Dans une lettre envoyée à sa centrale, l’ancien ambassadeur du Maroc à Genève qualifiait Antonio Guterres, commissaire aux réfugiés à l’époque, de « ami du Maroc » et rappelait qu’il avait procédé, à la demande du Maroc, à réduire les aides humanitaires destinées aux réfugiés sahraouis.
Dans ce document confidentiel de la diplomatie marocaine, Guterres va plus loin encore, en promettant de réaliser le recensement de ces réfugiés. Voici le texte intégral de ce document:
PROJET DE LETTRE DE M LE MINISTRE AU HAUT COMMISSAIRE POUR LES REFUGIES
Monsieur le Haut Commissaire,
Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés
Genève
Depuis le déclenchement de la crise malienne, les défis sécuritaire liés la situation actuelle dans l’espace sahélo-saharien interpelle, plus que jamais, la communauté internationale en termes d’atteinte à la paix et la stabilité , aussi bien à cet espace spécifique directement concerné qu’aux pays méditerranéens, voire européens.
Ces défis sécuritaires que vous avez vous même relevez, vous vous en souviendrez, lors de la réunion de haut niveau organisé par Monsieur le Secrétaire Général des Nations Unies en septembre 2012, au cours des travaux de l’Assemblée générale de L’ONU, requièrent l’urgence de l’adoption d’une stratégie intégrée et d’une réponse globale permettant de faire face à la montée visible et perceptible de groupements armés et terroristes qui semblent tirer profit de la densité et de la porosité des frontières des pays entourant cet espace.
La crise actuelle au Mali, les attaques terroristes, comme celle ayant eu lieu en janvier 2013 à In Amesna, sur le territoire algérien, la multiplication de rapts d’étrangers, le flux illicite d’armes, le trafic des êtres humains …..etc., sont autant de symptômes d’une situation frontalière incontrôlée et porteuse de dangers, autant de menaces réelles à la souveraineté et à l’intégrité territoriale des Etats de la région.
Ces challenges sécuritaires sont devenus ainsi une source de préoccupation pour la communauté internationales au regard de la perméabilité des frontières des pays de cet espace territorial vaste, qui nécessite la conjugaison des efforts internationaux pour la mise en œuvre du projet de la stratégie onusienne inclusive, holistique et intégrée pour le Sahel qui prend en charge à la fois les exigences sécuritaires et humanitaires, tel que annoncée par Mr le Secrétaire général, lors de cette réunion de haut niveau,.
Monsieur le Haut Commissaire,
Vous vous souviendrez de la teneur de ma lettre, du 28 janvier 2011, par laquelle je vous ai sollicité les mesures prises par votre institution pour l’opérationnalisation de l’appel du Secrétaire Général de l’ONU contenu dans son rapport S/2010/175 qui a demandé de « réfléchir sérieusement à l’idée de procéder au recensement des réfugiés, et de mettre en œuvre un programme d’entretiens individuels ». Cet appel au recensement des populations des camps de Tindouf, en tant que mesure fondamentale de protection, est aujourd’hui, plus que jamais, impératif au regard des défis sécuritaires qui guettent toute la région du Sahel.
Monsieur Antonio Guterres
Conscient de ces défis, le Royaume du Maroc demeure très préoccupé par le cas atypique des populations des camps de Tindouf, en Algérie, dont la situation risque de devenir de plus en plus précaire et fragile, en raison des derniers événements au Mali, ayant démontré la connexion de certains éléments armés dans ces camps avec la nébuleuse terroriste de l’AQMI opérant dans la région sahélo-saharienne.
En effet, l’absence d’un recensement fiable, selon les critères internationalement reconnus par votre agence, de cette population contribue inéluctablement, au maintien de l’insécurité et de doutes sur leur statut vis-à-vis du droit international humanitaire. Le manque d’enregistrement de cette population interpelle, l’Algérie, en sa qualité de pays hôte des camps, d’honorer ses engagements en conformité avec les principes et obligations des Etats parties à la Convention de Genève de 1951 relatives aux réfugiés.
Ainsi, l’obligation du recensement est devenue, plus que jamais, une nécessité impérieuse, non seulement, en tant que moyen de protection internationale de ces populations, mais aussi, en tant que mesure fondamentale de sécurité, visant à les prémunir de toute menace terroriste éventuelle, et d’infiltration d’éléments terroristes aux camps.
Monsieur le Haut Commissaire,
La situation d’insécurité et de précarité juridique des camps est aggravée par la participation d’éléments armés du polisario, confirmée récemment par le Ministre des affaires étrangères du Mali, et plusieurs think tank, dans les rangs des groupes terroristes au Nord du Mali, à la guerre contre le Gouvernement malien et les forces internationales visant à la sécurisation du pays de la menace terroriste.
Cette nouvelle facette de l’activisme de certains éléments armés du polisario dans la région sahélo-saharienne constitue pour la communauté internationale une source majeure de préoccupation, et révèle le glissement des éléments de cette entité, vers des activités terroristes, tirant profit de la formation militaire et de l’opérationnalité dont ils disposent, et dont pourraient bénéficier Al Qaida au Maghreb Islamique (AQMI), et le Mouvement pour l’Unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO).
La fragilité des camps a été dévoilée, également, lors de l’épisode du rapt, en octobre 2011, de trois étrangers travaillant avec des organisations humanitaires, au sien des camps de Tindouf, ce qui met en évidence l’impératif de protéger les populations qui y vivent, contre tout risque ou menace pouvant porter atteinte à leur intégrité physique et morale.
Monsieur le Haut Commissaire,
Nous sommes arrivés à la conclusion, lors de notre rencontre à Genève le 25 février 2013, en marge du haut segment de la 22eme session du Conseil des droits de l’homme, que le recensement des populations des camps de Tindouf, est devenu, en définitive aujourd’hui, une mesure urgente répondant à un double besoin de protection et de sécurité des populations des camps de Tindouf, au regard du climat d’instabilité et d’insécurité qui règne dans l’espace sahélo-saharien.
Aussi, le Royaume du Maroc demeure-t-il convaincu que seul le HCR est habilité à y répondre par la mise en œuvre pleine et entière de son mandat. Les éléments de réponse à sa démarche, tant attendue, devraient figurer dans le prochain rapport du Secrétaire général de l’ONU au Conseil de sécurité, en avril prochain.
Je vous saurais gré de bien vouloir tenir informé, comme convenu à Genève, les actions que vous avez entreprises à cet effet et éventuellement les résultats de vos démarches.
Je saisis cette occasion pour réitérer l’appui du Royaume du Maroc aux efforts menés et planifiés par le Haut Commissariat, sous votre leadership, en vue de mettre en œuvre les recommandations du Secrétaire Général de l’ONU et des deux résolutions du Conseil de sécurité concernant l’impératif du recensement des populations dites réfugiées dans les camps de Tindouf.
Je vous prie de croire, Monsieur le Haut Commissaire, en l’expression de ma considération la plus distinguée.
Source : Maroc Leaks, 9 fév 2020
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