TELQUEL 26 Novembre au 2 Dècembre 2011
De lâassassinat de Hicham Mandari à la cabale montée contre Khalid Oudghiri, en passant par lâincendie du bâtiment de la DST, la démission surprise de Fouad Ali El Himma ou, plus près de nous, le crash du C130 militaire, TelQuel répertorie et jette une nouvelle lumière sur les âaffairesâ les plus emblématiques, et sans doute les plus mystérieuses, de lâère Mohammed VI
La suppression de la liberté de conscience (du texte de la nouvelle Constitution)
LES FAITS. Dans une version de la Constitution, présentée aux partis politiques en juin dernier, la notion de âliberté de conscienceâ est inscrite noir sur blanc. Mais une fois que le projet de la loi fondamentale est rendu public (avant son adoption par référendum), cette liberté individuelle a été tout bonnement supprimée. Entre-temps, le secrétaire général du PJD, Abdelilah Benkirane, avait menacé de voter NON à la future Constitution si elle introduisait des nouveautés ayant des âconséquences néfastes sur lâidentité islamique du Marocâ.
LA VERSION OFFICIELLE. Le PJD nie toujours avoir fait pression directement sur la Commission chargée de la révision de la Constitution, présidée par Abdeltif Menouni. Plusieurs cadres du parti islamiste ont par ailleurs affirmé que la Commission était elle-même divisée sur cette question. Sous-entendant ne pas être liberticide, le PJD a argué que dans tous les cas, la référence
à la liberté de conscience était formulée de manière restrictive. Il était écrit quâelle devait sâexercer dans le cadre de la loi et sans porter atteinte à lâordre public.
LES ZONES DâOMBRE. Certains observateurs ont accusé le PJD dâavoir orchestré sa levée de boucliers en accord avec le Palais. Ils avancent comme éléments à charge que lâinscription de la liberté de conscience d a n s l a n o u v e l l e Constitution aurait effrité le pilier de lâislam sur lequel sâappuie la monarchie. Le retrait de la liberté de conscience permet aussi à Mohammed VI de garder entier son pouvoir religieux de Commandeur des croyants. Le flou autour du vote de la Commission Menouni a aussi jeté un doute sur le désir réel du Pouvoir de voir inscrire dans la loi fondamentale du royaume cette pierre angulaire des libertés individuelles. Le jour de lâexamen de ce point, neuf membres de la Commission auraient voté pour lâinscription de la liberté de conscience dans le nouveau texte et neuf autres contre. Aucune majorité ne sâest dégagée du fait de lâabsence inexplicable dâun 19ème membre. Et lâarbitrage aurait finalement eu lieu derrière les impénétrables murailles du Palais.
L’assassinat de Hicham Mandari
LES FAITS. Lâhomme, qui se présentait comme âconseiller spécial de Hassan IIâ, est exécuté dâune balle dans la nuque, le 4 août 1999, dans le parking souterrain dâun complexe résidentiel près de Malaga. Au moment de sa mort, Hicham Mandari menaçait la monarchie de révélations fracassantes sur la fortune du roi défunt. Il était également mis en examen pour plusieurs affaires dans un trafic de faux dinars bahreïnis, dâun montant de 350 millions dâeuros.
LA VERSION OFFICIELLE. On soupçonne, dans un premier temps, un certain Hamid Boubadi dâêtre le meurtrier. Boubadi est suspecté dâavoir tendu un piège à Mandari à Malaga, en lui faisant miroiter une affaire de diamants, avant de lâassassiner pour une dette non remboursée. Les soupçons reposent sur une vidéo de caméra de surveillance à lâaéroport de Malaga qui montre le présumé meurtrier en compagnie de Mandari, quelques heures avant lâassassinat. Hamid Boubadi est aujourdâhui lavé de tout soupçon.
LES ZONES DâOMBRE. Ayant fui le pays en 1998 après avoir dérobé des chèques dans le coffre-fort de Hassan II, Hicham Mandari a toujours affirmé posséder des documents sur la fortune du roi défunt et menaçait de dévoiler beaucoup de secrets de la cour. Il soutenait aussi être le fils de Hassan II et de sa favorite au sein du harem. Familier du sérail, il était le protégé de Mohamed Médiouri, lâancien patron de la sécurité royale. De quoi donner du crédit à ses menaces. Se présentant comme lâennemi numéro 1 des Alaouites, Hicham Mandari a endossé un habit de circonstance dâopposant au régime, comme la création du Comité national des Marocains libres. Il a affirmé avoir été à deux reprises lâobjet de tentatives dâassassinat, attribuées, selon son avocat, à ses relations passées avec la famille royale. A la même époque, le nom de Hicham Mandari apparaît dans une affaire de trafic de dinars bahreïnis à lâéchelle internationale. Il a aussi trempé dans des affaires dâescroquerie et de chantage, dont la plus célèbre a été à lâencontre du banquier marocain Othman Benjelloun. Ce dernier lui avait tendu un piège, permettant à la police française de le prendre en flagrant délit alors quâil recevait une grosse somme dâargent. Une de ces nombreuses affaires impliquant Mandari dont on ne saura (peut-être) jamais le fin mot de lâhistoire.
Le bug du site elections2002.ma
LES FAITS. Le 27 septembre 2002. Câétait les premières élections sous lâère Mohammed VI. Et le roi les voulait libres et transparentes. Le département de lâIntérieur, confié à lâépoque à Driss Jettou, met alors les gros moyens : un réseau Intranet reliant plus de 300 terminaux au serveur du ministère devait permettre la collecte des résultats du scrutin en temps réel et livrer le verdict des urnes dans les 24 heures. Mais lors de la nuit électorale, un mystérieux bug informatique compromet lâopération.
