Le hirak boucle sa première année
Demain, le mouvement populaire communément appelé hirak aura bouclé une année d’existence. Ce mouvement «unique» dans le monde de l’avis même des spécialistes, de par son caractère pacifique a pu mettre fin à une dérive autocratique et mettre le cap sur une nouvelle gouvernance en adéquation avec l’évolution de la société, sauvant l’Etat national d’un effondrement.
Par S. A. Mohamed
De par sa longévité et l’attachement à son caractère pacifique, ce mouvement, inédit depuis l’indépendance de l’Algérie, s’érige, à l’instar de la guerre de Libération nationale, en modèle de référence dans le monde. Il aspire à donner un nouveau statut à la notion de citoyenneté, impliqué dans la gestion des affaires publiques et déterminé à prendre son destin en main.
Le 22 février 2019, des dizaines de milliers de citoyens, toutes tranches d’âges et catégories professionnelles confondues, manifestent dans toutes les villes du pays pour s’opposer au projet du 5ème mandat du président Abdelaziz Bouteflika, dénoncer la corruption menaçant les fondements de l’Etat et réclamer un changement radical de la gouvernance. Sous la pression du hirak, l’élection présidentielle qui devait se tenir le 18 avril, est reportée.
Après la démission de Bouteflika, le 2 avril, une deuxième date, le 4 juillet, est fixée, mais le scrutin n’a pas lieu, faute de candidats. Suite à ces deux reports, le chef de l’Etat par intérim, Abdelkader Bensalah, convoque le corps électoral pour l’élection présidentielle devant se tenir le 12 décembre. Le Parlement adopte deux projets de loi pour encadrer cette consultation : le premier relatif à la création d’une Autorité indépendante permanente chargée des élections et le second amendant la loi organique relative au régime électoral.
Le commandement de l’Armée nationale populaire (ANP) assure qu’il accompagnera l’élan populaire pacifique et veillera à réunir les conditions de la présidentielle, affirmant que cette élection constitue l’option «la plus sûre et la moins coûteuse» pour le pays. Le commandement de l’ANP apporte également son soutien à la justice dans la lutte contre la corruption.
De hauts responsables politiques, dont deux anciens Premiers ministres – une première depuis l’indépendance du pays – et des hommes d’affaires sont jugés et condamnés, notamment pour des faits d’abus de fonction, indus privilèges, corruption et blanchiment d’argent. Elu le 12 décembre à la présidence de la République, Abdelmadjid Tebboune proclame, lors de sa première prise de parole, «tendre la main» au hirak, rappelant l’avoir, à maintes reprises, qualifié de «béni».
Le nouveau chef de l’Etat appelle, dans ce sens, à un «dialogue sérieux au service de l’Algérie» pour construire la «nouvelle République». Au cours de sa participation au Sommet de l’Union africaine, tenu le 9 février à Addis Abeba, le président Tebboune avait tenu à rendre hommage au hirak, en soulignant qu’il constitue une «énergie salvatrice» pour l’Algérie, «résolument décidée à changer son système de gouvernance et à construire un Etat garantissant la justice sociale et la suprématie de la loi».
Lors de la présentation du Plan d’action du gouvernement à l’Assemblée populaire nationale, le Premier ministre, Abdelaziz Djerad, a brossé un tableau sans complaisance du mode de gouvernance ayant prévalu ces dernières années, dénonçant «une gestion catastrophique de l’Etat ainsi que des pratiques autoritaires ayant mené au pillage et à la dilapidation des richesses du pays et à la destruction systématique de ses institutions et de son économie dans le but à accaparer ses biens».
Le ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement, Amar Belhimer, a, de son côté, exprimé mardi son soutien à l’appel du hirak à consacrer le 22 février comme journée nationale. Des observateurs voient dans le maintien de la mobilisation populaire un gage que le processus de changement ne déviera pas de son objectif.
Les Débats, 20 fév 2020
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