Notre journal avait prévu cette préoccupante évolution à propos de la crise malienne
Panne sèche pour la médiation algérienne
Le nombre effrayant d’acteurs parasitaires, dont le plus vicié et le plus vicieux, s’est avéré être le Maroc, ne pouvait que déboucher sur une impasse quasi insurmontable, doublée, hélas, d’une très inquiétante reprise des affrontements armés.
La situation sécuritaire, hélas, n’en finit plus de se dégrader dans la par- tie septentrionale du Mali, ce qui compromet très sérieusement la médiation algérienne. Celle-ci, dès son lancement, donnait l’air de battre de l’aile, comme l’avait maintes fois écrit notre journal, indiquant à l’appui de cette analyse, la multiplication des acteurs parasitaires dont beaucoup ne veulent pas que du bien au Mali voisin. Outre les interférences françaises, dont les interventions militaires au Mali et en Libye se sont avérées catastrophiques, les » coups de pouce » du Burkina Faso et de la Mauritanie, qui ne vont pas tou- jours dans le sens souhaité, l’acteur le plus dangereux, sans doute, ne peut être que le Maroc. Celui-ci reçoit en effet, systématiquement les plus hauts dirigeants du MNLA (Mouvement National pour la Libération de l’Azawad), à la veille de la reprise de chaque nouveau round de négociations d’Alger.
Et, comme pour nous prouver que cette » intervention » cherche avant tout à court-circuiter la médiation algérienne, voilà que ce » minable » de ministre marocain des Affaires étrangères, Salah-Eddine Mezouar, vient de se trahir dans un entretien, récemment accordé au magazine Jeune Afrique, dans lequel on peut dire qu’il est passé aux aveux en des termes à peine déguisés.
Bref, tout porte à croire, aujourd’hui, que le quatrième round de négociations d’Alger prévu en janvier, puis reporté pour le mois d’après, risque d’être reporté sine die, pendant que la situation sécuritaire n’en finit plus de se détériorer sur le terrain et que les groupes terroristes ont refait leur apparition, reprenant même le contrôle de plusieurs localités et villes, à Gao et à Kidal.
Bref, comme il fallait s’y attendre et comme notre journal n’avait eu de cesse de le répéter, le Mali ne pouvait qu’aller de mal en pis depuis que la France a décidé d’y poser le pied mili- taire, contre l’avis tout aussi juste qu’éclairé du puissant voi- sin du Nord, l’Algérie. L’opération Serval de la France dans laquelle ce sont les Fatim (forces armées tchadiennes intervenant au Mali) qui ont payé le plus lourd tribut en servant de » chair à canon » à leurs collègues français, a surtout poussé les terroristes à s’éparpiller dans la nature, devenant encore plus difficiles à saisir et à combattre, alors que l’Algérie avait pour idée de chercher une solution politique à la crise malienne, histoire d’isoler les éléments les plus radicaux et d’en venir à bout plus facilement, une fois privés du soutien et de la protection de la population locale.
Plus grave et plus important encore, il était impossible, d’entrée de jeu, que la France voulut du bien au Mali alors que c’est elle qui se trouve déjà derrière la non-application de deux précédents accords de paix, tous deux paraphés grâce à la sage médiation d’Alger. Les choses ne pouvaient aller autre- ment alors que la guerre civile dans ce pays n’a éclaté qu’à la suite de l’élimination de Kadhafi en Libye sur instigation de la France. Ses arsenaux ont par la suite été pillés par les bandes de terroristes et de criminels de tous poils et de tous acabits, curieusement soutenus, armés et financés (jusqu’à un passé très récent) par la France et les pays de l’Otan. Ces mêmes bandes s’étaient mises à pour- chasser et assassiner les Touareg vivant dans l’ex- Jamahiriya, sous prétexte qu’ils auraient soutenu le défunt guide libyen. S’en est suivi un exode massif de Touareg bien entraînés et lourdement armés vers le Mali, où ils ont défait l’armée régulière en quelques jours à peine. La suite, tout un chacun la connait. Le Mali continue, bon an mal an, d’osciller entre l’enfin et le purgatoire. Aucune solution durable n’est envisageable tant que la crise libyenne n’aura pas été résolue et que la France n’aura pas arrêté de manœuvrer de son côté, soit directement, soit en faisant appel à ses relais locaux, comme le Maroc ou le Burkina Faso, jusqu’à la récente chute de Blaise Compaoré.
Retour à la case départ
C’est la raison pour laquelle, d’ailleurs, il ne faut pas s’atten- dre à des » miracles » au qua- trième round de ce dialogue, sachant qu’il intervient alors que la situation n’en finit plus de se dégrader dans la partie septen- trionale de ce pays. La cerise sur le gâteau, comme indiqué au début de ce texte, nous est donc venue des services secrets français. A les croire, donc, les groupes terroristes se seraient remobilisés au nord du Mali depuis le début du retrait des troupes de Serval. Malgré l’intervention coup- de-poing des militaires de la force Barkhane contre un campement terroriste dans le massif du Tigharghar, fin octobre, la situation demeure extrêmement précaire dans le Nord du pays. Début novembre, le ministre de la Défense français, Jean-Yves Le Drian, a été reçu par le prési- dent Bouteflika durant une heure. Au programme de la rencontre, la situation sécuritaire dans la région sahélienne, particulièrement au Mali, ainsi qu’en Libye. Depuis la fin officielle de l’opération Serval, en Juillet 2014, et le retrait des troupes françaises, les groupes djihadistes se sont renforcés au nord du pays.
Des camps d’entrainement se sont reformés notamment dans le massif de Tigharghar, devenu une zone de stationnement des groupes armés entre Kidal et Tessalit. Fin octobre, les militaires français de l’opération Barkhane, qui a remplacé Serval, y ont mené une offensive contre le campement d’un important groupe djihadiste. Bilan, un soldat français et vingt-quatre terroristes tués au cours de violents accrochages. Une remobilisation qui s’accompagne d’une recrudescence d’attaques, qui ont fait notamment 34 victimes dans les rangs de la force de maintien de la paix de l’Onu (Minusma).
La diffusion de la vidéo de l’otage français Serge Lazarevic, cap- turé en 2011, est un moyen de plus pour Aqmi de réaffirmer sa présence dans la zone sahé- lienne, au moment où l’Etat isla- mique joue la concurrence sur la scène internationale. En juillet 2014, Aqmi a publiquement rejeté l’annonce par l’EI de la création d’un califat. Le groupe a renouvelé son allégeance au chef d’al-Qaïda, Ayman al- Zawahiri, en conflit ouvert avec le chef de l’EI, Abou Bakr al- Baghdadi. Dans un communiqué rendu public en septembre 2014, Aqmi déclarait soutenir l’Etat islami- que sans pour autant lui prêter allégeance. K. Z.
La Tribune des Lecteurs, 25/01/2015
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