LA VERSION OFFICIELLE. Pour expliquer ce couac, le ministère de lâIntérieur tergiverse. Tantôt il invoque une panne de courant due à la saturation du serveur du ministère, tantôt il souligne la mauvaise préparation des personnes censées saisir les données dans ce nouveau dispositif et qui ont finalement préféré procéder manuellement.
LES ZONES DâOMBRE. Tout se déroulait le plus normalement du monde durant les premières heures de cette nuit du 27 septembre. Au siège du ministère de lâIntérieur, les principaux leaders des formations politiques défilaient pour recueillir les dernières news et répondre aux questions de la presse. Plus tard dans la soirée, les premières fuites sur les résultats parlent dâune tendance qui se dégage: le Parti justice et développement (PJD) est en train de rafler la mise. Allaiton assister au raz-de-marée islamiste tant redouté ? La question taraudait tous les observateurs politiques. Et, curieusement, câest à ce moment tardif de la nuit que le site elections2002.ma rend lââme. Les sécuritaires du pays auraient-ils paniqué au point dâabandonner la démarche de transparence totale pour influer partiellement sur les résultats ? Sâil sâagissait dâune simple panne technique, ne pouvait-elle pas être réparée ? Certains parlent même dâune visite des hauts sécuritaires de lâépoque au back-office du ministère de lâIntérieur où étaient centralisés les résultats. Quoi quâil en soit, après deux jours de comptage manuel, le verdict est tombé : lâUSFP arrive en tête avec 50 sièges, talonné par le Parti de lâIstiqlal avec 48 sièges, mais le PJD triple ses performances par rapport à 1997 en sâadjugeant 42 fauteuils de députés. Le parti islamiste confirme dès lors son statut de force politique avec laquelle il fallait compter.
Lâincendie du bâtiment de la DST
LES FAITS. Le 29 octobre 1999, aux premières heures, un incendie se déclare dans une dépendance de lâancien siège de la Direction de la surveillance du territoire (DST) sur la Route des Zaërs, lâun des quartiers les plus surveillés de la capitale. Le local parti en fumée abri
te les archives de ce service de renseignement, retraçant le travail de la âfirmeâ depuis son époque CAB1.
LA VERSION OFFICIELLE. Une enquête a été ouverte pour élucider les circonstances de lâincendie, mais ses résultats nâont jamais été communiqués. De même que lâEtat nâa jamais communiqué sur la nature des dégâts et le volume des archives perdues lors du sinistre. Tout ce qui filtre de lâenquête est que lâincendie est dâorigine criminelle et que la matière utilisée pour le déclencher était âhautement inflammableâ.
LES ZONES DâOMBRE. Le mystère reste entier puisque le dossier est clos sans la moindre poursuite en justice. Sauf que le contexte dans lequel est intervenu cet incendie criminel a nourri les spéculations au sujet de la personne à qui profitait le crime. Quelques semaines auparavant, Mohammed VI avait confié la direction de la DST au général Hamidou Laânigri, alors que jusque-là elle était chapeautée par Driss Basri, toutpuissant ministre de lâIntérieur de lâère Hassan II. Basri est dâailleurs limogé de ce poste quâil a occupé pendant des décennies une dizaine de jours seulement après les faits. Aurait-il donc commandité cet incendie, sentant le vent tourner ? Se serait-il appuyé pour cela sur ses fidèles parmi les éléments de la DST pour éliminer les dossiers les plus compromettants de son passage à la tête de ce service de renseignement ? Ce nâest pas impossible. Dâailleurs, pendantquelques semaines, une dizaines de sécuritaires et anciens cadres de la boîte auraient été interdits de quitter le territoire. Sur la nature des dossiers perdus, les versions ne manquent pas non plus : affaires en relation avec le Palais, aux dossiers impliquant des hommes forts du royaume⦠Même le Polisario sây était mis en parlant de dossiers relatifs aux sommes dépensées par Rabat pour soudoyer les notables sahraouis et les cadres de la RASD qui ont rallié le Maroc.
La démission dâEl Himma de lâIntérieur
LES FAITS. Mardi 7 août 2007. Lâinformation tombe tel un couperet : Fouad Ali El Himma, ministre délégué (mais véritable patron) de lâIntérieur démissionne de ses fonctions. La décision prend de court tout le landerneau politique. Compagnon de classe de Mohammed VI et chef de son cabinet, El Himma a été nommé au poste en 1999. Depuis, il est devenu lâhomme fort de la âmère des ministèresâ et lâinterlocuteur incontournable de la classe politique. âDépart voulu ou forcé ? Pour quelles raisons ?…â, sâinterrogeait à lâépoque la classe politique.
LA VERSION OFFICIELLE. Câest l’agence officielle MAP qui met fin aux spéculations au sujet du retrait dâEl Himma : âLe souverain a donné sa haute bénédiction à la demande de M. Fouad Ali El Himma de voir mettre fin à ses fonctions de ministre délégué à l’Intérieur et a bien voulu accéder à son souhait de se présenter aux prochaines élections législativesâ. Par la suite, El Himma multiplie les sorties médiatiques pour rassurer les acteurs politiques, qui ne voyaient pas dâun bon oeil cette intrusion. âMa démarche ne répond à aucun agenda politiqueâ, répétait-il.
