Les relations de la France avec le monde arabo-musulman, d’hier à aujourd’hui.

Par Me Serge PAUTOT
Au VIIIe siècle, première rencontre entre les Arabes et les Francs
A sa mort en 632, le Prophète Mahomet avait réussi à imposer son autorité et celle de la nouvelle religion l’Islam à l’ensemble de l’Arabie. Après le calife Abou Bakr (632-634) le calife Omar (632-634) commence des conquêtes avec succès contre les forces byzantines et perses, puis la Syrie, Jérusalem, l’Egypte et à l’Est, la Perse, l’Irak, l’Iran …
Le Maghreb offre une plus longue résistance entre 670 et 710. L’Espagne est emportée en revanche par une armée largement berbère. En 721, les Arabes sont à Narbonne (France). C’est, selon les historiens, la date de la présence arabe sur le sol français. Ainsi, moins d’un siècle après la mort du Prophète, les Arabes avaient pris possession de la quasi-totalité de l’Espagne et d’une partie du Sud de la France. Depuis les Pyrénées, Abd Al Rahman, gouverneur d’Espagne, lançait plusieurs razzias sur des villes et églises du Sud de la France.
En 732, bien que cette date fasse l’objet de controverses, Abd Al Rahman marcha vers Tours pour s’emparer et piller le sanctuaire de Saint-Martin. Selon les historiens, ce n’est pas la recherche d’une conquête territoriale mais une razzia. Pour contrer ce raid, le duc Eudes d’Aquitaine fut contraint de faire appel à Charles Martel, un ambitieux seigneur Franc. Ce dernier n’accepta d’intervenir qu’en échange d’une domination sur l’Aquitaine, région qui lui permettrait d’étendre la domination franque sur le Sud-ouest de ce qui n’était pas encore la France.
C’est à Poitiers, le premier samedi du mois de Ramadan, que la bataille eut lieu. Abd Al Rahman a lancé sa cavalerie sur les troupes franques, essentiellement composées de fantassin disposées en un « mur » de boucliers et de lances. La discipline de ces derniers a permis de résister aux assauts de la cavalerie avant de la repousser. Pendant ce temps, le duc d’Aquitaine a lancé l’assaut sur le camp arabe. Pris en étau, les troupes d’Abd Al Rahman, mort au combat, rebroussèrent chemin.
L’importance historique de cet évènement a été amplifiée à mesure que les souvenirs s’estompaient et que les siècles s’écoulaient. D’un côté, il a permis à Charles Martel, grand-père de Charlemagne, d’assouvir son ambition de pouvoir. Par la suite, nationalistes de tous bords en ont fait le champion d’une chrétienté dont il ne se revendiquait pas.
D’un autre, s’ils reculèrent par la suite, il n’est pas établi avec certitude que les Arabes avaient pour intention d’envahir et de conquérir le Sud-ouest de la France. Cependant, en 793, une nouvelle expédition échoue devant la ville de Carcassonne et ce n’est qu’en 890 que des « Maures », selon l’expression d’alors, parviennent à reprendre pied sur le rivage provençal près de Saint-Tropez et mener des razzias. Ce ne sera qu’en 972 que des Marseillais rejetteront cette présence arabo-musulmane. Néanmoins, le professeur Bruno Etienne, dans son ouvrage « La France et l’Islam » écrit qu’il est opportun de rappeler qu’« aucun manuel ne rapporte le fait que la France a largement intégré cette première vague islamiste » et d’ajouter que du VIIIe au XIVe siècle, le Sud-ouest, l’Aquitaine et une partie du Sud-est de la France ainsi que des villages des Alpes et du couloir rhodanien, sont non seulement en relations constantes avec l’Islam espagnol et pas toujours en termes conflictuels.
Les croisades (1096 -1291), une initiative de l’Europe chrétienne
Par « Croisade », on désigne les huit expéditions ordonnées par le Pape aux fins de reprendre, par les armes, le Saint-Sépulcre de Jérusalem renfermant en son sein le tombeau de Jésus Christ. Le terme « croisade » fait référence à la croix arborée par les participants sur leurs habits. Néanmoins, il n’a jamais été employé par les contemporains de cette période.
