Le 21 mars 2018, les leaders des différents pays africains sont réunis afin de révolutionner le continent sur le plan économique. La création d’une Zone de libre-échange continentale (ZLEC) prend forme avec la signature de 44 pays des 55 membres de l’Union africaine. Cet accord de la ZLEC s’est tenu dans la capitale du Rwanda, à Kigali, lors du dixième sommet de l’UA (1).
Un futur prospère à l’horizon
La Zlec doit ultimement permettre l’élimination progressive des droits de douane entre pays membres, favorisant ainsi le commerce intracontinental (2). Important semble être l’enjeu auquel s’attaquent plusieurs États africains. On estime que seulement 16 % du commerce des pays d’Afrique se fait avec d’autres pays du continent, loin derrière l’Asie (autour de 50 %) et l’Europe (près de 70 %) (3). En enlevant les droits de douane ainsi que les frais reliés à ceux-ci, on attend d’ici à 2022 une augmentation du commerce intra-africain s’élevant à 60 %. C’est ce qu’affirme Albert Muchanga, commissaire au Commerce et à l’industrie. Celui-ci souhaite donc que chaque pays membre de l’Union africaine adhère à la Zone de libre-échange continentale (4). Bien que quarante États africains aient signé l’accord le 21 mars 2018, la mise en œuvre ne se fera qu’une fois qu’il aura été ratifié par 22 pays, soit la moitié des pays signataires (5).
D’ici 2028, le projet devrait aussi mener à la création d’un marché commun et d’une union économique et monétaire en Afrique (6). L’accord a pour but l’émancipation des pays africains de la faible diversification de leur économie. Avec des secteurs des services et de l’industrie sous-dimensionnés, certains États africains se sont limités aux performances économiques provenant des matières premières exportées, comme le pétrole, le cacao ou l’or (7). Toutefois, l’Éthiopie et le Ghana ont investi dans les industries locales, ce qui a favorisé la croissance économique des deux États en diversifiant leur marché (8).
Landry Signé, un expert en développement à l’université Stanford aux États-Unis, envisage une diversification considérable du secteur manufacturier par la Zlec. En effet, le marché composé de plusieurs millions de personnes représenterait éventuellement 1,2 milliard $ US. La Zlec pourrait également procurer au continent une plateforme afin de négocier de meilleurs accords commerciaux à l’échelle internationale (9).
Des bâtons dans les roues?
L’Afrique du Sud est un ardent défenseur de l’accord, perçu comme injuste puisque certaines économies africaines sont trop petites pour pouvoir se diversifier seules et s’industrialiser (10). Le consultant nigérian en commerce international, Sola Afolabi, pense que seuls les pays moins développés disposant de ports desservant les pays enclavés rejetteront la Zlec, de crainte de ne plus toucher leurs revenus douaniers (11).
Il n’y a pas que les acteurs politiques et étatiques qui constituent une entrave importante au succès de la Zlec; les obstacles commerciaux en sont aussi. On remarque notamment que le sous-développement des services d’infrastructures et de réseaux nuit de façon significative au commerce intracontinental (12). De plus, les procédures fastidieuses de visas d’entrée sont reconnues pour limiter les activités des investisseurs en Afrique et des prestataires de services (13). De surcroit, le manque de réglementation et la corruption dans le secteur des services ralentissent le développement du commerce du continent également. En guise d’exemple, on mentionne que les critères relatifs à l’émancipation économique qui proviennent souvent de revirements politiques et de contradictions réglementaires engendrent une frustration chez les investisseurs (14). Enfin, l’accès aux réglementations régissant le secteur des services en matière d’immatriculation des entreprises, de procédures d’agrément, de fiscalité et de politiques de rapatriement des bénéfices pour les décisions des entreprises minimisent les vides juridiques, favorisant la corruption (15).
