Traducido por Fausto Giudice Фаусто Джудиче فاوستو جيوديشي
Des informations au sujet d’un « retour » imminent du Maroc ont inondé la toile ces derniers jours, conduisant les médias marocains à inventer des scènes et des scénarios, qui n’existent que dans l’esprit de leurs auteurs, sur la prétendue participation victorieuse d’une délégation marocaine à l’ouverture du 27e Sommet de l’Union africaine, tenu les 17 et 18 juillet à Kigali, Rwanda. Divers médias marocains ont prétendu que cette délégation a fait un discours devant le sommet, ce qui n’est pas vrai. En lieu et place, c’est une lettre très longue et incroyable du roi du Maroc, Mohamed VI, qui a été remise, le dimanche 17 juillet, au président tchadien et président en exercice de l’Union africaine (UA), Idriss Déby Itno, par le Président du Parlement du Maroc, M. Rachid Talbi Alami.
La lecture de cette lettre a été un exercice douloureux, pour moi, d’abord comme Africain et ensuite comme Sahraoui, car c’était tout simplement un long message désagréable du Maroc, plein de déclarations arrogantes et injurieuses envers les Africains, l’Organisation de l’unité africaine (UA) et aussi l’Union africaine.
Dans les paragraphes qui suivent, nous allons essayer d’attirer l’attention du lecteur sur les principaux «insultes», «mythes / mensonges » et « conditions » du roi du Maroc contenus sans vergogne dans sa lettre, qui devait être une demande formelle de son pays à rejoindre à l’UA, mais s’avère être un étrange monologue égocentrique contenant des insultes ouvertes et arrogantes contre l’UA , ses pères fondateurs et États membres et des informations erronées destinées à induire en erreur le public marocain plus que tout autre pour lui donner l’illusion que l’Afrique ne peut pas survivre sans le Maroc.
Un rappel nécessaire
Le royaume marocain a quitté volontairement et officiellement l’OUA en 1984 pour protester contre la reconnaissance par l’organisation continentale de la République sahraouie. De fait, les pères fondateurs africains ont travaillé dur puis pendant plus d’une décennie à décoloniser de nombreuses colonies africaines restantes, y compris le Sahara occidental. Lorsque l’Espagne s’est retirée à la hâte et de manière irresponsable de sa colonie pour la livrer lâchement, vulnérable et non-décolonisée, à l’occupation maroco-mauritanienne, l’Afrique a été choquée et a essayé de faire de son mieux pour convaincre les deux pays africains de mettre fin à cette aventure et de permettre au peuple sahraoui de retrouver sa liberté. La Mauritanie s’est rapidement retirée de cet acte injuste de colonisation, alors que le Maroc a persisté dans son mépris et son rejet de toutes les initiatives des leaders africains de 1975 à aujourd’hui.
Dans de nombreuses réactions aux positions et tentatives africaines pour résoudre le conflit, les responsables marocains, y compris les plus haut, ont généralement sous-estimé et même insulté les institutions et personnalités africaines, dont le dernier en date est l’envoyé spécial de l’UA, le Président Chissano, ou les dirigeants qui ont pu exprimer des opinions positives sur la question.
Dernièrement, il a été chuchoté par les médias marocains, et même certains médias africains et européens, que le royaume revient à l’UA pour occuper sa place parmi les nations africaines, après avoir été le seul pays africain à rester en dehors du groupe panafricain. Ces sources ont également dit que le roi a été convaincu par un grand nombre de dirigeants africains et d’amis de partout dans le monde que la politique de la chaise vide n’apporte aucun bénéfice pour le Maroc, et que le royaume doit donc œuvrer au «retour» à l’ organisation africaine. Ainsi, des débats informels ont eu lieu au sein de l’élite africaine sur la question et de nombreux points de vue ont été diffusés, mais jamais exprimés officiellement.