La prise de Jérusalem par les Arabes en 638 n’avait pas empêché les chrétiens de s’y rendre en pèlerinage, parfois moyennant le paiement d’une taxe. La situation avait par la suite empiré, certains se faisant dépouiller ou tuer, durant le voyage. De plus, au XIe siècle, les Turcs qui avaient repris la ville aux Arabes, interdirent tout pèlerinage si bien qu’en 1095, le Pape Urbain II appela la chrétienté à reprendre la ville par les armes tout en promettant l’indulgence aux pêcheurs qui s’y joindraient.
Il reprenait le concept de « guerre juste » car faite au nom de la Foi, initiée par saint Augustin (père de l’Eglise, né en Algérie, à Tagaste, aujourd’hui Souk-Ahras) des siècles plus tôt. Il donnait également à la chevalerie de l’époque un défi qui permettrait à ses membres de gagner leur salut, le pèlerinage étant perçu comme un moyen de purifier celui qui l’accomplissait.
D’autres facteurs, politiques, sociaux, économiques jouèrent aussi un rôle dans le développement de ces croisades et de la création des Etats latins d’Orient (Antioche, Tripoli, Jérusalem, Edesse). La première croisade s’acheva en 1099 par la conquête de Jérusalem. Si l’objectif initial avait été atteint, l’expédition a été marquée par des exactions perpétrées par des croisés, notamment lors du siège d’Antioche. Par ailleurs, des participants à la croisade s’installèrent en Orient avec la volonté de capter des richesses, loin des considérations pieuses qui avaient présidé à cette aventure.
Par la suite, sept autres croisades ont été menées jusqu’en 1270, avec des fortunes diverses, Jérusalem, reprise par Saladin en 1187, étant définitivement passée sous contrôle musulman en 1244. En dépit de cet échec pour la chrétienté, les Croisades ont permis au monde occidental de développer le commerce et la navigation. Durant les périodes d’accalmie, elles ont également favorisé le rapprochement des cultures européennes, byzantine et musulmanes dans les sciences, les arts et les lettres. Il convient de citer Pierre le Vénérable, moine, abbé de Cluny, qui œuvrera à la traduction du Coran en latin et qui recommande d’établir des débats argumentés avec les théologiens des autres religions, plutôt que des croisades.
L’expédition militaire et scientifique en Egypte de Napoléon Bonaparte (1798 – 1801)
En 1798, Napoléon Bonaparte est un jeune général auréolé du succès de la Campagne d’Italie. En pleine Révolution française, le Directoire décide de l’envoyer en Egypte, pour éloigner un ambitieux mais également pour perturber les affaires du Royaume-Uni dans cette région vitale pour le commerce avec les Indes. Pour le futur empereur, cette expédition est l’occasion de marcher dans les pas d’Alexandre le Grand.
Le contingent de 30 000 hommes, parmi lesquels plusieurs dizaines de scientifiques, appareille de Toulon le 19 mai 1798. Le 11 juin, il s’empare de Malte puis accoste à Alexandrie. Au débarquement, il enjoint à ses troupes de se comporter avec les musulmans à la manière des troupes romaines, leur demandant de respecter leurs principes, leur clergé ainsi que leurs pratiques religieuses.
Alors que ses troupes marchent vers le Caire, elles rencontrent les mamelouks en plusieurs occasions. Le 20 juillet, au pied des pyramides, il annonce à ses troupes fatiguées mais contraintes de combattre les mamelouks : « Songez que du haut de ces monuments, quarante siècles vous contemplent. » Cette citation est restée dans l’histoire, à l’instar de la victoire napoléonienne.
Néanmoins le 1er août, la flotte française était défaite par les Britanniques à Aboukir, privant le général de renforts et contraignant les troupes à demeurer en Egypte. S’il tente de gagner les faveurs du peuple égyptien par des déclarations passionnées à l’égard des Cairotes, ainsi que par une réforme des institutions similaire à celle qu’il conduira plus tard en France, Napoléon Bonaparte ne parvient pas à éviter un soulèvement en date du 22 octobre (1798) qu’il dût réprimer dans le sang.
Puis, il mène ses troupes en Syrie pour stopper les velléités de guerre du Sultan ottoman, mais son expédition est un échec, 1800 hommes trouvant la mort dans le désert par la peste ou par l’épée. A son retour au Caire, Napoléon est contraint de livrer bataille contre les troupes turques à Aboukir qu’il défait le 1er août 1799. Laissant le commandement à Kléber, il embarque secrètement pour rallier la France le 23 août 1799.
