Par Guy Marius Sagna
Il raconte dans un de ses carnets qu’une dame a dit au responsable de son bureau de vote « (…) qu’elle désirait voter pour le garçon qui avait fait de la prison ». Elle ne connaissait ni le nom du garçon ni celui de son organisation. Il y a 26 ans aujourd’hui, jour pour jour, celui qui raconte cette histoire, Mandela, était élu président d’Afrique du sud.
L’autre, à la question de savoir s’il fera un 3e mandat, répond « ni oui ni non ». Mandela continue : « Mon accession au poste de premier président élu démocratiquement de la République d’Afrique du Sud s’est faite plus ou moins contre mon gré (…) j’ai dit (…) que je préférais servir mon pays sans occuper de position dans l’organisation ou au gouvernement. Cependant (…) j’ai accepté. Néanmoins, j’ai exprimé clairement que je ne ferais qu’un mandat. J’ai déclaré que je n’effectuerais qu’un mandat et que je ne chercherais pas à me faire réélire. ».
Mandela a tenu parole en ne faisant qu’un mandat. L’autre, pour le référendum, pour le mandat de 5 ans, pour la nomination par décret de son frère, pour « la gestion sobre et vertueuse », pour « la patrie avant le parti »…ne fait que dans l’irrespect de la parole donnée. Et pourtant, dans une Afrique du sud post-apartheid, aux défis et enjeux complexes tout aurait pu expliquer plusieurs mandats de Mandela.
C’est dire qu’il y a des africains dignes et des africains pour qui la parole donnée est une écriture sur du sable. Mais encore, nous, africain.e.s, devons arrêter de nous auto-flageller parfois inutilement avec des propos du genre « nitt ku ñuul dafa bëgg ngur ». Mandela était noir. Cheikh Anta Diop a refusé de siéger à l’assemblée nationale pour protester contre des fraudes électorales massives. Dialo Diop a refusé la prolongation de son mandat de conseiller municipal de la ville de Dakar. Madièye Mbodj a refusé de siéger dans un cabinet ministériel et une enveloppe de 1 million par mois de Macky Sall…Et ils sont tous noirs. Ñuule dañoo bari te wuute.
Et vous permettrez ceci. Cela doit nous faire prendre conscience d’une chose : «Tous les noirs ne sont pas nos frères et tous les blancs ne sont pas nos ennemis. ». Macky Sall, Eyadéma, Bongo, Kaboré et leur clique ne sont pas nos frères. Ils sont les frères des Macron, des Trump, des Boris Jonhson…Ils constituent le cartel des oppresseurs. Qui sont nos frères ? Tous les opprimés africains et tous les opprimés des autres continents. Tous opprimés par le même système néocolonial, capitaliste.
Quand on regarde nos élu.e.s du Caire au Cap, de Dakar à Mogadiscio, chaque africain.e peut reprendre à son compte ce propos que l’on retrouve dans La Peste de Camus : « Je vis comme je peux dans ce pays malheureux, riche de son peuple et de sa jeunesse, provisoirement pauvre dans ses élites».
Barghouti, prisonnier politique palestinien condamné par un tribunal sioniste et emprisonné depuis 18 ans, a écrit à Mandela de sa prison. Il lui dit : l’Apartheid n’a pas survécu en Afrique du sud et l’apartheid ne survivra pas en Palestine. ».
Aujourd’hui, il est clair comme de l’eau de roche que le néocolonialisme ça ne marche pas. Ça ne marche pas pour notre santé. Ça ne marche pas pour notre économie. Ça ne marche pas pour notre alimentation. Ça ne marche pas pour notre éducation. Ça ne marche pas pour notre environnement. Ça ne marche pas pour notre monnaie. Ça ne marche pas pour nos valeurs africaines. Ça ne marche pas pour nos langues.
En ce jour de Mandela écrivons-lui ceci : l’apartheid n’a pas survécu en Afrique du sud et le néocolonialisme ne survivra pas en Afrique.
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