Certains ont dit qu’en aucune manière l’Afrique ne peut accepter l’adhésion du Maroc car c’ est un État colonial occupant militairement un État membre de l’Union africaine, la République sahraouie. Ils soutiennent que l’Afrique et les Africains ont rejeté l’adhésion de l’Afrique du Sud pendant des décennies en raison de son régime d’apartheid et de la répression massive et criminelle que le régime perpétrait contre nos sœurs et frères sud-africains, et de son exploitation illégale des ressources de la Namibie. Ces panafricanistes inconditionnels considèrent que le Royaume du Maroc n’a pas sa place parmi les nations libres de l’Afrique à moins qu’il ne termine son occupation illégale et la colonisation des territoires occupés de la République sahraouie. Ils croient que le fait que le Maroc soit une nation africaine ne peut pas conduire les Africains à tolérer ou à modérer leurs positions, parce que la colonisation et l’occupation sont les mêmes, quel que soit le colonisateur.
D’autres disent qu’au contraire Maroc est un État africain important et qu’il doit revenir à l’Union africaine. Ils croient en outre que le Maroc est capable d’apporter beaucoup à l’organisation et a beaucoup de bonnes expériences à partager. Mais, ils oublient peut-être que si ce pays devient membre, il sabotera toute résolution possible du long conflit au Sahara occidental. Il va même faire en sorte de détruire et de diviser l’organisation de l’intérieur avec toutes ses stratégies notoires et établies de corruption et d’espionnage. On peut facilement se référer aux information de Wikileaks sur les méthodes utilisées par l’ancien ambassadeur du Maroc au Conseil des droits de l’homme de l’ONU pour avoir une idée sur le sabotage possible que le Maroc mènera certainement au sein de l’UA s’il en devient membre.
Un troisième avis est qu’il peut être bon d’avoir le Maroc dans la sphère africaine afin que les Africains puissent exprimer facilement et ouvertement leurs opinions aux responsables marocains qui ont toujours refusé d’écouter tout point de vue qui critique ou condamne l’expansionnisme colonial marocain. Et ils soutiennent qu’au fond l’entrée même du Maroc à l’UA serait une claire reconnaissance de la République sahraouie comme un fait irrévocable et servirait même à convaincre de nombreux États de reconnaître le gouvernement sahraoui.
Maintenant, le Maroc a mené une vaste campagne en Afrique, ciblant tous les pays influents, y compris les partisans les plus proches de la liberté des Sahraouis comme l’Algérie, le Nigeria et le Kenya pour ne mentionner que ces trois pays qui ont été officiellement mentionnés par les médias marocains. Mais, la lettre du roi dont les médias ont parlé toute cette semaine s’avère n’être qu’un long texte qui suggère que l’Afrique sans le Maroc n’est et ne sera rien, plein d’insultes envers les pères fondateurs, l’OUA et l’UA.
D’autre part, le Maroc met une condition dans sa lettre contre la présence de la République sahraouie; demain, nous ne savons pas contre quel autre État membre il pourrait demander la même chose. Nous aurons aussi en tant qu’organisation à créer une catégorie permanente d’États d’Afrique ayant le droit de veto, et bien sûr, si on lit entre les lignes, le Maroc se considère comme le pays ayant droit à ce statut.
Quand le roi en rajoute dans l’insulte
Dans ce qui suit, nous allons essayer d’être très bref dans nos commentaires des insultes et des informations trompeuses et irrespectueuses contenues dans les déclarations du roi dans sa lettre à l’UA. Pour couronner le tout, les Marocains ont fait publier avec arrogance la lettre par l’agence officielle de presse MAP, comme si c’était une lettre ouverte et non une lettre officielle spécialement adressée aux responsables de l’UA et aux chefs d’États et de gouvernements.
Insultes aux institutions, décisions historiques et points de vue de l’OUA / UA :
« …. sur la question du Sahara, l’Afrique institutionnelle ne peut supporter plus longtemps les fardeaux d’une erreur historique et d’un legs encombrant. « (L’erreur ici est l’adhésion de la République sahraouie).
«Cet impératif éthique rejette et condamne les errements du passé et les actes à contre-courant du sens de l’histoire. » (Je ne peux pas imaginer une plus grave insulte à toute l’histoire et aux réalisations panafricaines. Le Maroc estime ici que les pères fondateurs de l’OUA n’a pas été assez matures quand ils ont décidé de reconnaître la République sahraouie.)