LES ZONES DâOMBRE. Au départ, on le disait en disgrâce. Mais, très vite, on va se rendre compte quâEl Himma nâa rien perdu de son influence. Pour sa première séance parlementaire à lâouverture de lâannée législative, le député de Rhamna quitte lâhémicycle à bord du cabriolet royal conduit par⦠Mohammed VI lui-même. Avant même de constituer son parti, il ne trouve aucun mal à constituer un groupe parlementaire et prendre la tête dâune commission stratégique de lâhémicycle. Plus tard, ce sera la création du Parti authenticité et modernité (PAM), qui devient rapidement la première force politique du royaume : carton plein aux communales de 2009 avec six présidences de région (sur 16) et le perchoir de la Chambre des conseillers. Créer une formation politique capable de prendre le pouvoir était-il prévu avant même la démission dâEl Himma ? Le scénario a-t-il été approuvé par Mohammed VI lui-même ? Quoi quâil en soit, avec le Printemps arabe, le plan (sâil y en a un) a quelque part capoté. Le PAM devient la cible des manifestants du M20 qui demandent la tête dâEl Himma. Mais lâingénieur en chef des premières échéances électorales de Mohammed VI (2002 et 2003) a plus dâun tour dans son chapeau. Nombreux sont les observateurs qui voient sa main secrète derrière les grandes manoeuvres préélectorales à la veille des législatives.
Le retrait du projet de Loi de Finances 2012
LES FAITS. Quelques minutes après son dépôt au parlement, le projet de Loi de Finances est retiré en catastrophe par le Secrétariat général du gouvernement dans la nuit du 21 septembre 2011. Conséquence : le grand oral de lâargentier du royaume devant les élus de la nation, prévu pour le lendemain, est reporté sine die. Les parlementaires sont prévenus tard dans la nuit, par sms, de ce cafouillage.
LA VERSION OFFICIELLE. Dans ce genre dâaffaires, câest au porte-parole du gouvernement de sây coller. Khalid Naciri déclare alors que âla décision (de retirer la Loi de Finances) est justifiée par lâagenda chargé des deux chambres qui planchent toujours sur les lois électoralesâ. Pour lâopposition, cet argument ne tient pas la route.
ZONES DâOMBRE. Les membres du gouvernement se seraient-ils soudainement aperçus que lâagenda du parlement était surbooké ? Cela leur a-t-il complètement échappé lors du Conseil des ministres qui a validé la mouture de la Loi de Finances ? Et puis, dans lâhémicycle, la commission de législation qui traite des lois électorales nâest-elle pas complètement séparée de la commission des finances qui planche sur le projet de budget ? Difficile donc de donner du crédit à la version du gouvernement selon laquelle on nâa pas voulu encombrer les parlementaires. Une thèse plus cohérente apparaîtra avec le dépôt de la version âremaniéeâ du projet de Loi de Finances. Entre la première mouture et la dernière, des mesures ont tout bonnement sauté. Le très attendu fonds de solidarité sociale, présenté au départ comme lâinnovation majeure du budget 2012, a ainsi été supprimé. Ce mécanisme de redistribution de richesses devait être financé à hauteur de 2 milliards de dirhams par une contribution des banques, des assurances, des organismes de crédit et des opérateurs télécoms. Le lobby de la bancassurance et des opérateurs télécoms aurait-il fait plier le gouvernement ? Abbas El Fassi lui-même va lâadmettre devant les membres du comité exécutif de son parti. âJe nâétais pas au courant du retrait du texte de Loi de Finances du parlementâ, leur a confié le chef des Istiqlaliens, qui a évoqué un fort lobby qui a su plaider sa cause en haut lieu. Comment cela sâest-il passé concrètement ? On ne le saura peut-être jamais.
Lâexistence dâune prison secrète à Témara
LES FAITS. Depuis 2001, plusieurs associations marocaines et internationales de défense des droits de lâhomme dénoncent lâexistence, au siège de la DST à Témara, dâune prison secrète. Plusieurs détenus salafistes affirment y avoir été torturés pendant plusieurs semaines en dehors de tout contrôle judiciaire. Selon les rapports dâorganisations internationales, ce centre de détention aurait également accueilli des pensionnaires étrangers, poursuivis pour terrorisme international.
LA VERSION OFFICIELLE. Devenu une des cibles préférées des manifestants du Mouvement du 20 février qui avaient même tenté de sây rendre, le centre de Témara a exceptionnellement ouvert ses portes, le mercredi 18 mai 2011, à des magistrats, des parlementaires et aux dirigeants du Conseil national des droits de lâhomme (CNDH). Résultat : tous ont affirmé nâavoir const
até lâexistence dâaucune prison secrète. âLe bâtiment de Témara accueille le siège administratif de la DGSTâ, ont-ils conclu.
LES ZONES DâOMBRE. Après leur visite à Témara, le président et le secrétaire général du CNDH (tous deux dâanciens militants des droits humains) ont tenu à nuancer que, durant leur visite, ils nâont relevé âaucun indice laissant supposer que ce lieu est réservé à une quelconque détention illégaleâ. La précision est de taille. Le communiqué rédigé par Driss El Yazami et Mohamed Sebbar pourrait laisser croire quâune telle prison a effectivement existé par le passé. âCâest possible, mais je vous mets au défi de me sortir un cas de détention secrète à Témara depuis lâinstallation du CNDHâ, nous avait déclaré le SG du CNDH. Le Maroc semble ainsi avoir tourné la page sans prendre la peine de la lire et de déterminer les responsabilités de chacun dans les exactions qui ont pu être commises au centre de Témara. Pourtant, ce centre revient souvent dans des affaires judiciaires aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne où dâanciens détenus de Guantanamo affirment avoir été torturés au Maroc.
Le putsch de Mezouar à la tête du RNI
LES FAITS. Le 23 janvier 2010, le ministre de lâEconomie est couronné chef du RNI à la suite dâun véritable plébiscite. Le président sortant, Mustapha Mansouri, est quant à lui désavoué par une écrasante majorité des membres du parti des Bleus. Ce vote à double tranchant est lâépilogue dâune bataille rangée qui oppose Mezouar et Mansouri depuis octobre 2009. Le premier est à la tête dâune armée de réformateurs alors que le second compte sur les doigts dâune main les caciques du parti qui le soutiennent encore.
