Maroc : Le professeur Jean-Pierre, engagé par la DGED pour écrire un article

Jean-Pierre Massias est professeur de droit public à l’Université de Pau et des pays de l’Adour, doyen honoraire de la faculté de droit, spécialiste des transitions démocratiques et de la justice transitionnelle, professeur de droit public. Il est aussi spécialiste du processus de paix au Pays Basque sur lequel il a écrit trois livres :

-Faire la paix au Pays Basque, 2011

-Victimes et poseurs de bombes : un dialogue basque, 2013

-Sur la route… de la société civile dans la construction de la paix au Pays Basque, 2017

En juin 2011, il a été contacté par Abdelmalek Alaoui pour la rédaction d’un article qui encense le pouvoir marocain. Il répond en demandant pour le prix. Voici le texte de son mail :

En fait il faudrait que je voie si la Montagne me la prend… mais il faut que je leur parle today

De : karim karimi [mailto:karim.karimi15@gmail.com]
Envoyé : mardi 21 juin 2011 10:03
À : Abdelmalek Alaoui
Objet : Re: URGENT/tribune massias

Salut,

J’en ai encore parlé à nos amis outre-méditerranéen, hier. Ils me semblent encore évasifs. Ils m’ont promis qu’ils allaient la diffuser. Mais je ne crois que ce que je vois, comme Saint Thomas.

As-tu une autre possibilité ? auquel cas, on envoie nos amis paître !

Amitiés

Le 21 juin 2011 10:53, Abdelmalek Alaoui <a.alaoui@global-intel.com> a écrit :

Tu as une réponse pour la tribune de Massias? CF message ci dessous

—–Message d’origine—–
De : Jean-Pierre Massias [mailto:jean-pierre.massias@univ-pau.fr]
Envoyé : mardi 21 juin 2011 09:48
À : Abdelmalek Alaoui
Objet :

Cher Abdelmalek,
je reviens vers vous à propos de la tribune pour en connaitre les
perspectives de publications et pour la suite (forme du paiement,
perspective de colloque ou d’ouvrage sur la nouvelle constitution).
Dites moi vos préférences et vos disponibilités
bien à vous
jean-pierre

Le 25 novembre 2011 il participe en tant qu’observateur aux élections législatives. Trois jours plus, il en parle dans un article publié sur Le Nouvel Obs intitulé « Maroc : des élections synonymes de reconstruction démocratique ».

Maroc : des élections synonymes de reconstruction démocratique

LE PLUS. Les islamistes modérés du Parti justice et développement (PJD) ont remporté les législatives du 25 novembre au Maroc avec 107 sièges sur 395. Jean-Pierre Massias, observateur international, a constaté sur place les motivations des électeurs.

Les élections législatives au Maroc ont donc rendu leur verdict : à l’issue du vote, où plus de 45% des électeurs se sont rendus aux urnes, c’est le Parti de la Justice et du Développement (PJD, islamiste modéré) qui arrive largement en tête et au sein duquel, du fait des dispositions de la nouvelle constitution, sera choisi par le roi le nouveau chef de l’exécutif.

Toutefois, au delà de ce constat, une réalité bien plus complexe s’impose. En effet, observer de l’intérieur le processus électoral permet également, par la plongée dans le quotidien politique que suppose cet exercice, de compléter ses connaissances et de partager, au fil des conversations et des rencontres, un certain nombre de réalités souvent négligées.

Ainsi, ce jour de vote, pour l’observateur international que j’étais, c’est une réalité plus originale de la démocratisation marocaine qui s’est parfois fait jour et qui mérite d’être prise en compte.

Cette originalité s’exprime d’abord par ses contradictions.

Avant ces élections, le risque était d’abord celui de l’abstention et donc de l’indifférence populaire. Celle-ci aurait été d’autant plus délicate qu’elle aurait été immanquablement mise en perspective avec la participation massive lors des législatives tunisiennes organisées quelques semaines auparavant. Ce risque était d’autant plus réel que le scrutin de 2007 avait été marqué par une abstention record.

A cet égard, les 45 % de participation ont été considérés positivement par les observateurs. Témoignant d’une progression sensible au regard de 2007, ce rebond électoral témoigne que de nombreux électeurs en dépit des appels au boycott ont compris l’échéance de novembre pour ce qu’elle était, c’est-à-dire l’amorce d’une reconstruction du processus démocratique après l’adoption de la nouvelle constitution de juillet dernier.

Ce sentiment a d’ailleurs été maintes fois exprimé autour des bureaux de vote par de nombreux électeurs. « Pourquoi voter ? Les parlementaires n’ont pas de pouvoirs et les partis ne tiennent aucune de leurs promesses. Avec eux rien ne change… »

Ces paroles d’électeurs anonymes sont d’ailleurs très significatives de la réelle portée de cette participation encore timide : celle-ci, bien plus que la volonté de démocratisation, conteste directement la crédibilité des partis politiques et de l’institution parlementaire dont l’image bien peu flatteuse au sein de la société marocaine explique véritablement la portée de cet abstentionnisme.

A cet égard, l’originalité du processus transitionnel marocain tient aussi de ces paradoxes.

En effet, au-delà de ces difficultés, c’est bien la réalité humaine du processus démocratique qui s’est imposée aux témoins de ces élections. Au-delà des interrogations sur les « pressions » présumées subies par les partisans du boycott, aucune malversation n’est apparue lors du scrutin.

Dans l’ensemble des bureaux de vote, les personnes responsables faisaient preuve d’une grande implication et de réelles compétences. Les membres, souvent jeunes, des formations politiques présentes s’impliquaient pleinement dans leur fonctions. Si des cafouillages purent avoir lieu, ces difficultés – qui réduisirent la participation effective contre les intérêts du gouvernement organisateur – ne furent pas de nature à remettre en cause la sincérité d’un processus électoral où, – il convient de le rappeler –, la formation victorieuse ne soutenait pas le gouvernement en place avant les élections.

Si le processus électoral a pu parfois pêcher, c’est bien plus par son organisation et sa complexité (plus de trente formations en lice sur le même bulletin de vote comportant deux scrutin), que par manque de sincérité.

Désormais, c’est une nouvelle étape qui s’ouvre et qui sera capitale pour la construction démocratique au Maroc. Tous les acteurs vont donc se trouver impliqués dans un processus où chacun devra pleinement assumer ses responsabilités dans le double contexte des révolutions arabes et de la récente reforme constitutionnelle.

C’est dire l’importance de la période qui s’ouvre. Pour mener à bien leur tâche, les acteurs politiques devront sans doute garder à l’esprit cette réflexion d’un électeur – pourtant critique – qui confiait que, même si on citait toujours en exemple l’Espagne ou le Portugal, « il n’y avait aucune raison que le Maroc n’accède pas lui aussi un jour à ce niveau démocratique… »

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