Cette campagne lui aura permis de façonner une partie de sa légende en France et en Europe pour devenir Premier Consul, puis l’Empereur Napoléon Il recrutera des mamelouks pour sa garde impériale. Cette expédition a permis également de mettre au jour la pierre de Rosette que Champollion utilisera pour déchiffrer les hiéroglyphes, ainsi que des vestiges d’un canal antique reliant la Méditerranée et la mer Rouge.
De la construction du canal de Suez (1859 – 1869) à sa nationalisation (1958)
Entreprise d’une ampleur pharaonique, le canal de Suez est une étape importante dans le développement du commerce international, aussi bien qu’un actif vital pour l’Egypte.
Au XIXe siècle, les révolutions industrielles avaient intensifié les échanges entre les pays européens et leurs colonies, notamment pour l’approvisionnement en matières premières. Le creusement d’un canal entre la Méditerranée et la mer Rouge permettrait de raccourcir grandement la route maritime vers l’Asie, en plus de permettre à cette région de concurrencer l’Atlantique.
Longtemps, l’idée d’un canal demeura une chimère, en raison de la croyance, appuyée par des relevés inexacts, selon laquelle le niveau des deux mers différait de plusieurs mètres. Les calculs d’un major anglais permirent de convaincre le vice-roi Méhémet-Ali d’en autoriser la réalisation. En 1854, son fils, Mohammed Saïd, accéda à cette fonction et accorda au diplomate français Ferdinand de Lesseps le droit de creuser ce canal, au grand dam des Anglais qui craignaient de perdre ainsi leur influence en Asie.
Les travaux débutèrent en 1859 après qu’un important appel au financement a été organisé en France. De nombreux défis humains et technologiques durent être relevés. Outre l’approvisionnement en eau, l’inadaptation des engins européens aux désert et marécages de la zone constitua un problème majeur. En parallèle, des infrastructures prêtes à accueillir le nouveau trafic de bateaux durent être érigées : c’est ainsi que naquit la ville de Port-Saïd et que Suez fut modernisée.
Tout ce travail nécessita une main d’œuvre colossale, plusieurs dizaines de milliers d’ouvriers, en grande partie égyptiens. En 1869, 10 années après le premier coup de pioche, le canal fut inauguré en grande pompe. Néanmoins, le mauvais état des finances égyptiennes contraint le vice-roi Ismaïl à revendre ses actions dans le canal à l’Angleterre, devenue copropriétaire aux côtés de la France d’un ouvrage dont elle s’était opposée à la réalisation.
En 1956, le Président Nasser imposa la nationalisation du canal à l’Angleterre et à la France dans un épisode demeuré célèbre du soulèvement du Tiers-Monde contre ses anciennes colonies. La ruine de certains actionnaires contribua à la prospérité de l’Egypte, pour qui le canal constitue un revenu de 7 millions de dollars par jour.
De la conquête coloniale de l’Algérie à son indépendance (1830-1962)
Avant que la France ne la conquière, l’Algérie était organisée en diverses communautés et tribus disséminées sur son territoire qui coexistaient ensemble.
Officiellement, la conquête française, amorcée en 1830, a été la réponse à un litige diplomatique. En 1800, le dey d’Alger avait prêté les fonds nécessaires au ravitaillement en blé de l’armée de Napoléon durant la campagne d’Egypte. La France n’ayant jamais remboursé cet emprunt, le dey d’Alger adressa plusieurs relances au Roi de France plusieurs années après. Ne recevant pas de réponse, il convoqua le consul de France le 30 avril 1827. La discussion s’envenima, si bien que le dey porta de légers coups de chasse-mouche sur la tête du consul. Le dey refusa de s’excuser pour ce qui fut considéré par la France comme un outrage, si bien que le gouvernement français imposa un blocus maritime.
En 1830, les troupes françaises débarquèrent à Alger et annexèrent la ville le 5 juillet et entreprirent de conquérir le reste du pays. A la raison diplomatique s’ajoutait également une volonté pour le gouvernement français de l’époque de redorer son blason par une opération militaire, mais l’opinion publique française ne témoigna guère d’enthousiasme à l’idée de prendre possession de l’Algérie.
