« Un peu de rigueur, de civisme et d’humanisme dans la gestion et le traitement des patients humaniserait nos hôpitaux et centres de soins, tout en les rendant autrement plus efficaces. La guérison et les soins résident aussi dans le mental ».
Par Mohamed Abdoun
« Il est temps de compter sur les capacités nationales en vue de relancer le secteur de la santé. » Cette phrase, déjà lourde de sens et de puissance, prend un poids particulièrement fort, carrément incommensurable, lorsque l’on ajoute qu’elle a été prononcée par le Premier ministre lui-même, Abdelaziz Djerad en l’occurrence.
Elle sous-entend, en filigrane, que notre secteur de la santé est défaillant. Certes, n’importe quel citoyen lambda, qui a eu à faire un tour un jour ou l’autre dans l’un de nos hôpitaux ou dispensaires, le sait mieux que personne. S’en rend douloureusement compte, et à sa corps défendant.
Mais, lorsque cet aveu vient d’un si haut responsable, il prend automatiquement un tout autre sens. Preuve en est que l’ensemble des ministres de la Santés qui se sont succédés à ce poste depuis des dizaines d’années se sont évertués à nous convaincre que nous avions l’un des meilleurs système de santé du monde. Ils le faisaient, sans ironie, sans rire sous cape, mais sans oublier surtout de se soigner, eux et leurs proches et amis, en occident.
Mais, depuis le déclenchement de cette épidémie de coronavirus, il est devenu clair que cet échappatoire leur était désormais interdit. Tous logés à la même enseigne. Il est donc temps de « compter sur les capacités nationales en vue de relancer le secteur de la santé ». Celui-ci ne souffre pas tant du manque de moyen que d’une mauvaise gestion et un laisser-aller pratiquement installé dans les gènes du personnel de ce secteur. Par exemple, on fait tomber en panne exprès des appareillages coûteux rien que pour ne pas travailler, en se souciant bien peu de la santé des malades qui en ont impérieusement besoin.
On peut aussi mentir, en déclarant que telle ou telle machine n’est pas opérationnelle, mais qui est quand même mise à la disposition des copains et des gens recommandés. Dans la même veine, au lieu de mettre à profit l’argent alloué par l’Etat et par la CNAS pour améliorer les conditions d’accueil et d’hébergement des malades, on préfère se doter de véhicules de services flambants neufs, multiplier les missions à l’étranger, les séminaires et autres artifices qui ne servent absolument pas la santé publique.
Plus bas dans l’échelle sociale, on n’hésite pas à détourner médicaments et nourritures, ne laissant aux malades que les miettes, ainsi que leurs yeux pour pleurer. Là encore, donc, une thérapie de choc est requise si on veut vraiment que les choses changent, dans le bon sens s’entend. Cela est d’autant plus urgent, que même sur le plan de la formation, les médecins formés aujourd’hui, victimes de l’école algérienne, ne sont franchement pas dotés des compétences -techniques et psychologiques- requises.
J’en ai moi même fait la triste expérience à maintes reprises. Un peu de rigueur, de civisme et d’humanisme dans la gestion et le traitement des patients humaniserait nos hôpitaux et centres de soins, tout en les rendant autrement plus efficaces. La guérison et les soins réside aussi dans le mental. Beaucoup de malades hospitalisés sont » achevés » dans nos hôpitaux-mouroirs. Là encore, j’en garde de tristes et inoubliables expériences. Conclusion, « il est temps de compter sur les capacités nationales en vue de relancer le secteur de la santé ».
M. A.
La Tribune des lecteurs, 18 mars 2020
Tags : Algérie, coronavirus, santé, équipements, hôpitaux,
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