Si le mouvement des Gilets jaunes veut perdurer, s’il veut garder le soutien de la population et ne pas s’enfermer dans des discussions en interne sans lendemains, il va devoir reconnaître ses leaders, célébrer ses héros.
« Le mouvement des Gilets Jaunes a été sublime, comme celui de Mai 68, mais il a aussi marqué les mêmes déficiences bien françaises du genre pas de chef, le pouvoir à tous, moins on sera capables de décider, mieux on se portera » (Emmanuel Todd lors d’un débat « Gilets jaunes » organisé par Le Vent se lève et Le Média le 28 juin 2019).
En réalité, aucun mouvement de l’histoire ne s’est jamais imposé sans leaders qui galvanisent et fédèrent les troupes, sans héros qui cimentent et rassemblent les populations. Pas de Révolution française sans Robespierre, Danton ou Saint-Just, pas de Résistance française sans De Gaulle et Jean Moulin, pas de mouvement de libération des noirs américains sans Martin Luther King et Malcom X, pas de lutte victorieuse contre l’apartheid sud-africain sans Nelson Mandela.
« L’anarchisme français central, traditionnel » (Emmanuel Todd), cette croyance aveugle en la toute puissance du peuple et rien que du peuple est une posture stérile, marginalisante, au bout du compte asphyxiante, le syndrome improductif du militant politique déconnecté. C’est tout le problème de l’Assemblée des assemblées des Gilets jaunes qui se réunit périodiquement – sans jamais qu’aucune des « figures » du mouvement n’y soit convié – pour discuter dans l’entre soi de choses qui n’intéressent au final que les participants de ces réunions et restent ignorées du grand nombre faute de relais après de l’opinion et pour n’y avoir pas priorisé les préoccupations urgentes de la population. Emmanuel Todd :
« Débattre sur des questions de procédures, c’est-à-dire, on se réunit, on discute, on fait tellement mieux que les autres, on n’a pas de chef, on réclame le RIC, ce n’est pas un programme politique dans une période de difficultés économiques. Ce dont les gens ont besoin, ce n’est pas d’une meilleure démocratie dans l’abstrait, c’est de solutions économiques à des problèmes économiques. »
Après plus de sept mois de soulèvement Gilets jaunes, des leaders se sont naturellement imposés comme tels, même s’ils s’en défendent
Ne crachons pas dans la soupe, l’Assemblée des assemblées fait un travail remarquable de fondation politique du mouvement des Gilets jaunes. Mais un travail en interne qui ne débouchera sur une révolution nationale que si ce travail est écrémé dans le sens des priorités, relayé et amplifié auprès de la population par les leaders, magnifier par les héros. Un leader, un héros, ne se décrète pas, n’est pas élu, ni même tiré au sort. Son autorité, sa stature, s’impose naturellement à ceux qui finissent par la reconnaître. C’est ainsi que fonctionnent tous les groupes humains, fussent-ils anarchistes français.
Après plus de sept mois de soulèvement Gilets jaunes, des leaders se sont naturellement imposés comme tels, même s’ils s’en défendent : François Boulo, Éric Drouet, Priscillia Ludosky, Maxime Nicolle, Juan Branco, Jérôme Rodrigues. Des héros populaires sont nés : Christophe Dettinger, Geneviève Legay ou encore Jérôme Rodrigues, toujours lui, pour sa poursuite courageuse du combat malgré son œil perdu.
Ces personnes doivent assumer clairement leurs statures, être reconnues comme telles par leurs congénères. Soyez sûr que le camp d’en face sait déjà distinguer la grille hiérarchique naturelle du soulèvement qui lui fait tant peur. Mais ce qui affole le plus un ordre corrompu, c’est que certains de ceux qui le combattent soient reconnus comme les nouveaux leaders et héros populaires par la population.
Source : Chroniques de Yéti
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