Le Nigeria réticent
Les doutes des acteurs nigérians gravitant autour de la sphère présidentielle sur les conditions de mise en œuvre de ce traité n’encouragent pas le Nigeria à rejoindre la Zlec (16). De surcroit, plusieurs organisations professionnelles du pays ont partagé des inquiétudes relativement aux implications de ce traité sur l’économie nigériane (17). Par ailleurs, certains associeraient le retrait du Nigeria à une tendance protectionniste croissante (18).
Le Nigeria Labour Congress (NLC), une importante organisation syndicale, a exprimé sa crainte à propos des effets négatifs de la Zlec, et sa requête à être plus impliqué dans les négociations. En réaction, le président du Nigéria, Muhammadu Buhari, suspend sa visite à Kigali; d’autant plus qu’il apprend que certains acteurs nigérians n’ont pas été consultés avant la signature (19).
Un membre de la Communauté de développement d’Afrique australe explique que le NLC ne s’oppose pas au projet, mais qu’il se montre précautionneux face à celui-ci puisqu’il ne possède pas d’études d’impact (20). inalement, selon la présidence nigériane, la décision du président aurait pour but d’acheter du temps en ce qui concerne les consultations avec le secteur privé (21).
Références:
(1) Perspective Monde, « Accord à Kigali en prévision d‘une Zone libre-échange continentale en Afrique », 6 juillet 2016, URL http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve?code Pays=JPN&codeEve=1534&grandesRegions=100&slide=200… consulté le 02/11/2018
JeuneAfrique, « Union africaine : l’accord sur la zone libre-échange continentale signé Kigali », 21 mars 2018, URL https://www.jeuneafrique.com/544161/politique/unio… consulté 05/11/2018
(2) N’Gampoula, Nestor, « Union africaine : 44 pays signent l‘accord créant la zone libre-échange continentale », 21 mars 2018, URL http://www.adiac-congo.com/content/union-africaine… consulté le 02/11/2018
(3) Jeune Afrique, « Union Africaine : L’Afrique face aux défis de la Zone de libre échange continentale », 19 mars 2018, URL https://www.jeuneafrique.com/543644/politique/unio… consulté le 03/11/2018
(4) Le Point Afrique, « Zone libre-échange africaine : ce sera sans le Nigéria », 20 mars 2018, URL http://afrique.lepoint.fr/economie/zone-de-libre-e… consulté le 02/11/2018
(5) Allard, Daniel, « Enfin la ZLEC : 44 pays signent un accord de libre-échange quasi-continental », Commerce Monde, 4 mai 2018, URL https://www.commercemonde.com/2018/05/44-pays-dafrique/, consulté le 02/011/2018
(6) Le Point Afrique, op. cit.
(7) Loc. Cit.
(8) Loc. Cit.
(9) Loc. Cit.
(10) Loc. Cit.
(11) Loc. Cit.
(12) Sawere, Viola and David Ndolo, « Négociations de la ZLEC sur les services : comment parvenir un accord d‘ici 2017? », International Centre for Trade and Sustainable Development, vol. 17, n. 4, 31 mai 2016, URL https://www.ictsd.org/bridges-news/passerelles/news/n%C 3%A9gociations-de-la-zlec-sur-les-services-comment… consulté le 11/11/2018
(13) Loc. Cit.
(14) Loc. Cit.
(15) Loc. Cit.
(16) Barma, Aboubacar Yacouba, « Zone de libre échange continentale : le Nigéria fait marche arrière et suspend sa participation », Afrique LaTribune, 19 mars 2018, URL https://afrique.latribune.fr/politique/integration… consulté le 05/11/2018
(17) Loc. Cit.
(18) Le Point Afrique, op. cit.
(19) Jeune Afrique, « Union Africaine : L’Afrique face aux défis de la Zone de libre échange continentale », op. cit.
(20) Loc. Cit.
(21) Barma, Aboubacar Yacouba, op. cit.
Dernière modification: 2018-11-12 16:12:12
-N.D.L.R.: Il est possible que des hyperliens actifs au moment de la recherche et de la rédaction de cet article ne le soient plus ultérieurement.
Tags : ZLECA, libre échange, afrique, union africaine,