» L’Union africaine, n’est-elle pas en contradiction évidente avec la légalité internationale ? puisque ce prétendu État n’est membre ni de l’Organisation des Nations Unies, ni de l’Organisation de la Coopération Islamique, ni de la Ligue des États arabes, ni d’aucune autre institution sous-régionale, régionale ou internationale ? » (on se demande à quelle légalité internationale le Maroc se réfère. On peut aussi se demander si le roi sait que la RASD est empêchée d’obtenir l’adhésion à de nombreuses organisations internationales, car son territoire est encore colonisé!)
« L’Union africaine se trouve aussi en total décalage avec l’évolution de la question du Sahara, au niveau des Nations Unies. Un processus est en cours, sous la supervision du Conseil de Sécurité, pour parvenir à une solution politique définitive de ce différend régional. »(Le processus même que le Maroc n’a jamais cessé d’entraver)
Pire encore, le roi estime que «L’UA ne peut donc, seule, préjuger de l’issue de ce processus » !! Comment peut-il tirer cette conclusion? Est-ce qu’il attend des Africains qu’ils soutiennent le colonialisme sur leur propre continent?
De plus, il aggrave l’insulte, ajoutant que » L’histoire retiendra cet épisode comme une tromperie, un détournement de procédures, au service d’on ne sait quels intérêts. Un acte comparable à un détournement de mineur, l’OUA étant encore, adolescente à cette époque. » (Parce qu’il semble que Sa Majesté considère nos pères fondateurs et l’OUA comme adolescents et immatures quand ils ont décidé de s’opposer à l’aventure coloniale marocaine).
Pour le roi la décision de l’OUA de reconnaître la RASD est un «[un] fait accompli immoral, [un] coup d’état contre la légalité internationale, [qui] ont amené le Royaume du Maroc à éviter la division de l’Afrique au prix d’une douloureuse décision, celle de quitter sa famille institutionnelle.».
« Le peuple marocain, unanime, et l’ensemble de ses forces ont estimé inacceptable cette adhésion, par effraction et connivence, d’une entité non souveraine. »
Insultes aux États membres de l’UA:
Le Maroc cherche à adhérer à l’Union africaine, mais il persiste à insulter les États membres qui n’adhèrent pas aux revendications coloniales de Rabat et au fait accompli au Sahara occidental.
Il a insulté la République sahraouie, membre fondateur l’UA: » Il est, en effet, difficile d’admettre que le Royaume, Nation pérenne et ancestrale, soit comparé à une entité ne disposant d’aucun attribut de souveraineté, démunie de toute représentativité ou effectivité.. « (donc, si le Maroc devait revenir à l’UA, les Africains devraient lui donner un statut spécial dans l’organisation parce qu’il a finalement décidé d’avoir la modestie et l’humilité d’accepter de rejoindre notre organisation dégradée et malade. il ne peut pas être comparé à d’autres membres, et surtout pas à la République sahraouie, qui est sous sa domination coloniale. On croit entendre ici les vieilles déclarations arrogantes des puissances coloniales européennes dans les années soixante et au-delà.)
Le roi insulte également tous les autres pays qui soutiennent les droits légitimes des Sahraoui à la liberté, les accusant d’être racistes: «Malgré ces évidences, certains pays continuent de prétendre que le Maroc n’a pas vocation à représenter l’Afrique, parce que sa population ne serait pas majoritairement noire. «
» Même parmi les 26 pays qui s’étaient placés dans le camp de la division en 19844 … » (Ce qui signifie qu’un pays africain n’est dans le bon camp que s’il soutient les rêves coloniaux marocains, sinon, il est dans le camp de division?)
Stratégie marocaine à venir pour détruire l’UA de l’intérieur:
» Le temps est venu d’écarter les manipulations, le financement des séparatismes, de cesser d’entretenir, en Afrique, des conflits d’un autre âge. »
» Agissant de l’intérieur, il contribuera à en faire une organisation plus forte, fière de sa crédibilité et soulagée des oripeaux d’une période dépassée.. »
«Par cet acte historique et responsable, le Maroc compte œuvrer, au sein de l’UA, en vue de transcender les divisions. »
Toutes ces déclarations indiquent que le Maroc est maintenant convaincu qu’il doit entrer dans l’UA pour la faire sauter de l’intérieur, puisqu’il n’a pas pu la faire revenir sur sa position de principe sur le Sahara occidental de l’extérieur. Il convient de rappeler ici que le Maroc n’a jamais cessé de créer et d’encourager toutes sortes de structures, de conférences ou d’initiatives continentales pouvant diviser les Africains, ou de donner des pouvoirs continentaux à des structures alternatives à l’UA. Le débat au sein de l’UA sur les différents partenariats est juste un petit exemple révélateur, étant donné que le Maroc a toujours fait en sorte que tous les partenaires traitent avec l’Afrique État par État au lieu de traiter avec l’UA en tant qu’union.
