Les islamistes sont déprimés. Victimes de leur vision sectaire de la dimension identitaire d’un pays, dont la configuration culturelle et anthropologique plonge ses racines dans l’antiquité, ils ne savent plus à quelle Qibla se prosterner.
Le débat sur le projet de révision constitutionnelle les a déstabilisés. Et leur propension à se présenter comme les fondés de pouvoir du ciel a pris un tel coup, les forçant à dévoiler leur véritable nature fanatique et intolérante, qu’ils ont essayé de dissimuler pendant des décennies sous un légalisme apparent, que leur a imposé l’attrait du pouvoir, notamment durant le règne de Bouteflika et son clan.
Leur attitude hostile au statut de Tamazight n’a d’égal que leur désintéressement vis-à-vis des questions essentielles. L’Etat de droit, la séparation des pouvoirs, une justice réellement indépendante, une école désidéologisée et performante semblent être le dernier de leur souci.
Aussi bien le mouvement el Bina, le MSP ou le FJD, paniquent à l’idée de voir Tamazight accéder au rang de langue nationale et officielle. Abdallah Djaballah, président du FJD, évoque les risques que cela pourrait avoir sur l’unité nationale. Ne prenant même la peine de vérifier l’exactitude des arguments qu’il avance, il affirme en toute assurance qu’ « aucun Etat au monde n’a deux langues officielles. Et pourtant, une simple consultation du Net l’aurait sûrement renseigné sue des pays comme la Belgique, la Suisse, le Canada, le Luxembourg ou la Finlande !
Des pays prospères, souverains, unis et développés, qui se sont adaptés au multilinguisme et ont même exploité cette situation en leur faveur. La même contre-vérité avait été opposée par le président déchu, dans un discours prononcé à Constantine en 2005. Même son de cloche chez l’association des Ulémas, pour qui « c’est la langue arabe qui s’en trouvera bousculée par la langue locale d’une seule région, ce qui ouvrirait les portes à un conflit linguistique en Algérie ».
L’association présidée par Abderrazak Guessoum, un transfuge du FIS, n’hésite pas à stigmatiser la Kabylie, sans la nommer, sachant que Tamazight est présente au Hoggar, au Gourara, à Touat, dans les Aurès, du côté de la Saoura et un peu partout ailleurs.
Promouvoir la culture millénaire de l’ensemble de ces régions, en chargeant des académiciens reconnus pour leur savoir dans le domaine, d’établir un canevas unifié ne mettra pas en péril la cohésion du peuple algérien. Il n’y a qu’à se référer à la guerre de libération nationale pour se convaincre de la fatuité des arguments avancés par les islamistes.
Ni l’Islam, ni l’arabe ne sont en dangers, comme le pensent Abdelkader Bengrina ou Abderrazak Makri. L’unité nationale est un acquis irréversible.
De Tébessa à Tindouf et de Tamanrasset à Tlemcen, les Algériens sont conscients de cette réalité. Leur ennemi n’est pas la diversité linguistique et culturelle, mais le sous-développement, la mauvaise gouvernance et les fléaux que cette dernière entraine : l’injustice, l’impunité et la corruption.
Mohamed. M.
L’Est Républicain, 7 oct 2020
Tags : Algérie, partis islamistes, Islam, Islamisme, intégrisme, religion,