La colonisation du pays se heurta à la résistance d’Abd el-Kader qui mena une lutte héroïque contre l’envahisseur, avec le soutien des tribus. Ce n’est qu’à la reddition de ce dernier, en 1847, et suite à la « pacification » de la Kabylie en 1857 que la France ne put prétendre contrôler pleinement le territoire algérien.
L’organisation du pays sous le contrôle français consista en la nomination de fonctionnaires français au poste d’administrateurs. Durant la période coloniale, la France apporta du progrès technique et technologique dans les domaines de l’agriculture, de l’industrie et des transports. Néanmoins, les Arabes et les Berbères, c’est-à-dire 90% de la population locale, n’ont jamais pu bénéficier des mêmes droits ou des mêmes avantages que la population « blanche ». En outre, l’acquisition de la pleine et entière citoyenneté française supposait l’adhésion à des conditions tellement restrictives qu’elle était en pratique quasiment impossible. Les Algériens demeuraient ainsi à l’écart du développement que connaissait leur terre, ne bénéficiant que des miettes.
Comment, dans ces conditions, aspirer à ce que les Algériens se considèrent comme pleinement français ?
Sevrés de participation à la vie politique de leur pays pendant des décennies, les « musulmans» prêtèrent peu à peu l’oreille aux discours nationalistes et s’organisèrent, notamment sous l’impulsion de Messali Hadj. A la suite de la Seconde guerre mondiale, alors que les « indigènes » avaient versé leur sang pour libérer la métropole, la marche vers l’Indépendance reprit inéluctablement, tant le maintien de colonies fondamentalement inégalitaires devenait incompatible avec les proclamations des pays occidentaux sur les droits de l’homme.
Ecolier, j’apprenais que la France est la championne du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et nous ne comprenions pas pourquoi beaucoup de pays colonisés ne profitaient pas immédiatement de ce droit. Et si la guerre de 1935-45 exaltait la Résistance, un jeune Algérien de 1954 était fortement tenté de vivre cette aventure pour son propre compte.
Les massacres de Sétif achevèrent de sceller le sort de l’Algérie française. La suite de l’histoire, qui débuta au 1er novembre 1954, est connue de tous avec le Front de libération nationale (FLN). Elle aboutit après une lutte héroïque de ses combattants de l’Armée de libération nationale (ALN) qui les conduisit aux Accords d’Evian (février 1962) et à la Déclaration d’Indépendance le 2 juillet 1962.
Les pays sous protectorat français (Maroc et Tunisie) ou sous mandat (Syrie et Liban) devenus indépendants
Concernant le Maroc, les nations européennes profitèrent de dissensions internes au pays, au début du XXe siècle, pour se placer au Maroc. C’est néanmoins la France qui, en 1912, put mettre en place un protectorat, en contrepartie de l’intervention de ses troupes à la demande du sultan pour repousser les attaques arabes et berbères.
La tâche de réorganiser et de pacifier le pays fut confiée au général Lyautey. L’Allemagne a tenté, sans succès, de soulever la population marocaine contre une France entièrement tournée à l’effort de guerre entre 1914 et 1918. Par la suite, un soulèvement mené par Abd-el-Krim fut également stoppé par la France. Le Maroc fut le premier pays du Maghreb à se défaire de la domination française, après une indépendance négociée puis imposée par Mohamed V, en 1956.
Suite à l’invasion de l’Algérie, la France entreprit de développer son influence chez son voisin oriental, la Tunisie, l’aidant dans un premier temps à se défaire du joug turc. Le développement du pays fut financé par des crédits souscrits auprès de la France et de l’Italie, remboursés par des hausses d’impôts.
Les troubles internes causés par la fiscalité, ainsi que des incidents à la frontière algérienne, constituèrent le prétexte à une intervention militaire de la France en Tunisie. Le 22 mai 1881, le bey Ahmed fut contraint d’accepter deux traités autorisant l’implantation des militaires français en Tunisie, ainsi que l’obligation de mettre en œuvre les réformes ordonnées par la France et la nomination d’un dignitaire français résident en Tunisie.
