Par Mohamed Abdoun
Sans doute n’en finirais-je jamais de dire que l’idée de permettre l’implantation d’une chaine de montage (bien lire chaine de montage et non pas complexe de construction automobile) automobile Renault n’était pas une si bonne idée que cela. L’exclusivité dont va jouir ce constructeur, déjà assuré d’écouler sa marchandise en dépit de son prix prohibitif, il ne se contente plus de se comporter en parasite chez nous alors que chez le voisin marocain il se plie en quatre pour satisfaire le moindre de ses caprices.
Au Maroc, en effet, Renault a mis en place un vrai complexe de construction, qui produit plusieurs modèles en quantités dix fois supérieures à notre chaine de montage, dont du haut de gamme, destiné à l’exportation vers l’Europe, ce qui n’est pas peu dire. Chez nous, en revanche, on ne monte que la Symbol, ce véhicule bas de gamme, et uniquement destiné à la consommation interne. Inutile de rappeler encore que cette voiture n’a rien d’algérien. Et qu’il n’y en aura pas d’autres avant pas mal de temps puisque Renault a également pris la peine de s’assurer une totale exclusivité pour une durée de trois ans, ce me semble.
Et, comme si cela ne suffisait pas, voilà qu’il vient de décider de se mêler carrément de notre politique, de piétiner notre souveraineté, et de se faire le porte-parole des autorités marocaines. Celles-ci, souvenons-nous, avaient supplié, tempêté, exigé, demandé, que l’Algérie accepte la réouverture de ses frontières terrestres avec le royaume chérifien. La réponse algérienne a toujours été la même : cela doit se faire dans un cadre global, incluant donc la lutte contre la contrebande et le trafic de drogue (sachant que le Maroc est le plus gros producteur et exportateur de résine de cannabis), le règlement de la question sahraouie et la relance du processus d’édification de l’UMA. L’Algérie est très à l’aise pour imposer ces conditions, sachant que c’est le Maroc qui, en 1994, avait ordonné cette fermeture, histoire de tenter de nous étouffer, de nous faire le plus mal possible et même de livrer l’Algérie, pieds et poings liés, à l’hydre de l’islamisme intégriste.
Hassan II, qui voulait faire de l’Algérie un laboratoire grandeur nature et à ciel ouvert, n’en avait jamais fait secret, qui était même allé jusqu’à recevoir en ses palais l’émir fondateur du GIA, Abdelhak Layada afin de lui proposer armes, argent et possibilité de repli derrière les frontières marocaines. Bref, Jacques Prost, directeur général de Renault Maroc, vient de lancer un véritable pavé dans la mare. » il ne peut y avoir de possibilité d’échanges de pièces ou de composants entre les deux usines Renault, de Tanger et d’Oran, le contexte politique entre l’Algérie et le Maroc ne le permet pas « , a en effet déclaré ce responsable dans une intervention faite au niveau de l’Institut du Monde Arabe de Paris.
Il ne s’agit rien moins que d’une façon sournoise et malsaine de tenter de forcer la main à l’Algérie afin qu’elle ouvre ses frontières terrestres avec le Maroc. Cela au profit exclusif du Maroc bien sûr. S’agissant de Renault, par exemple, tout échange ne se ferait qu’à sens unique en comparaison du mastodonte de Tanger, produisant des véhicules haut de gamme destinés à l’Europe, avec un taux d’intégration appréciable, et la chaine de montage d’Oran qui ne fait que réceptionner de la pièce à assembler venant de Roumanie. Il semble ainsi que Renault se soit rendu compte qu’il pourrait réduire son coup de » montage » en Algérie si la pièce venait du Maroc plus proche et non plus de la Roumanie.
Renault peut également avoir cédé à l’envie de faire plaisir au roi Mohamed VI en volant à son secours au moment où la pression internationale se fait intenable concernant ses atteintes aux droits de l’Homme ainsi que sa politique colonialiste et criminelle au Sahara Occidental. L’idée d’implanter cette chaine de montage Renault était on ne peut plus mauvaise. Non seulement je persiste et je signe, mais en plus je me rends compte aujourd’hui qu’elle sentait carrément le soufre ! La sortie médiatique du chef de l’usine de Tanger, qui nous fait chanter au passage en précisant que les coûts de production de la Symbol, pardon les coûts de montage, pourraient être réduits, et donc le prix du véhicule également réduit, si les pièces détachées venaient du Maroc et non plus de Roumanie, de Turquie et de France. Sic ! Cela rappelle à s’y méprendre un célèbre épisode de la non moins célèbre Odyssée du poète grec Homère. M. A.
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