé de transmettre des informations au Maroc. Et Samir est un profil d’informateur plus bas », explique le conseiller de la police en Catalogne.
Mais J., un contact du CNI à Madrid spécialiste du terrorisme, explique clairement pourquoi le Maroc pourrait être intéressé par une infiltration aux côtés de Puigemont: « Les mandataires de Rabat ne veulent pas que la Catalogne obtiennent son indépendance. Ils ne le veulent pas ni ne l’acceptent car c’est un discours qui peut éclabousser sur la question du Sahara. En outre, le mouvement indépendantiste catalan a tenté de s’associer à l’activisme du mouvement rifain. Une autre chose est qu’un courant islamique qui se trouve dans les services secrets et au sein du gouvernement marocain soit intéressé par une déstabilisation de l’Espagne».
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