Écrit par MERIEM KACI ET LYES SAKHI
La nouvelle année 2017 commence au Maghreb sous le signe de développements politiques et diplomatiques importants. Ce mouvement a commencé à la fin de l’année écoulée et a vu notamment un rapprochement remarqué entre Alger et Nouakchott.
L’Algérie et la Mauritanie ont, en effet, annoncé leur volonté commune d’accroître leurs relations et de développer de nouveaux canaux de coopération et de partenariat économiques. C’est dans ce cadre que le Premier ministre mauritanien Yahya Ould Hademine s’est rendu à Alger pour la conclusion, avec son homologue algérien Abdelmalek Sellal, d’une série d’accords suivis de l’annonce de l’ouverture d’un poste frontalier algéro-mauritanien et d’une prochaine liaison aérienne par Tassili Airlines entre Alger et Nouakchott via Tindouf. Avant les institutionnels, des opérateurs et chefs d’entreprise algériens et mauritaniens s’étaient rencontrés au Forum africain d’investissement organisé par le FCE. Ce rendez-vous, clôturé par des accords et des promesses d’accords signale, selon les observateurs, le regain d’intérêt de l’Algérie pour la Mauritanie et réciproquement. Un réchauffement dont les conséquences sont à la fois de dynamiser les échanges intermaghrébins qui restent très modestes pour l’instant avec le voisin mauritanien et qu’on espère hisser à des niveaux plus importants, et de procurer surtout à Nouakchott un nouveau positionnement plutôt intéressant à observer au plan stratégique. Le rapprochement de la Mauritanie avec l’Algérie, pour ordinaire et souhaité qu’il soit, s’est tout de même effectué en même temps qu’une détérioration spectaculaire de sa relation avec le Maroc. Le point d’orgue de cette détérioration a été la déclaration, pour le moins surréaliste, de Hamid Chabat, chef du parti marocain El Istiqlal, le 24 décembre dernier, que la « Mauritanie est un territoire marocain ». Cette déclaration, qui transpire des idées du fondateur de l’Istiqlal Allal El Fassi et d’un expansionnisme nationalo-marocain, qu’on croyait jeté aux oubliettes de l’histoire, a provoqué en Mauritanie l’unanimité contre cette formation, en particulier, et le Maroc, en général. Hamid Chabat a été fortement critiqué par toutes les formations mauritaniennes dont le parti présidentiel, l’Union pour la République (UPR). Dans un communiqué virulent, l’UPR a mis en garde l’Istiqlal contre toute « atteinte à la souveraineté et à l’indépendance de la Mauritanie ». Il a imputé les propos de M. Chabat à « la médiocrité politique d’une élite marocaine en faillite et qui a, en outre, enfoncé le Maroc dans l’isolement et dans un état de tension avec tous ses voisins », selon la même source. Les relations entre la Mauritanie et le Maroc n’ont jamais été un fleuve tranquille depuis les années soixante mais cela faisait longtemps aussi qu’elles n’avaient pas connu un tel degré de crispation au point de faire réagir le Palais ! Le 28 décembre dernier, sur instruction du roi Mohamed VI, le Premier ministre Abdelilah Benkirane s’est rendu à Zouerate pour un entretien avec le président mauritanien Mohamed Ould Abdelaziz et « dissiper tout malentendu » après des propos polémiques du secrétaire général du parti de l’Istiqlal. M. Benkirane, qui a remis au président mauritanien une lettre du roi, a assuré que le souverain « accorde une grande importance au développement des relations entre les deux pays. La Mauritanie, comme tout le monde le sait, est un pays frère et cher et a une place spéciale auprès du royaume du Maroc».
Les « déclarations de M. Chabat n’engagent que lui-même. Elles ne reflètent ni la position du roi Mohammed VI, ni celle du gouvernement, ni celle du peuple marocain », a affirmé le Premier ministre marocain.
