Le Royaume du Maroc doit mettre en œuvre un plan global pour s’acquitter de ses obligations d’éliminer la discrimination et de parvenir à l’égalité raciale, a déclaré lundi l’experte de l’ONU sur le racisme et les droits humains.
Dans un rapport adressé au Conseil des droits de l’homme, la Rapporteure spéciale sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée, E. Tendayi Achiume a indiqué que les engagements du Maroc en matière de droit international relatif aux droits de l’homme et les dispositions constitutionnelles louables resteront lettre morte en l’absence de l’application par le gouvernement d’un cadre juridique et politique national.
Mme Achiume a loué la Constitution du gouvernement marocain de 2011 pour sa « vision d’une société diverse mais unifiée, où tous pourront jouir pleinement des droits de l’homme et d’une pleine appartenance politique et sociale. ». Mais c’est « une vision que le gouvernement du Maroc – comme tous les autres gouvernements – doit continuellement s’astreindre à mettre en œuvre », a-t-elle prévenu.
« L’égalité en droit n’assure pas l’égalité de fait », a rappelé la Rapporteure Spéciale. « Des défis majeurs persistent et un travail important reste à faire afin d’assurer l’égalité raciale et le droit de chacun à la non-discrimination raciale. ».
Selon Mme Achiume, l’absence d’un cadre global de lutte contre le racisme entrave l’exercice des droits de l’homme au Maroc. « Contrairement aux recommandations formulées par diverses parties prenantes internationales et nationales, le Maroc ne dispose pas d’une législation complète contre la discrimination ou d’une loi spécifique interdisant la discrimination raciale », a-t-elle déploré.
Cet échec et l’absence d’un plan d’action national de lutte contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée ont privé les acteurs gouvernementaux à tous les niveaux des orientations dont ils avaient grand besoin.
Une nouvelle loi ou des amendements à la législation pour mettre en œuvre le cadre d’égalité raciale
La Rapporteure spéciale estime que « l’adoption d’une nouvelle loi, ou des amendements de la législation existante, sont d’une nécessité urgente afin de mettre en œuvre pleinement le cadre d’égalité raciale contenu dans la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale ».
Pour l’experte des Nations Unies, la discrimination persistante à l’encontre des communautés Amazigh souligne davantage les carences légales. Selon elle, ces groupes autochtones sont victimes de discrimination, de l’exclusion structurelle et des stéréotypes racistes du fait de leur langue et de leur la culture.
« Les femmes Amazigh ont signalé qu’elles faisaient face à des formes multiples et intersectionnelles de discrimination en raison de leur genre et de leur identité Amazigh », a précisé Mme Achiume.
La Rapporteure spéciale a appelé Rabat à « garantir immédiatement » aux individus avec un héritage Amazigh la jouissance de leurs droits, notamment l’égalité d’accès à la justice, la liberté d’opinion et d’expression, la liberté de réunion pacifique et d’association, ainsi que les droits économiques, sociaux et culturels. Elle a également soutenu une adoption immédiate de la loi organique nécessaire à la mise en œuvre de l’article 5 de la Constitution marocaine, relatif au statut de langue officielle de la langue Amazigh.
Mettre fin aux discriminations raciales a l’encontre des migrants et réfugiés
Davantage de réformes sont aussi nécessaires afin d’assurer aux migrants et aux réfugiés le droit à l’égalité raciale et le droit à la non-discrimination raciale, estime l’experte onusienne. « Même si la loi et les politiques nationales garantissent un échantillon de droits aux migrants et aux réfugiés sur une base égale dans tous ces contextes, les violations persistantes des droits et la discrimination restent un obstacle clé à l’intégration », a-t-elle expliqué.
« Certains migrants et réfugiés, notamment ceux d’origine noire, sub-saharienne, ont rapporté des incidents de racisme et de stéréotypage xénophobe lors de l’accès aux soins, au logement, à l’éducation, à l’emploi et dans d’autres secteurs », a-t-elle précisé.
Mme Achiume a également émis des inquiétudes concernant des informations reçues sur des déplacements forcés, des évictions, et des profilages raciaux et d’autres formes de discrimination contre les populations migrantes et réfugiées.
Le rapport de la Rapporteure spéciale a félicité le Maroc pour son leadership et les « avancées spectaculaires des droits des migrants et réfugiés » et a ajouté qu’elle se réjouissait de la « volonté politique » et des « engagements louables » du gouvernement dans la protection et l’intégration de ces populations vulnérables.
« L’Europe doit prendre des mesures proactives afin de créer des voies légales de migration »
L’experte onusienne a également loué le rejet par le gouvernement des tentatives de l’Union européenne de créer des centres offshores de procédures d’asile ou de « débarquement régional » sur le territoire marocain.
Mme Achiume a encouragé le Maroc à mettre fin à toutes les politiques d’immigration qui causent de graves violations des droits de l’homme, y compris dans les forêts du nord et dans les autres régions proches des frontières européennes.
« Parallèlement, les acteurs régionaux et internationaux, en particulier l’Union européenne et ses Etats membres, doivent reconnaitre leur responsabilité dans le rôle qu’ils doivent prendre pour garantir les droits humains des migrants au Maroc », a dit la Rapporteure spéciale.
« L’Europe doit prendre des mesures proactives afin de créer des voies légales de migration, y compris pour les Marocains et autres migrants africains qui souhaitent émigrer », a-t-elle ajouté, soulignant que les organisations internationales, « y compris l’Organisation Mondiale pour les Migrations (OIM) », doivent faire en sorte que les droits de l’homme soient au cœur de leur travail national et local, avec les migrants réguliers et irréguliers.
NOTE :
Les Experts indépendants font partie de ce qui est désigné sous le nom des « procédures spéciales » du Conseil des droits de l’homme. Les procédures spéciales, l’organe le plus important d’experts indépendants du Système des droits de l’homme de l’ONU, est le terme général appliqué aux mécanismes d’enquête et de suivi indépendants du Conseil qui s’adressent aux situations spécifiques des pays ou aux questions thématiques partout dans le monde. Les experts des procédures spéciales travaillent à titre bénévole; ils ne font pas partie du personnel de l’ONU et ils ne reçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants des gouvernements et des organisations et ils exercent leurs fonctions à titre indépendant.
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