Qui sont-ils et pourquoi ont-ils voulu mettre fin à la vie du policier qui fut pendant 20 ans le plus fidèle des gardes du corps du roi Hassan II et mari actuel de sa veuve ?
Ignacio Cembrero
Lorsque Mohamed Mediouri, âgé de 81 ans, est descendu vendredi dernier de sa voiture près de la mosquée Al Anouar à Marrakech, où il allait prier, a été attaqué par sept hommes, dont un armé, qui sont sortis de deux véhicules qui y étaient stationnés. Mediouri s’est miraculeusement échappé de ce qu’il décrirait plus tard, lorsqu’il a déposé au commissariat central de la ville une plainte pour tentative d’assassinat. Le chauffeur de l’octogénaire a été gravement blessé, selon le quotidien digital marocain ‘Barlamane’. La police judiciaire a ouvert une enquête.
L’information sur cette agression a été succintement relayée par la presse marocaine pendant le week-end. Celle-ci rappelle en outre que Mediouri a été, entre 1976 et 2000, garde du corps puis chef du Département de Protection Royale, c’est-à-dire chargé de la sécurité du roi Hassan II, décédé en 1999.
Cependant, les journaux s’abstiennent de mentionner que Mediouri est depuis quelques années le mari de Lalla Latifa, 73 ans, la deuxième épouse de Hassan II et surtout la mère du roi Mohamed VI, de son frère et de ses sœurs. Le mariage disccret qu’ils ont célébré il y a quelques années à Paris n’a pas été du goût de l’actuel monarque, il a refusé d’assister à la cérémonie, et c’est peut-être pour cela que la presse ne mentionne pas qui est le conjoint de l’ancien garde du corps.
Mediouri a entamé sa carrière de policier en tant que sous-inspecteur dans les Compagnies Mobiles d’Intervention (les anti-émeutes) jusqu’à ce qu’il croise le Français Raymond Sassia, ancien gard du corps du général Charles de Gaulle qui a été chargé par Hassan II d »Améliorer sa sécurité après les tentatives de putsch qu’il a affrontées dans les années 1970″. Sassia engagea Mediouri pour l’intégrer dans l’équipe des gardes du corps du monarque alaouite. Le jeune policier, amateur de la boxe et du tir au blanc, a attiré la sympathie de Hassan II, qui a fini par le nommer directeur du Département de Protection Royale. Pendant deux décennies, il est devenu l’ombre du souverain.
Au palais vivait Lalla Latifa, qui n’a jamais reçu de la part de Hassan II le titre non seulement de reine mais aussi de princesse dont jouissait Lalla Salma, qui, jusqu’à mars 2018, date de son divorce, était l’épouse de Mohamed VI. Lalla Latifa était simplement « la mère des princes ». Elle ne participait à aucun acte public et seulement deux de ses photos ont été publiées, l’une d’elles prise lors du mariage de sa fille Lalla Hasna.
Pour avoir demandé au palais royal, en février 2009, la permission de publier quelques instantanés de la mère et de la grand-mère de Mohamed VI, Lalla Abla, Nouredin Miftah, directeur de l’hebdomadaire marocain ‘Al Ayam’, a fini par être interrogé par la police au même temps qu’elle perquisitionnait le siège de sa publication. Elle voulait découvrir l’origine de ces photos que François Cléret, le médecin de Hassan II, avait données, peu avant sa mort, à une journaliste d’Al Ayam.
La relation de Mediouri avec celle qui était à l’époque, l’épouse de Hassan II, quand a-t-elle commencé ? On ne sait pas avec certitude. Le roi est décédé en juillet 1999 et au début de la décennie suivante, ils ont commencé à être vus ensemble à Marrakech. Hicham Bouchti, un policier antiémeute qui a fini par s’exiler en Espagne, affirme, sans apporter de preuve, que pour empêcher sa mère de fréquenter Mediouri, Mohamed VI l’a confinée quelque temps dans le palais royal de Skhirat, au sud de Rabat.
Une relation qui déplaît au roi du Maroc
Par contre, ce qui est prouvé, c’est que le roi a destitué Mediouri de ses fonctions au palais en 2000, quelques mois après son intronisation en juillet 1999, puis a été destitué de ses fonctions à la tête du Kawakab, un club de football de Marrakech, la ville dont il est originaire, et de la Fédération Royale Marocaine d’Athlétisme. Afin de ne pas compromettre son petit business dans le secteur des télécommunications, Mediouri l’a transférée à son fils unique.
La relation sentimentale de sa mère ne plaisait pas à l’actuel monarque. La preuve en est que l’ancien garde du corps et Lalla Latifa ont dû émigrer en France pour se marier et Mohamed VI a refusé d’assister à la cérémonie qui s’est déroulée discrètement à Paris. Le couple vit dans un appartement du boulevard Maurice Barres de Neuilly-sur-Seine, un quartier luxueux de la périphérie de Paris, mais de temps en temps il se rend à Marrakech.
Ce qui est arrivé vendredi à Marrakech, aux portes de la mosquée d’Al Anouar, n’était probablement pas une tentative de mettre fin à la vie de Mediouri. Commettre un meurtre n’a pas besoin de sept tueurs, et si l’un d’eux portait une arme, c’est aussi pour ouvrir le feu, ce qu’il n’a pas fait. L’interprétation la plus courante de cet épisode est qu’on a voulu l’effrayer. Dans quel but ? Peut-être pour le dissuader de se rendre régulièrement au Maroc. À en juger par la plainte déposée par l’ancien garde du corps, il ne semble pas disposé à se laisser intimider. En faisant ainsi, il a révélé à la presse un incident qui, autrement, n’aurait pas transcendé.
Source : Vanitatis, 20 mai 2019
Tags : Maroc, Mohammed VI, Mohamed Mediouri, Département de Protection Royale, gardes du corps, Lalla Latifa, Hassan II,