Nouakchott, acteur-clé et courtisé
Aucune déclaration attribuée au président Aziz n’a été rapportée. Une source officielle jointe par l’AFP a souligné que pour les besoins de la rencontre, le Président Aziz avait interrompu ses vacances dans la zone désertique du Tiris (extrême nord) pour se rendre à Zouerate. Il n’en demeure pas moins que de nombreuses indications attestent d’un froid persistant entre Nouakchott et Rabat, qui ne s’explique pas seulement par les propos du leader de l’Istiqlal qui a, par ailleurs, présenté ses excuses officielles à l’Etat mauritanien. En juin dernier, les autorités mauritaniennes, soupçonnant l’existence d’un réseau d’espionnage, ont prié des techniciens et des cadres marocains de quitter la compagnie nationale de télécommunications Mauritel, dans laquelle Maroc Télécom détient 51% des parts. Les postes sensibles doivent revenir aux Mauritaniens et non à des étrangers, a précisé Nouakchott. La décision du roi Mohamed VI de ne se pas se rendre au sommet de la Ligue arabe qui se tenait dans la capitale mauritanienne à la même époque, et de se faire remplacer par son ministre des Affaires étrangères, Salaheddine Mezouar, a été d’ailleurs perçue par des observateurs comme un signe de la crispation entre les deux voisins maghrébins. Les soupçons d’espionnage qui ont pesé sur le Maroc étaient assez lourds pour qu’ils deviennent un facteur de détérioration de la relation entre Rabat et Nouakchott. Ce qui a incité le royaume à calmer le jeu et à faire amende honorable après les déclarations du chef de l’Istiqlal. C’est, cependant, la vieille obsession que tout rapprochement mauritano-algérien serait une menace pour ses intérêts. Par le terme intérêts, il faut surtout comprendre Sahara occidental. Et pour s’en convaincre, il faut rappeler que les propos malheureux du chef de l’Istiqlal, Hamid Chabat, ont été proférés dans le contexte où le président de la Rasd et le chef du Polisario, Brahim Ghali, s’étaient rendus à Guerguerat à la frontière mauritanienne et hors du « mur de défense » érigé par l’armée marocaine. Le magazine sahraoui Futurosahara a parlé de la construction de « postes de surveillance fixes construits dans la zone frontalière entre le Sahara occidental occupé et la Mauritanie » et de mesures pour consolider « la souveraineté de l’État sahraoui sur les zones libérées », notamment celles qui sont proches de l’océan Atlantique. Rabat n’a pas réagi officiellement à cette visite, le chef de l’Istiqlal si. « Notre territoire est toujours occupé, et nous allons continuer la résistance jusqu’à ce que nous libérons toute notre terre dont les frontières sont connues. Elles s’étalent de Ceuta au fleuve Sénégal (…) La Mauritanie est une terre appartenant au Maroc pendant que le Polisario se trouve sur ses côtes atlantiques », a déclaré Hamid Chabat, le 24 décembre dernier. Et d’ajouter : «Il y a un complot mené par l’Algérie et la Mauritanie pour créer une ligne de démarcation entre le Maroc et l’Afrique au moment où le Maroc mène une bataille diplomatique pour revenir à l’organisation continentale ». La réplique de l’UPR mauritanien a été que ce n’est en aucun cas « la meilleure façon pour traiter les questions et les dossiers épineux. Elle ne mènera pas à la résolution du conflit au Sahara occidental », à l’heure où ce dernier va connaître dans les semaines prochaines d’importants développements, notamment au sein de l’Union africaine où le débat sur le retour du Maroc dans le giron panafricain, prévu lors au sommet de l’Union africaine à Adis Abeba à la fin de ce mois, relancera les discussions sur la cause indépendantiste sahraouie. Sur un autre volet, il est attendu à nouveau l’examen prochain du dossier sahraoui à l’ONU avec l’arrivée du portugais, Antonio Gutierrez, au poste de secrétaire général, et celle, aux Etats-Unis, du Président élu Donald Trump à la Maison-Blanche, le 20 janvier courant. Une évolution, qu’on le veuille ou non, va faire de Nouakchott l’acteur-clé de la sous-région durant les prochains mois, notamment pour le rôle qu’elle joue déjà dans la stabilité et la sécurité au Sahel -la Mauritanie est membre du G5 Sahel- et la lutte antiterroriste, mais également de la valeur de son point de vue qu’auront à solliciter les services onusiens et américains sur les développements au Sahara occidental.
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