LA VERSION OFFICIELLE. Salaheddine Mezouar a justifié sa fronde par le désir de moderniser le RNI, accusant son président de mauvaise gestion et dâavoir sclérosé le parti en étant trop dirigiste. Mezouar a affirmé vouloir faire souffler le vent du renouveau en faisant de la âpolitique autrementâ, un slogan des spécialistes de la comâ quâil a engagés pour moderniser lâimage du parti. Il veut ouvrir sa formation aux jeunes, aux femmes et aux élites avec pour objectif dâatteindre les 200 000 adhérents.
LES ZONES DâOMBRE. Fouad Ali El Himma est-il derrière lâaccession de Mezouar à la tête du RNI ? La question sâest posée très vite après lâintronisation du ministre de lâEconomie. Car Mezouar, dès sa prise de pouvoir, a évoqué une alliance possible avec le PAM, alors que son prédécesseur fustigeait ce parti, affirmant quâil âramène le Maroc en arrière, aux années de plombâ. Mezouar sâest dâailleurs appuyé, pour prendre le pouvoir au RNI, sur un groupe de réformateurs ayant un pied dans le parti des Bleus et lâautre au sein du Mouvement pour tous les démocrates (MTD), la matrice du PAM. Lâalliance du G8, qui a réuni récemment le RNI et le PAM dans un front anti-PJD, nâa fait que confirmer les inquiétudes des observateurs de la chose publique.
La bipolarisation du champ politique prônée par Mezouar servirait un autre dessein. Pressenti comme futur Premier ministre à lâissue des législatives, Mezouar serait-il le Cheval de Troie du parti dâEl Himma ?
Le décès de Moul Sebbat
LES FAITS. Abdelhak Bentassir, alias âMoul Sebbatâ, décède après son arrestation au lendemain du 16 mai 2003. Ce fabricant de chaussures (ce qui lui vaut son surnom) a été présenté comme la tête pensante des attentats terroristes qui avaient secoué Casablanca. Moul Sebbat aurait été lâémir de la cellule kamikaze qui est passée à lâacte et aurait lui-même désignés les endroits ciblés.
LA VERSION OFFICIELLE. Moul Sebbat serait mort, lors de son transfert à lâhôpital, des suites dâun malaise cardiaque, mais aussi de problèmes au foie survenus alors quâil était entre les mains de la police. Le Parquet de Casablanca, chargé de lâaffaire, affirme quâune autopsie menée par quatre légistes a conclu au décès dâune malaise cardiaque de Moul Sebbat, le 26 mai, soit un jour seulement après son arrestation.
LES ZONES DâOMBRE. Dâabord Abdelhak Bentassir est arrêté le 21 et non le 25 mai. Il aurait été interpellé près de son domicile par une petite armée de policiers en civil. Et puis, à en croire sa famille, la victime, père de deux enfants, était un sportif qui nâavait aucun souci de santé et ne prenait aucun médicament. Toujours selon ses proches, qui ont eu lâautorisation dâidentifier son corps à la morgue de Casablanca, la dépouille de Abdelhak Bentassir était méconnaissable vu les marques de torture quâelle portait. Pourtant, les requêtes présentées par des ONG pour demander une contre-autopsie et une contre-enquête judiciaire sont restées lettre morte. Enfin, lors du procès des kamikazes de réserve, il nâa jamais été question des procès-verbaux des interrogatoires de Moul Sebbat. Le contenu des livres et documents saisis chez lui nâa jamais été révélé non plus. Les secrets de Moul Sebbat (sâil en détenait vraiment), il les a emportés dans sa tombe.
Le crash du C130 militaire
LES FAITS. Un avion militaire marocain sâécrase près de Guelmim dans la matinée du 26 juillet 2011. Le C130 effectuait un vol de routine reliant Dakhla à Kénitra, avec des escales à Laâyoune, Guelmim et Agadir. 81 personnes, civiles et militaires, étaient à bord. Aucune nâa survécu. Trois jours de deuil national ont été décrétés suite à ce qui reste comme lâune des catastrophes aériennes les plus meurtrières dans lâhistoire du pays.
LA VERSION OFFICIELLE. La boîte noire de lâappareil a bien été récupérée par les enquêteurs. Ces derniers ont également procédé à lâaudition des responsables de la tour de contrôle de lâaéroport de Guelmim, mais rien nâa filtré concernant les détails de lâaccident. Officiellement, le drame est attribué aux mauvaises conditions étéorologiques dans la région.
LES ZONES DâOMBRE. Vu quâil sâagit dâune investigation militaire, il y a très peu de chances que les FAR communiquent, un jour, sur les résultats officiels de lâenquête. Cela aurait pourtant aidé à résoudre plusieurs énigmes liées à cette catastrophe aérienne. La première a trait à la nature même de lâappareil. Le C130 a en effet la réputation dâêtre quasi indestructible. Capable de se poser sur tous les terrains (même les plus accidentés), il est doté de radars assez sophistiqués qui lui permettent de se poser ou de décoller en toutes circonstances. Câest, ensuite, un vol assez routinier quâeffectuent plusieurs fois par semaine les pilotes de lâarmée de lâair marocaine. Ils connaissent donc très bien la région et sont habitués au brouillard épais qui enveloppe, tous les matins, cette partie de la côte atlantique sud. Quâest-ce qui a donc fait défaut cette fois ? Comment expliquer le crash du C130, à quelques kilomètres seulement de lâaéroport de Guelmim ? Est-ce vrai que la flotte aérienne militaire souffrirait dâune négligence au niveau de la maintenance ? On nâen saura jamais rien. Sauf que quelques semaines après le crash, de hauts gradés de lâarmée de lâair auraient été mis à la retraite. Est-ce lié aux premiers résultats de lâenquête ?