Dans le cas de la Tunisie, comme pour les autres pays du Maghreb, la fin de la Seconde Guerre mondiale marqua l’essor des revendications indépendantistes, menées notamment par Habib Bourguiba. Après avoir négocié une autonomie interne qui devait amorcer un lent processus de décolonisation, moins de deux ans suffirent à ce que la Tunisie accède, en 1957, à l’indépendance et pour qu’une République soit proclamée en 1959.
La Syrie et le Liban, placés sous le mandat français, avaient conclu en 1936 avec la France des traités d’alliance leur assurant l’indépendance ; mais la Seconde Guerre mondiale empêcha la ratification de ces traités; leur indépendance fut réalisée par leur admission – sur la demande de la France – comme membres des Nations unies.
C’est, en effet, la France qui les fit inviter à la Conférence de San Francisco, le 28 mars 1945. Mais la reconnaissance de l’indépendance de la Syrie et du Liban ne s’est accompagnée d’aucune condition ; les rapports de la France avec ces Etats sont des rapports normaux entre Etats étrangers, auxquels s’ajoute cependant l’amitié traditionnelle qui nuit la France au Liban, où la langue française cet parlée couramment, non seulement par les chrétiens qui forment la moitié de la population, mais par bon nombre de musulmans.
Des « tirailleurs » aux bâtisseurs pour le service de la France
Avec la Première guerre mondiale (1914-1918), 173 000 tirailleurs marocains et algériens se battent sous l’uniforme français. Serviteurs fidèles et courageux, ces tirailleurs ont constitué une longue lignée de combattants. Des milliers et des milliers d’entre eux tomberont sur les champs de bataille. Pour les tirailleurs algériens, 25 000 ont été tués durant la Première guerre et autant durant la Seconde. En août 1914, 4000 chasseurs issus des tabors chérifiens débarquent à Bordeaux et sont lancés dans la bataille. Le 23 septembre ils ne seront plus que 800 valides qui sont regroupés en un régiment de tirailleurs marocains. D’autres régiments seront créés. En Août 1944, encore environ 130 000 tirailleurs algériens, marocains et tunisiens participent au débarquement sur les plages de Provence. Ils viennent participer à la Libération de la France. Ces troupes constituent l’un des fers de lance du corps d’Italie et de la Première Armée française.
Les tirailleurs tunisiens participeront aussi, au prix de leur vie, aux combats de la Première Guerre mondiale et en 1939-45 en rivalisant d’héroïsme avec Algériens et Marocains.
La vocation de la France comme terre d’accueil, depuis la colonisation, d’une migration d’origine maghrébine (Algérie et Maroc en particulier) se confirme et s’accentue. La France fera abondamment appel à ces hommes pour satisfaire aux besoins d’une main d’œuvre bon marché de son économie dans les divers secteurs des mines, du bâtiment et des travaux publics, de l’automobile…
Bien des années après, le regroupement familial, le fait pour une personne de nationalité étrangère, vivant à l’étranger, de rejoindre son conjoint en France, lui aussi de nationalité étrangère (voire française) a été instauré. La prédominance aujourd’hui de l’immigration familiale constitue une particularité française parmi les grands pays européens. Les bénéficiaires sont pour l’essentiel des personnes ressortissantes du Maghreb, d’Afrique subsaharienne.
D’après le sondage Ipsos Mori réalisé du 12 au 26 août 2014, la proportion de musulmans dans la population française est la plus grande des pays d’Europe. On compterait plus de 5 millions de musulmans en France. Bien évidemment, l’intégration « fonctionnelle » implique la conjugaison de deux cultures, deux religions…
Le rapport annuel sur le développement humain du PNUD (Programme des Nations unies pour le développement) publié le 14 juillet 2004 sous l’intitulé « Liberté culturelle dans un monde diversifié », était justement consacré « aux liens entre intégration et développement»._Ce rapport dans lequel s’expriment trois prix Nobel de la paix (Nelson Mandela, 1993 ; John Hume, 1998; Chirine Ebadi, 2003) et le président afghan Hamid Karzaï, préconise l’adoption de politiques protégeant et favorisant les identités culturelles, cette voie étant « la seule approche durable du développement des sociétés composites ».
