Une journaliste de l’hebdomadaire magazine du Monde a été récemment expulsée manu militari de Dakhla par les autorités marocaines, au moment où elle réalisait un reportage sur cette ville sahraouie occupée par le Maroc depuis plus de 40 ans.
Dans son reportage « Dakhla, le spot de glisse qui cache la poudrière », Camille Lavoix raconte qu’elle a pu se rendre à Dakhla, une ville classée depuis 2014 en tête des spots de sports nautiques à l’échelle mondiale qui se trouve à 650 km au sud de la capitale sahraouie El-Ayoun, dans le cadre d’un voyage touristique.
Mais dès que les renseignements généraux marocains ont su qu’elle était venue pour un reportage, elle a été conduite à l’aéroport sans aucune explication. Une expulsion que la direction du Monde a « vivement regrettée ».
« Quand le lobbying ne suffit plus, la force est employée. A 5 heures du matin, sur ordre des renseignements généraux, le sous-préfet de Dakhla est venu me chercher dans mon bungalow, accompagné de gendarmes et de policiers.
Leur ordre ? Ne pas me parler et m’emmener à l’aéroport », a-t-elle indiqué, soulignant que personne n’a accepté de lui donner un motif ou de la laisser « voir un officiel marocain ou l’agent de liaison français, encore moins de voir un juge pour être expulsée en bonne et due forme ».
Durant son vol de retour, elle évoque qu’elle a été « isolée au fond de l’avion », citant les propos d’une hôtesse de l’air marocaine qui lui a indiqué que les membres de l’équipage n’ont « pas le droit de (lui) adresser la parole ».
Elle a rappelé qu’elle est 145e personne expulsée du Sahara occidental, dernière colonie africaine, listée par les Nations unies en 1964 territoire non-autonome, donc éligible à l’autodétermination.
« Journalistes français, étrangers, avocats et même députés européens selon l’Association française d’amitié et de solidarité avec les peuples d’Afrique, je suis la 145e personne expulsée de la sorte depuis avril 2014. Un +débat+ dans lequel Yves Chauchat, le vice-consul de France à Agadir, ne +souhaite pas rentrer+ », a-t-elle précisé, estimant que l’exaspération des Sahraouis « transforme la zone en baril de poudre ».
Dans son reportage, la journaliste fait état de l’étonnement des touristes de croiser, sur leur chemin, de « nombreux camions militaires et les check points croisés sur la route », mais, a-t-elle noté, « la majorité d’entre eux est loin d’imaginer qu’ils s’apprêtent à rider non loin d’un mur plus grand que n’était celui de Berlin û 2 700 km û, gardé par 120 000 militaires marocains et truffé de mines antipersonnel ».
Afin d’apporter plus d’éclairages à la situation du Sahara occidental, dont le Conseil de sécurité rappelle dans toutes ses résolutions la tenue d’un référendum d’autodétermination, l’auteure cite le député-maire de Tomblaine (France) Hervé Féron, auteur du documentaire « Un mur dans le désert » qui défend le droit des Sahraouis à l’autodétermination.
Pour ce député, Dakhla est un instrument de « soft power » pour le pouvoir marocain, estimant que la position de la France est « lache ».
« Nos dirigeants ont forcément un devoir de diplomatie. Le réseau d’influence marocain est très important, on ne peut pas dire les choses. A force d’être invité [e] s au Maroc, [les autorités françaises] se taisent. C’est un vrai problème », a-t-il expliqué à la journaliste du Monde, qui cite également le professeur à l’université de San Francisco et coauteur d’un livre sur le Sahara occidental (Western Sahara – War, Nationalism and Conflict Irresolution), Stephen Zunes, qui lui a indiqué que le Maroc « peut échapper à ses obligations légales car la France et les Etats-Unis bloquent les résolutions de l’ONU qui réclament l’autodétermination du peuple ou simplement l’observation des droits de l’homme »,
soulignant que « le seul espoir est une campagne de la société civile, la potentielle action des citoyens français et américains ».
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