Les morts dâAl Hoceïma
LES FAITS. Le 20 février 2011, câétait la toute première marche organisée par le M20. A lâissue des rassemblements qui ont réuni des milliers de personnes dans plusieurs grandes villes du royaume, des actes de vandalisme sont signalés. Mais à Al Hoceïma, câest encore plus grave. Dès le début de soirée, on évoque la découverte dâun cadavre calciné dans une agence bancaire incendiée. Le lendemain, le nombre de cadavres est finalement de cinq : des jeunes âgés de 17 Ã
25 ans que rien ne rassemble. A priori, ils ne se connaissaient pas, nâavaient pas dâantécédents judiciaires et venaient de différents quartiers.
LA VERSION OFFICIELLE. Le Parquet de la Cour dâappel dâAl Hoceïma parle dâun incendie provoqué par des casseurs au moment où les cinq jeunes hommes sâétaient introduits à lâintérieur de lâagence bancaire avec lâintention de la piller. Deux autopsies, ordonnées par la justice, sont là pour appuyer les dires du Parquet et attester que les cinq dépouilles ne portaient pas de traces de violences ou de torture.
LES ZONES DâOMBRE. Les familles et des membres du M20 à Al Hoceïma émettent des doutes sur les conditions réelles du décès des cinq jeunes hommes. Certains affirment les avoir vus, pourchassés dans la rue ou dans le commissariat de police, en début de soirée. Soit bien après le déclenchement du premier incendie vers 19 h. Les familles des victimes soutiennent ainsi que leurs proches seraient tombés sous la torture puis emmenés dans cette agence bancaire, où un incendie aurait été provoqué pour maquiller le tout⦠Pour ne rien arranger, le procureur de la ville a toujours refusé de permettre aux familles dâaccéder au contenu des enregistrements des caméras de surveillance de lâagence bancaire et ceux de trois autres agences qui se trouvent sur la même avenue Mohammed V. Dâailleurs, trois jours après le drame, lâagence fait peau neuve, ne permettant plus aucune contre-expertise sur le départ dâincendie. Et dix mois après les faits, lâenquête est au point mort.
Le procès des âsatanistesâ
LES FAITS. Le 16 février 2003, une chasse aux sorcières ubuesque prend place à Casablanca. Quatorze musiciens, âgés de 22 à 35 ans, sont accusés de satanisme par les autorités. Les âpièces à convictionâ saisies lors des différentes perquisitions aux domiciles des prévenus sont dâune légèreté accablante pour le Parquet : des Tshirts noirs, un recueil de poésie, des
cendriers en forme de crâne⦠En gros, lâunique âtortâ de ces musiciens est dâaimer jouer du hardrock et du metal.
LA VERSION OFFICIELLE. âAtteinte à la religion musulmaneâ, âdégradation des moeurs, incitation à la débauche et actes attentatoires à la religion musulmaneâ sont les chefs dâinculpation mis en avant par le juge. Au bûcher dressé par le tribunal de Casablanca, le 6 mars 2003, les 14 musiciens sont condamnés à des peines allant dâun mois à un an fermes. Néanmoins, une immense mobilisation menée par un collectif de soutien a permis de libérer les 14 musiciens quelques jours seulement après le verdict.
LES ZONES DâOMBRE. Aujourdâhui encore, personne ne sait exactement ce qui a poussé à une telle bavure judiciaire, ni qui a donné lâordre de giboyer des innocents. Les théories vont bon train : pour certains, câest un malheureux excès de zèle de la part des policiers, qui ont profité dâun déplacement du roi pour faire ce quâils voulaient. Pour dâautres, câétait, au contraire, une manière de faire montre de la clémence de Mohammed VI, qui a repris les choses en main à son retour. Dâautres encore parlent dâune princesse qui aurait vécu en face du café où les métalleux avaient pour habitude de se réunir et qui se serait plainte du bruit… Ce qui est sûr, câest que lâaffaire des 14, comme on lâappelle aujourdâhui, a souffert énormément de la mauvaise foi et de lâignorance des autorités. âAash dakom lâshi hard rogen ?â, avait demandé un policier aux accusés lors des interrogatoires. Au procès, parmi les questions posées aux musiciens par le juge, on retient celle dont on rit aujourdâhui : âPourquoi nâécoutez-vous pas Fatna Bent Lhoucine ?â.
Le meurtre du garde du corps du roi
LES FAITS. Abdellah Salim Saïdi, garde du corps de Mohammed VI, est attaqué chez lui en plein centre de Rabat, à deux pas de la préfecture de police de la capitale. Dans cette nuit du 8 au 9 juillet 2011, les voisins entendent des coups de feu, mais personne ne pouvait deviner que câétait
un man in black du roi qui était au tapis. Transféré à lâhôpital, Saïdi décède le 12 juillet à lââge de 47 ans.
LA VERSION OFFICIELLE. La DGSN sâempresse de diffuser un communiqué censé restituer le cours des événements : deux cambrioleurs se seraient introduits dans le domicile du commissaire Saïdi. Quand ce dernier les surprend, une fusillade éclate où le garde du corps et un de ses assaillants sont blessés. Le présumé cambrioleur, arrêté sur place avant dâêtre hospitalisé, est présenté comme un individu au casier judiciaire bien garni. Le deuxième, en fuite, est âactivementâ recherché.