Les recommandations du rapport mettent ainsi l’accent sur la reconnaissance du droit à la différence et à la préservation des cultures d’origine, dans la perspective de l’émergence croissante de sociétés à vocation multiculturelle : «Les immigrants doivent pouvoir devenir des membres de plein droit de leur pays d’adoption…tout en conservant des liens (culturels, religieux, traditionnels) avec leurs pays d’origine. »
Evoquant la réalité migratoire, la Commission européenne, dans une communication du 3 juin 2003, indique qu’il «incombe à la société d’accueil de veiller à la mise en place des droits formels des immigrants… permettant à ceux-ci de participer à la vie économique, sociale, culturelle et civile et d’autre part que les immigrants respectent les normes et les valeurs fondamentales de la société d’accueil… Sans devoir abandonner leur identité propre.»
La « pluralité » a pris le pas sur toute autre considération. Le Président Chirac félicitait deux jours plus tard «cette équipe à la fois tricolore et multicolore ». Nasser Ramdane, président de « SOS racisme », constatait de son côté «une identification des jeunes à cette équipe, d’abord parce qu’elle est à l’image de la société française d’aujourd’hui : métissée ».
Cette exaltation de la différence, écrit Maxime Tandonnet, rapporteur de cette communication dans son ouvrage « Le défi de l’immigration », ajoute que ce mot d’ordre de la Commission européenne, «sans devoir abandonner leur identité propre » est en tout cas contraire à l’esprit français. La Constitution du 4 octobre 1958 proclame, reprenant des principes plusieurs fois centenaires, que « la République assure légalité devant la loi de tous les citoyens sans considération d’origine, de croyance ou de religion ». Il n’a jamais été dans la tradition française de juger, de classifier, d’honorer les individus en fonction de leur origine ethnique, de leur culture ou de leur couleur.
Le plus bel exemple de cette fusion est celui de la victoire de l’Equipe de France lors de la Coupe du Monde 1998. La « pluralité » a pris le pas sur toute autre considération. Le Président Chirac félicitait deux jours plus tard « cette équipe à la fois tricolore et multicolore». Nasser Ramdane, président de « SOS racisme », constatait de son côté « une identification des jeunes à cette équipe, d’abord parce qu’elle est à l’image de la société française d’aujourd’hui : métissée ». 
Avant et après cette euphorie, il faut reconnaître que la religion musulmane, la deuxième de France, n’est pas à parité avec les autres religions qui possèdent églises, temples et synagogues. Cela s’explique par l’histoire de la France fortement judéo-chrétienne et également par la loi du 9 décembre 1905 sur le principe républicain de laïcité et de neutralité de l’Etat français : 
Article 2 « la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ». Les personnes de religion musulmane se retrouvant ainsi en difficulté par cette loi pour l’édification de mosquée et de personnel religieux et autres. Les quarante dernières années d’immigration ont été mal gérées : échec des politiques d’assimilation, problèmes des banlieues, chômage des jeunes français issus de l’immigration, échecs scolaires…. attirance de certains pour le djihad ……
Les évènements sanglants de début janvier 2015 ont ranimé le grand débat sur l’immigration et remis en cause le modèle républicain français face aux difficultés de l’intégration des personnes immigrées en particulier de religion musulmane. Il est apparu nécessaire de mettre en place une instance de dialogue entre l’Etat français et les musulmans même si une structure déjà existante depuis 2003 n’a pas apporté tous les espoirs mis en elle.
Du Conseil français du culte musulman à la création d’une « instance de dialogue » avec l’Etat
Voulue par la gauche et entérinée par le ministre de l’Intérieur de l’époque Nicolas Sarkozy en 2003, la création du Conseil français du culte musulman (CFCM) est le fruit d’une volonté de la classe gouvernante de doter les musulmans de France de porte-parole nationaux et de favoriser l’émergence d’un interlocuteur unique sur les questions intéressant leur culte.
Association régie par la loi du 1er juillet 1901, le CFCM est également composé de Conseil régionaux, et comprend diverses commissions regroupées autour de thématiques. Il est élu par les représentants des mosquées de France. Cette institution s’inscrit dans la tradition centralisatrice de l’Etat français, aussi bien en matière économique et politique que culturelle. La Grande Mosquée de Paris dispose ainsi de 18 voix, soit 3 de plus que chacune des autres Grandes Mosquées de province. Pour autant, la pertinence d’une telle organisation a été régulièrement remise en cause.