Déclarations trompeuses:
«Un pays dont l’engagement en faveur des justes causes n’est plus à démontrer. Un pays qui a toujours été et sera toujours, animé par une foi inébranlable en une Afrique forte de ses richesses et potentialités économiques, fière de son patrimoine culturel et cultuel et confiante en son avenir. « (Je me demande quand cela a jamais été le cas. Le Maroc colonise un État membre africain, a toujours soutenu les conspirations coloniales en Afrique, a toujours soutenu la plans néocoloniaux français en Afrique du Nord, a abandonné les Africains au cours des décennies les plus critiques de la vie de l’OUA etc.)
« Enfin, fidèle à sa tradition de solidarité et à son aspiration à la paix dans le monde, le Royaume du Maroc n’a pas cessé, depuis son départ de l’OUA, de prendre de multiples initiatives en faveur de la stabilité et la sécurité. » !! (C’est sans doute la raison pour laquelle le Maroc a des problèmes avec tous ses voisins : L’Algérie, la Mauritanie, le Sahara occidental, même certains pays européens, avec l’ONU, l’Afrique du Nord, l’UE etc. L’Afrique du Nord est la seule région en Afrique qui n’a jamais réussi à construire une véritable union régionale, justement à cause des tendances expansionnistes et revendications territoriales du Maroc sur tous ces pays au cours des années soixante-dix.)
» C’est le cas, tout particulièrement, des questions de sécurité et de lutte contre le terrorisme. L’expérience marocaine, largement reconnue sur le plan international et sollicitée par de nombreux pays – y compris européens – serait mise au service de la sécurité et de la stabilité de tous les pays africains, notamment ceux de l’Afrique de l’Ouest et Centrale. » (Le Maroc est considéré par l’ONU comme le plus grand producteur et exportateur de cannabis. Il est bien connu que cette production et ce commerce criminel injectent des milliards de dollars dans les boîtes noires marocaines et de nombreuses sources accusent les responsables marocains de participer à ces trafics. Tout le monde s’accorde à dire que le trafic de drogue finance le terrorisme et le crime organisé, alors comment la déclaration mentionnée ci-dessus peut être pertinente ? Un très grand nombre de terroristes sont originaires du Maroc et membres dans toutes sortes de groupes terroristes etc.)
Enfin, le roi persiste et signe : « [le Maroc] est confiant dans la sagesse de l’UA, pour rétablir la légalité et corriger les erreurs de parcours. Comme le dit le proverbe : « La vérité n’a point d’autre preuve de son existence que l’évidence ». » Pour lui, le Maroc rejoindra à l’UA à la condition que celle-ci répare une injustice présumée en expulsant la République sahraouie de l’Union africaine et en ouvrant la voie à l’entrée d’un grand Maroc éclairé. Parce que, selon lui, et «Après réflexion, il nous est apparu évident que quand un corps est malade, il est mieux soigné de l’intérieur que de l’extérieur.» Et il termine sa lettre avec une nouvelle insulte contre l’ UA, affirmant que celle-ci est malade et incapable de guérir sa maladie, à moins que le Maroc intervienne comme sauveur et médecin.
Conclusion
Il est évident que le Maroc tente d’obtenir l’adhésion à l’UA juste pour mettre fin à son soutien aux Sahraouis, ou dans le pire des cas pour la détruire de l’intérieur. Le Maroc est prêt à commettre toutes sortes d’actes de division au sein de notre organisation pour lui imposer ses vues colonialistes avec ou sans le soutien d’autres pays. Et le plus important est qu’il demande l’adhésion, mais en y mettant des conditions. Enfin, au lieu de présenter la demande humblement, officiellement et légalement, il a opté pour la diffusion publique de cette lettre humiliante non seulement pour les Sahraouis, mais aussi pour les Africains et l’Union africaine.
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