En 1960, l’Algérie, malgré les épreuves, n’était pas loin de l’indépendance dont les lueurs clignotaient dans un tunnel dont on entrevoyait le bout.
Après les manifestations du 11 décembre, peu en doutaient, sinon ceux qui allaient, pour reprendre la bonne formule d’Yves Courrière, allumer «les feux du désespoir». Le général de Gaulle, revenu aux affaires deux années auparavant, cherchait à sortir du bourbier algérien. Il organise en janvier 1961 un référendum sur l’autodétermination pour recueillir l’assentiment du peuple pour sa politique.
Les résultats confortèrent sa démarche sans se résigner encore à prononcer le mot indépendance. Mais des négociations vont bientôt s’amorcer, d’abord à Melun puis à Evian 1 où la question du Sahara se révélera vite un point d’achoppement entre les délégations du gouvernement français et du FLN.
L’enjeu était double. Il s’agissait d’abord d’exploitation du pétrole découvert en 1956 et qui assurait déjà 40% des besoins de l’économie française. Pouvoir poursuivre les essais nucléaires était l’autre souci des Français. Sans la possession de l’arme nucléaire alors détenue par trois pays (USA, Urss et Grande-Bretagne), la France ne pouvait prétendre au rôle de puissance que lui assignait son «chef» si attaché à la souveraineté au point de répudier, un peu plus tard, l’Otan.
C’est le 13 février 1960, à 7h04, qu’explose Gerboise bleue au sud de Reggane. C’est sur le même site d’expérimentation que se produiront trois autres essais en surface. Gerboise sera successivement, bleue blanche, rouge puis verte le 27 décembre 1960. Le choix des couleurs n’était pas fortuit mais renvoie à celles du drapeau tricolore. Jusqu’à 1966, l’armée française va changer de site. Treize autres bombes vont exploser à In Ekker, au nord de Tamanrasset.
En vertu des accords d’Evian signés le 18 mars 1962, l’article 5 de la déclaration de principe relative aux questions militaires stipule que la France utilisera pour une durée de cinq ans les sites comprenant les installations d’In Ekker, de Reggane et de l’ensemble de Colomb-Béchar Hamma Guir. Longtemps, les officiels et les médias évitaient soigneusement le sujet qui, comme toutes les questions militaires, relevait quelque peu du tabou. La première fissure se produit en 1985 avec le très beau documentaire d’Azzedine Meddour.
A partir d’un montage ingénieux d’archives, «Combien je vous aime» évoque cet épisode de la barbarie coloniale. Tout au long des années 1990 du siècle dernier et 2000, les langues vont se délier, tant en France qu’en Algérie, pour relater les effets de ces essais.
Les circonstances du déroulement des effets et les accidents longtemps occultés sont mieux connus. Des associations, les médias ne cesseront pas de mettre en valeur cet épisode.
A une demande de repentance est associée une exigence de réparation et d’indemnisation des victimes. Mais le dossier paraît conditionné par l’issue du traitement du contentieux de la mémoire qui relève des relations entre les Etats.
R. Hammoudi
Sud Horizons, 12 fév 2020
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