En matière de relation entre l’islam et la démocratie, une grande partie des idées reçues est fausse.
D’abord, beaucoup sont ceux qui imaginent que c’est l’islam en tant que religion qui est hostile à la démocratie. Ensuite, il y a ceux qui pensent que se sont les musulmans -à cause de leurs sous-développement- qui sont hostiles à l’idéal démocratique. Et les deux, s’appuyant sur les vérités des sociétés musulmanes actuelles, concluent que les musulmans sont par nature anti-démocratiques.
Pour répondre à ces malentendus, j’ai choisit d’aborder la question sous deux angles différents. D’abord, sur le plan pratique, les pays musulmans sont-ils des démocraties ? Ensuite -et surtout- sur le plan théorique, quel regard porte les musulmans sur la démocratie ?
La démocratie dans les pays musulmans :
Il y a dans le monde aujourd’hui, 47 pays à majorité musulmane dans lesquels vivent entre 1,2 milliard et 1,5 milliard de musulmans constituant ainsi 20 % de la population mondiale.
Les 47 pays musulmans sont répartits sur tous les continents et le plus grand nombre d’entre eux se trouve au Proche-Orient et en Asie.
Contrairement à ce que pensent beaucoup, les pays arabes constituent moins de la moitié des pays musulmans et les arabes ne représentent que le 1/4 des musulmans.
Afin de bien comprendre le phénomène que nous analysons, il faut diviser le monde musulman en plusieurs catégories :
1- L’Islam asiatique –exclusion faite du Moyen-Orient- est parfaitement démocratique. Le plus grand pays musulman qu’est l’Indonésie est démocratique. Et la plus grande démocratie dans le monde qu’est l’Inde est gouverné par un musulman.
2- L’Islam Africain –exclusion faite de l’Afrique du Nord- a fait d’énormes pas vers la démocratie. Le Sénégal et le Mali sont aujourd’hui reconnus comme des démocraties.
3- L’Islam Arabe –comprenant l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient- n’est pas démocratique. Aucun pays des 23 pays arabes n’est incontestablement reconnu comme démocratique. Mais là aussi il y a des nuances à faire :
Au Maghreb Arabe : 4 des 5 pays du Maghreb (Mauritanie, Maroc, Algérie et Tunisie) sont en transition démocratique.
Au Machreq Arabe : L’ensemble de ces pays, en raison des régimes monarchiques qui gouvernent la majorité d’entre eux, sont encore loin de la démocratie. Exception faite du Liban (qui peut être considéré comme le pays arabe le plus démocratique) et le Kuweit qui se trouve en transition démocratique.
Deux conclusions peuvent être tirées de ce tableau :
1- La majorité des musulmans (950 millions de personnes) vivent dans des régimes démocratique ou en transition vers la démocratie.
2- C’est dans le monde arabe qu’il y a le moins de démocratie. C’est le monde arabe qui donne de l’Islam une mauvaise image en matière de démocratie.
On a ainsi clarifié certaines questions à propos de la démocratie dans le monde musulman en général, il importe maintenant de s’interroger sur le pourquoi de l’absence de la démocratie du monde arabe en particulier. Autrement dit, Cette absence s’explique-t-elle, comme le pense certains, par le refus des populations arabo-musulmanes de la démocratie ?
La démocratie dans l’opinion musulmane :
Dans les 10 dernières années, deux vagues de sondages ont étés réalisés par World Values Survey à propos de l’opinion des musulmans sur la démocratie.
Les sondages réalisés en 1995-1996 et en 2002-2003 dans cinq pays arabes (Algérie, Egypte, Jordanie, Arabie saoudite, Maroc) et neuf pays musulmans (Albanie, Azerbaïdjan, Bangladesh, Bosnie, Indonésie, Iran, Kirghizstan, Pakistan, Turquie) nous fournissent de très importantes indications.
En effet, la démocratie a une image très positive dans tous les pays arabes. Ainsi 61 % des personnes interrogées dans les pays arabes sont d’accords pour dire que « la démocratie peut avoir de nombreux problèmes, mais c’est la meilleure forme de gouvernement » contre 52 % des personnes interrogées dans 16 pays de l’Europe Occidental et … 38 % seulement dans l’ensemble Etats-Unis, Canada, Australie et Nouvelle-Zélande.
Ainsi, non seulement les arabes sont favorables à la démocratie mais ils sont ceux qui ‘‘l’aiment’’ le plus dans le monde entier.
Nous voyons clairement que l’inexistence de démocratie dans le monde arabe n’est pas en elle même imputable aux musulmans.
Peut–on l’imputer alors à certaines interprétations extrémistes de l’Islam qui ont vu le jour dans le monde arabe et ne se sont pas développées dans le reste du monde musulman ?
Le débat est ouvert …
Source : Islamiqua, 18 nov 2006
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