L’audition de Nouredine Bedoui par les services économiques et financiers de la police judiciaire de Constantine démontre, si besoin est, que nul n’est désormais hors d’atteinte de la justice. L’ancien Premier ministre, que certains cercles considéraient comme une personnalité intouchable, a été entendu lundi par la PJ dans le cadre d’une enquête sur des affaires de corruption liées à la période où il occupait le poste de wali de Constantine, suite à un mandat judiciaire émis par le procureur de la Cour suprême.
L’enquête préliminaire concerne notamment l’octroi d’assiettes foncières à des promoteurs immobiliers « privilégiés » pour la réalisation de logements promotionnels. Nouredine Bedoui, qui avait été précédé d’une réputation surfaite d’homme sans histoires, compréhensif et proche du peuple, après avoir été servi par une formidable campagne médiatique suite à son passage par Sétif et la valorisation de son image à travers les succès sportifs de l’Entente, est accusé d’avoir facilité l’accès à la propriété foncière à des députés et des sénateurs ?
De septembre 2010 à septembre 2013, il aurait cédé des milliers de mètres carrés à des proches de hauts responsables de l’époque. Situées pour la plupart à la nouvelle ville Ali Mendjeli, à El Khroub et surtout à Zouaghi, un des quartiers les plus convoités, vu son emplacement sur les hauteurs d’une Constantine sinistrée, ces parcelles de terrain ont fait par la suite l’objet de transactions en 2ème et en 3ème main par leurs acquéreurs. Selon des sources concordantes, il aurait avantagé des oligarques et des hommes d’affaires en violation flagrante des procédures légales. Ainsi, de faux investisseurs auraient bénéficié de ses largesses d’une manière illégale.
Les mêmes sources citent par ailleurs l’affaire des 1 000 logements sociaux attribués par anticipation ; une véritable bombe à retardement qui n’a pas encore été désamorcée. Cité déjà dans deux (2) affaires, celle de l’ancien DGSN, Abdelghani Hamel, et celle liée à la collecte de 5 millions de signatures au profit de Bouteflika, lors de la campagne pour le 5ème mandat, un dossier où il est question de fausses signatures et d’usurpation d’identité, Nouredine Bedoui se trouve aujourd’hui dans une situation peu enviable.
Les parties qui l’avaient porté au sommet, en lui assurant promotion sur promotion pour services rendus ont perdu une grande partie de leur puissance et ne sont plus en mesure de l’extraire de toutes ces affaires. Certes, la justice ne l’a pas encore condamné, puisqu’il bénéficie de la présomption d’innocence, mais sa proximité avec la Issaba, qui ne fait plus de doute, va le marquer à jamais.
A Constantine où il n’a fait qu’assurer le suivi des projets lancés par son prédécesseur, Abdelmalek Boudiaf en l’occurrence, aujourd’hui incarcéré dans le cadre de la lutte contre la corruption, rien ne porte son empreinte dans le domaine du développement local. Les trois années qu’il a passées dans la capitale de l’Est, sont loin d’être impérissables. En un mot, son ascension éclair demeure symptomatique des mœurs politiques en vigueur sous l’ère de Bouteflika et sa « bande ».
Mohamed Mebarki
L’Est Républicain, 14 oct 2020
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