LES ZONES DâOMBRE. Les conclusions de lâenquête nâont jamais été rendues publiques. Pourtant, nombreuses sont les questions qui restent en suspens. Exemple : les balles ayant blessé mortellement le commissaire Saïdi et son agresseur provenaient-elles de la même arme ? On ne sait rien non plus sur la véritable identité des agresseurs si ce nâest que lâindividu arrêté est un habitant de Rabat répondant au surnom de Bidaoui. Et puis, quâest-il advenu de ce fameux Bidaoui ? A-t-il seulement survécu à sa blessure ? Dans quelle prison est-il en train de croupir ? Le deuxième agresseur court-il toujours ou a-t-il été interpellé ? La police se refuse à toute déclaration et, quatre mois après les faits, aucun procès nâest en vue. Dans la rue râbatie en revanche, les versions au sujet de ce fait divers pas comme les autres sont nombreuses. La plus répandue (et à la fois la plus soft) soutient que les trois hommes se connaissaient bien et quâil aurait été question dâune nuit entre amis où les choses ont dégénéré. Abdellah Saïdi était dâailleurs une figure publique de la capitale, chose assez rare pour les gardes du corps de Mohammed VI.
Le blocage des licences télé
LES FAITS. Lundi 23 avril 2009, la Haute autorité de la communication audiovisuelle (HACA) prend tout le monde de court et annonce quâaucune licence télé ne sera accordée. Parmi les recalés, on compte de prestigieux candidats : Mounir Majidi, Othman Benjelloun, Fouad Ali El Himma, Aziz Akhannouch… La libéralisation du paysage audiovisuel marocain, tant promise par lâEtat, nâa pas eu lieu.
LA VERSION OFFICIELLE. Le CSA (Conseil supérieur de lâaudiovisuel, organe de la HACA) avance dans un communiqué laconique que, âcompte tenu de facteurs conjoncturels et sectoriels intervenus depuis le mois de septembre 2008, notamment la dégradation de la situation du
marché publicitaire, ainsi que la crise traversée par Medi1 Sat et le risque encouru pour le secteur dans son ensemble pouvant compromettre lâéquilibre et la viabilité des opérateurs audiovisuels publics et privés existantsâ, le conseil des sages a décidé de mettre en veille lâoctroi de toute licence télé, en attendant dây voir plus clair dans le secteur.
LES ZONES DâOMBRE. Câest un secret de polichinelle. A lâépoque de la course aux licences, seules deux fréquences hertziennes étaient disponibles. Or, une de ces fréquences allait être occupée à court terme par Medi 1 Sat, devenue depuis Medi1 TV. Présageant cela, les sages de la HACA ont pu se retrouver face à un dilemme cornélien : qui choisir parmi les deux amis du roi en lice, Fouad Ali El Himma ou Mounir Majidi ? L âargument de contraction du marché publicitaire nâétait-il pas pris en compte dans les business plans des soumissionnaires ? A qui est revenue la décision de désavouer tous les candidats ? A Mohammed VI en personne, comme avancent certains ? Ce blocage du processus de libéralisation ne serait-il pas motivé par la seule volonté politique de garder le paysage audiovisuel verrouillé et de faire écran à la concurrence ? Car, en définitive, depuis le début du rÃ
¨gne de Mohammed VI, une seule chaîne (Medi1 TV) sâest vu délivrer le précieux sésame. Et, depuis, des investisseurs publics sont venus squatter le tour de table de la chaîne tangéroise. Résultat, lâEtat préserve son monopole et son contrôle sur le champ médiatique, alors que de nombreux discours de Mohammed VI ont laissé entendre (et espérer) une libéralisation de lâaudiovisuel.
Les milliards de Mawazine
LES FAITS. 11 janvier 2011. En conflit judiciaire avec ses ex-employeurs du groupe émirati Taqa, maison-mère de la centrale électrique de Jorf Lasfar (Jlec), lâancien directeur général du groupe, Peter Barker, envoie par lâintermédiaire de ses avocats une lettre à lâautorité du marché américain (la SEC). Il y dénonce les pratiques douteuses du groupe émirati coté à la Bourse de New York. Lâhomme affirme, entre autres, avoir reçu lâordre de son patron de âverser 5 millions
de dollars par an à Hassan Bouhemou (PDG du holding royal SNI), pour financer un festival de musique (â¦) afin que Taqa décroche le feu vert pour procéder à lâextension de la centrale électrique de Jorf Lasfarâ.
LA VERSION OFFICIELLE. Ces accusations, portées par Peter Barker, nâont été ni démenties ni confirmées par les patrons du groupe Taqa. Côté Maroc, câest le manager du business royal, Hassan Bouhemou, qui est monté au front pour dénoncer ces âallégationsâ. Il sâest par la suite fendu dâun communiqué de presse où il annonce avoir décidé de porter lâaffaire en justice pour âque la vérité soit établie sur les soubassements de cette opération de diffamationâ.
LES ZONES DâOMBRE. Filiale du groupe Taqa, Jlec nâest pas une entreprise ordinaire. Titulaire depuis 2007 dâune concession dâexploitation des centrales thermiques de Jorf Lasfar, elle produit environ la moitié des besoins du Maroc en électricité⦠Et a un seul client : lâONE, qui est obligé de par le contrat de concession dâacheter toute la production de la firme, sur une durée de 30 ans à un prix réglementé ! Ce nâest pas tout. Deux ans après son entrée en jeu dans le royaume chérifien, la société obtient, dans une cérémonie présidée par Mohamed VI lui-même dans son palais de Fès, lâautorisation de construire deux nouvelles centrales thermiques pour doubler sa production. Et câest depuis ce momentlà que lâentreprise est devenue le sponsor majeur du festival Mawazine, présidé depuis 2007 par le secrétaire particulier du roi, Mounir Majidi, et patron de Hassan Bouhemou. Hasard du calendrier ? Et pourquoi donc une entreprise qui nâa quâun seul client (lâEtat) irait-elle sponsoriser un festival grand public à coups de millions de dirhams ? Détentrice dâun contrat juteux dans le royaume chérifien, Jlec aurait-elle voulu renvoyer lâascenseur en finançant le festival royal ? La réponse viendra peut-être du Michigan, où le procès de Peter Barker contre Taqa est toujours en cours. En attendant, on se contentera de cette explication du porte-parole de Mawazine : âJlec est une société privée qui fait ce quâelle veut de son argentâ. Oui, bien sûr.