A l’origine, le CFCM a été un lieu d’expression privilégié pour les grandes organisations musulmanes françaises, chacune étant influencée par les origines de son Président. Ainsi, la Grande Mosquée de Paris dont le recteur, Monsieur Boubakeur, est le président du CFCM, est traditionnellement présentée comme étant de sensibilité algérienne, tandis que le Rassemblement des musulmans de France tend à être proche du Maroc et que l’Union des Organisations islamiques de France nourrit des relations avec les Frères musulmans. En raison de leur visibilité, ces grandes organisations, auxquelles on peut également rajouter le Comité de coordination des musulmans turcs de France ont tendance à se couper du travail de terrain.
Douze ans après sa création, le gouvernement français pousse l’Islam de France à se réorganiser. Dans une communication en conseil des ministres le 25 février 2015, Bernard Cazeneuve, le ministre de l’Intérieur a présenté un éventail de mesures destinées tout à la fois à engager ce processus et à montrer aux musulmans que l’Etat français ne les laisse pas seuls face à l’augmentation des actes antimusulmans et au climat de défiance nourri par les attentats djihadistes.
Quatre axes ont été définis par le gouvernement pour articuler les mesures afférentes à l’islam de France :
DIALOGUE : Une « instance de dialogue » va être constituée, réunissant un panel le plus représentatif possible des Français musulmans, dans le respect des valeurs de la République. L’instance devrait être mise en place d’ici l’été, sans doute avant le début du prochain ramadan, prévu autour du 17 juin.
Des consultations vont être lancées par les préfets pour identifier les représentants (intellectuels, acteurs de terrain, associations …) susceptibles d’y participer, ainsi que les sujets sur lesquels cette instance pourrait travailler (formation civile des imams, abattage rituel, sécurité des lieux de culte, organisation des aumôneries…), « dans le respect rigoureux des principes de la laïcité », a déclaré Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, en insistant sur « la compatibilité de l’islam et de la République ».
Elle n’a pas vocation à remplacer le ÇFCM, et son organisation comme son fonctionnement seront plus souples, avec différents groupes de travail et une réunion prévue deux fois par an autour du Premier ministre, à l’instar de ce qui existe pour le culte catholique avec l« instance Matignon ». Il s’agit pour le gouvernement d’organiser une large consultation des acteurs de l’Islam en France.
FORMATION : L’offre de formation à destination des imams et des aumôniers musulmans va être renforcée, avec notamment un encouragement à créer des diplômes universitaires (DU) de formation civile et civique. Comme cela existe déjà à Paris notamment. D’ici la fin de l’année, une douzaine d’établissements supérieurs devraient proposer ce diplôme. Les aumôniers « ne seront recrutés désarmais que s’ils ont obtenu ce diplôme de formation aux principes fondamentaux de République », a précisé le ministre de l’Intérieur. Le contenu ne sera pas religieux. L’État n’ayant pas vocation à assurer une formation théologique. L’idée est de « favoriser l’émergence d’une génération d’imams pleinement insérés dans la République ».
Les établissements scolaires confessionnels vont être incités à passer sous contrat avec l’Éducation nationale. Des instructions seront adressées aux préfets et aux recteurs afin qu’ils fassent « pleinement usage », de leurs prérogativesE de contrôle, notamment pour les établissements hors contrat.
SÉCURITÉ : Victimes de plusieurs actes de vandalisme en ce début d’année, la sécurité des mosquées et des lieux de culte va être renforcée, avec le financement d’équipements tels que la vidéosurveillance. D’une manière générale, la répression des actes antimusulmans sera une de priorité de la politique pénale.
CONNAISSANCE DE L’ISLAM : Une fondation va être mise en place pour « promouvoir les réalisations de l’Islam de France », en liaison avec l’Institut du monde arabe. Un programme de recherche sur l’islam de France, islamologie et le monde musulman sera mis en place. Des bourses seront développées à l’intention des doctorants travaillant sur cette religion.
Voilà un projet qui devrait faciliter, encourager une dynamique en faveur de nos compatriotes musulmans de France et qu’il suscite l’adhésion des plus jeunes malgré la diversité de leurs origines théologiques et géographiques. Promouvoir l’Islam sous l’angle «cultuel » mais aussi « culturel »
S. P.

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