par Abdelkrim Zerzouri
Des morts demandeurs de logements ou des demandeurs de logements morts sans que leurs vœux ne soient exaucés ? Le ministre de l’Intérieur, des Collectivités locales et de l’Aménagement du territoire, Kamel Beldjoud qui a fait état, dimanche dernier, d’un chiffre énorme de demandes de logement de souscripteurs décédés, atteignant «plus de 120.000 demandes à travers le territoire national», devrait suivre ses déclarations de plus d’éclaircissements. Parce qu’en l’état, les morts ayant leurs lopins de terre ne peuvent rien solliciter de plus, et on pourrait comprendre que d’autres personnes, bien vivantes, auraient introduit des demandes en leur nom dans un cadre de trafic pour décrocher indûment des clés d’appartements. Tout est possible, bien sûr, puisque des couples mariés ont divorcé à l’approche de l’éradication du bidonville où ils résidaient pour bénéficier chacun d’un logement propre, puis revenir vivre ensemble dans un logement et vendre le second. Car en réalité le couple, lui, reste soudé, il s’agit seulement d’un stratagème pour bénéficier de deux logements au lieu d’un. C’est du vécu palpable.
Tous les trafics imaginables et invraisemblables ont été expérimentés pour bénéficier indûment d’un logement social. Pourquoi ne pas en faire bénéficier n mort ? Il y en a également, en sus du faux divorce, ceux qui se marient sans déclaration, en attendant d’entrer en possession de deux clés d’appartements, AADL, et régler ensuite leur situation sur les registres de l’état civil. D’autres ne se lassent pas d’introduire demande sur demande, peut-être par crainte qu’on oublie ou qu’on égare la première. Enfin, il y en a de toutes les histoires et toutes les ruses pour décrocher indûment logement social, souvent avec la complicité d’agents de l’administration proche ou en charge de ces dossiers.
M. Beldjoud a dans ce sens demandé aux responsables et élus locaux «d’occuper le terrain» pour s’enquérir de près de la demande de logement et de la situation de vie des citoyens en général. Pour que le logement aille vraiment à ceux qui en ont besoin, il y a lieu de procéder impérativement à un assainissement du fichier des demandeurs de logements sociaux, voire procéder à une réactualisation de tous les dossiers avec cette précision en gros et gras que tout coupable d’un faux et usage de faux sera puni d’un emprisonnement de 5 à 10 ans. Et, pourquoi pas ne pas commencer par l’exploitation et l’approfondissement des enquêtes effectuées par les offices de promotion immobilière au sujet des véritables occupants des logements, ainsi que les logements sociaux attribués et qui restent inoccupés ?!
L’Etat a consenti plus d’un million d’aides au logement rural et le problème reste presque entier, selon l’aveu du président Tebboune dans son discours à l’ouverture de la rencontre gouvernement-walis ! Le logement social, tout comme dans d’autres domaines s’inscrivant dans le capital des transferts sociaux, est devenu pour certains un moyen pour s’enrichir illicitement sur le dos du Trésor public et aux dépens des démunis qui vivent, eux, sans domicile fixe ou dans des conditions très précaires sans voir aboutir leurs demandes de logement. L’intégrité dans la gestion des affaires publiques, notamment de ce dossier sensible du logement, accouplée à de simples dispositions et une application rigoureuse de la loi peuvent rétablir la confiance perdue et avoir un impact positif sur la vie du citoyen, comme l’a souligné le ministre de l’Intérieur. Bien évidemment, la contribution d’une société civile forte dans ce dossier serait d’un apport capital.
Le Quotidien d’Oran, 18 fév 2020
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