Lâaffaire du TGV
LES FAITS. Septembre 2011. Le président français Nicolas Sarkozy se déplace à Tanger pour lancer officiellement, avec Mohammed VI, les travaux de la première ligne de train à grande vitesse reliant Tanger à Casablanca. Un véritable bijou de technologie qui réduira de 2 heures la durée du voyage entre les deux pôles économiques du royaume. Coût du projet : 20 milliards de dirhams, dont une moitié sera couverte par des financements et des dons français et lâautre par le budget de lâEtat et des financements de pays du Golfe.
LA VERSION OFFICIELLE : Selon nos décideurs, ce projet pharaonique a été concrétisé pour doter le pays dâune nouvelle infrastructure ferroviaire et pour accélérer le développement du âMaroc régionalâ, en réduisant les temps de voyage. Choix stratégique pour le développement du Maroc, le projet TGV devra être prolongé plus au sud vers Marrakech, puis Agadir à lâhorizon 2035. Une autre ligne, dite âmaghrébineâ, sera lancée dans la foulée, pour relier la capitale de lâOriental, Oujda, à Casablanca, en passant par Fès.
LES ZONES DâOMBRE. Câest en octobre 2007 que lâon a entendu, pour la première fois, parler du TGV marocain, en marge de la première visite au Maroc de Nicolas Sarkozy. Dans le temps, les relations franco-marocaines étaient très tendues. Fraîchement élu, Sarkozy apprend que Rabat renonce à lâachat de 20 avions de chasse Rafale préférant une offre américaine plus compétitive : 24 chasseurs F16 pour 500 millions dâeuros en moins. âAprès cette date, les fils sont coupés : les interlocuteurs marocains des Français ne les prennent même plus au téléphoneâ, raconte le journaliste français Jean Guisnel dans son livre Armes de corruption massives. En juillet de la même année, Mohammed VI exige le report de la visite de Sarkozy au Maroc après avoir appris que le nouveau président français allait dâabord passer par Alger avant dâatterrir à Rabat. Rien ne va plus, jusquâà ce que, trois mois plus tard, Sarkozy arrive finalement au royaume, pour remettre les relations avec son ami sur les rails. Dans ses bagages, il repartira avec le contrat TGV, qui a tout dâun cadeau royal offert au nouveau VRP de France, en compensation de lâéchec de la transaction de Rafale. Dâailleurs, le contrat du TGV est passé sans appel dâoffres et sans consultation préalable des parlementaires. Mais, depuis, les relations entre le Maroc et la France ont repris leur train-train habituel.
La méga-fusion ONAâSNI
LES FAITS. Le 26 mars 2010, un big-bang secoue la place casablancaise. Le holding royal annonce une méga-opération séquencée en trois phases : retrait de la Bourse de Casablanca des titres ONA et SNI, fusion de ces deux gigantesques holdings et revente dâun paquet de filiales.
Avant la fin de lâannée, les deux premières phases sont bouclées : les deux holdings ne font plus quâun, il sâappelle SNI.
LA VERSION OFFICIELLE. Dans un dossier de presse distribué aux médias, les managers des affaires royales ont tenté, comme ils ont pu, de donner du sens à ce chamboulement capitalistique, le plus important que le Maroc ait jamais connu. On parle de ânouvelle vocation du groupeâ,
de âvolonté de se conformer aux standards internationaux puisquâil est de plus en plus rare de par le monde de voir des holdings cotés qui sont essentiellement constitués dâactifs eux-mêmes cotés, ce qui est le cas de SNI et ONAâ. Une couleuvre difficile à avaler vu le coût stratosphérique de lâopération.
LES ZONES DâOMBRE. Câest bien trop cher payé pour croire en la simple volonté de se conformer aux standards internationaux. Majidi et Bouhemou sont de vrais professionnels de la finance et ont toujours fait preuve dâingéniosité pour profiter des brèches réglementaires, de manière à optimiser les investissements de leur patron, la famille royale en lâoccurrence. Tout dans le déroulement de lâopération laisse croire que câest une première réfléchie à long terme et que son véritable objectif est dâéloigner le business royal des radars du marché financier, avec toutes ses contraintes de transparence. Elle est intervenue alors que la Loi de Finances venait dâaccorder un cadeau fiscal aux opérations de fusion, les banques ont ouvert les vannes du crédit sans discuter, pour financer lâachat des actions auprès du grand public, les partenaires étrangers du groupe royal ont mis la main à la poche et les investisseurs institutionnels marocains conservent leurs titres de manière à ne pas rendre plus chère lâopération, qui a coûté au final 10 milliards de dirhams.
Depuis, le groupe, même sâil nâa pas encore réalisé de nouvelles acquisitions ou
même réalisé les cessions promises, évolue dans lâombre. Ne serait-ce que pour publier sommairement ses comptes, lâautorité du marché doit régulièrement lui administrer des piqûres de rappel.
La rupture avec lâIran
LES FAITS. Le vendredi 6 mars 2009, un communiqué du ministère des Affaires étrangères annonce le rappel du chargé dâaffaires marocain en Iran. Quelques jours plus tard, lâambassadeur iranien au royaume est également rappelé chez lui. Entre Rabat et Téhéran, rien ne va plus.
LA VERSION OFFICIELLE. Selon un communiqué du ministère des Affaires étrangères, la décision de rappeler le représentant diplomatique au pays de Khomeïni intervenait suite à une déclaration de Téhéran, considérant lâEtat de Bahreïn comme la quatorzième province iranienne. Cette proclamation a suscité une contestation par le Maroc au plus haut niveau : le roi avait émis un message de soutien au royaume de Bahreïn. Mais le divorce avec lâIran se justifie aussi par la chasse au chiisme. Téhéran est accusé de soutenir un activisme visant à altérer les fondamentaux religieux du royaume, à sâattaquer aux fondements de lâidentité ancestrale du peuple marocain et à tenter de menacer lâunicité du culte musulman et le rite malékite sunnite au Maroc.
LES ZONES D’OMBRE. Plusieurs câbles diplomatiques révélés par Wikileaks relèvent lâimplication de lâArabie Saoudite, lâautre monarchie du Golfe, dans cette rupture, et placent le conflit dans le cadre de la bataille pour lâhégémonie dans la région. Dans une correspondance entre le diplomate américain au Caire et son collègue à Rabat, le premier a expliqué que âles Saoudiens ont sensibilisé personnellement le roi Mohammed VI, et non le gouvernement marocain qui a été tout aussi surpris que le reste du monde par cette rupture des relations diplomatiquesâ.
Le câble Wikileaks évoque également lâinquiétude du Maroc quant à âlâéventuelle acquisition par lâIran dâarmes atomiquesâ. En prenant la décision de rompre avec Téhéran, le roi a donc fait dâune pierre deux coups : plaire aux Etats-Unis, très hostiles au régime dâAhmadinejad, et maintenir ses excellentes relations avec lâArabie Saoudite. Pour quelle contrepartie ? On nâen sait rien.
Les poursuites contre Khalid Oudghiri
LES FAITS. Le 1er août 2008, Abdelkrim Boufettas, membre dâun richissime clan soussi, dépose plainte pour une affaire de corruption impliquant Khalid Oudghiri. Lâancien patron dâAttijariwafa bank (filiale du holding royal), âdémissionnéâ en 2007. Selon lâaccusation, il aurait touché, par lâintermédiaire dâun notaire, un pot-de-vin de 35 millions de dirhams dans une transaction immobilière. Un mandat de recherche international est émis contre Oudghiri. Exilé entre le Canada et la France, celui-ci ne sâest jamais présenté au procès.
LA VERSION OFFICIELLE. Boufettas avait du mal à rembourser son crédit bancaire de 175 millions de dirhams. En 2004, la banque enclenche alors la procédure de recouvrement et met aux enchères une parcelle de 53 hectares du terrain en hypothèque. Mais, au dernier moment, un nouveau protocole de remboursement est négocié. Câest à ce moment-là que Oudghiri et son complice de notaire auraient touché une commission de 20 MDH et auraient récidivé un an plus tard (15 MDH de plus) pour pousser lâhomme dâaffaires à vendre son terrain. Pour ces actes, lâancien banquier numéro 1 du royaume a été condamné par contumace à 10 ans de prison pour complicité de corruption.
LES ZONES DâOMBRE. Plusieurs questions sâimposent quand on entreprend de faire le tri dans cette affaire aux innombrables ramifications. Première interrogation : pourquoi Boufettas a-t-il mis 4 ans avant de décider de tout déballer ? Son argumentaire, selon lequel il manquait âde preuves matériellesâ, ne tient pas la route puisque lesdites preuves reposent dâabord sur de simples témoignages. Autre question : pourquoi certains témoins-clés (principaux dirigeants de la banque et les autres membres de la famille Boufettas) nâont pas été auditionnés ? Nombreux sont les observateurs qui voient cette affaire comme un règlement de compte. Câest un secret de polichinelle : Oudghiri ne sâentendait pas du tout avec ses employeurs, les gestionnaires des affaires royales. Ne serait-il donc in fine coupable que de âsale caractère et dâexcès de confianceâ ? Lui ne sâest en tout cas jamais exprimé sur cette affaire, ni devant la justice ni devant les médias.
Un jour peut-être.
La crise de lâîlot Leila
LES FAITS. Le 10 juillet 2002, six membres des Forces auxiliaires marocaines débarquent sur lâîlot Leila, situé à 200 mètres des côtes marocaines. La réaction espagnole est immédiate. Le voisin ibérique y voit âune invasion dâun territoire espagnolâ et dépêche une véritable armada. En tout, six bateaux de guerre et 24 éléments du groupe des actions spéciales ont été mobilisés pour faire prisonniers les six militaires marocains qui sont livrés dans des conditions humiliantes aux autorités marocaines.
LA VERSION OFFICIELLE. En débarquant sur lâîlot à la souveraineté contestée, les six membres des Forces auxiliaires comptaient établir, selon les autorités marocaines, un poste de contrôle dans le cadre de la lutte du royaume contre le trafic de drogue et lâimmigration clandestine.
LES ZONES DâOMBRE. En dépêchant ses militaires sur place, le Maroc savait que la réaction de lâEspagne serait vigoureuse. Les deux voisins se sont en effet mis dâaccord, au début des années 90, pour maintenir le statu quo sur ce petit rocher, qui ne devait porter aucun âsymbole représentatif dâune appartenance nationaleâ. Quâest-ce qui a donc poussé le Maroc à rompre cet accord de manière subite et unilatérale ? Pour éviter lâescalade militaire en tout cas, la ministre des Affaires étrangères espagnole de lâépoque, Ana Palacio, affirme avoir demandé à parler au roi Mohammed VI. En vain. Le Maroc nâa-t-il pas pris au sérieux cet ultimatum lancé par Madrid ? Par la suite, câest une médiation américaine, menée par le secrétaire dâEtat à la Défense, Colin Powell en personne, qui a permis de rétablir le statu quo au sujet de âce stupide bout de rocherâ, pour reprendre lâexpression de lâancien responsable américain.
Source : Osservatore Internazionale per i dirittiÂ
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