La France tentée par un engagement militaire au Sahel

L’otage français tué par l’Aqmi: La France tentée par un engagement militaire au Sahel 
par Salem Ferdi
La mort de l’otage français a été officialisée par le gouvernement français qui justifie l’intervention menée contre un camp de l’Aqmi. Sarkozy promet des représailles. Une intervention plus musclée, «à l’américaine», dans la région du Sahel, semble se profiler.
 Michel Germaneau, l’otage français, a été tué. La nouvelle «sonore» avait été annoncée dimanche soir par Droudkel, l’émir de l’Aqmi, dans un enregistrement diffusé par la chaîne Al Jazeera. «Sarkozy n’a pas seulement échoué à libérer son compatriote dans cette opération manquée, mais il a sans aucun doute ouvert l’une des portes de l’enfer pour lui, son peuple et sa nation. Nous annonçons avoir exécuté l’otage français dénommé Michel Germaneau samedi 24 juillet pour venger nos six frères tués dans la lâche opération de la France». La mort de Germaneau a été officialisée hier, après authentification de la voix de Droudkel, par le président français Nicolas Sarkozy qui a dénoncé un «acte barbare et odieux» accompli par des «gens qui n’ont aucun respect de la vie humaine». Le président français, pour nier le lien de causalité établi par Droudkel entre l’opération franco-mauritanienne au nord du Mali contre un camp de l’Aqmi qui a fait sept morts, a noté que «depuis le 12 juillet, Michel Germaneau était sous le coup d’un ultimatum qui n’était en fait que l’annonce d’un assassinat programmé. Aujourd’hui, comme cela avait été annoncé par l’ultimatum du 12 juillet, il est mort».  
«Mort programmée»
L’opération menée jeudi au Mali rendait le sort de Michel Germaneau très délicat. Le président français et le reste des autorités françaises refusent d’établir un lien entre cette opération et la mise à mort de Germaneau. Pour Paris, la preuve que la mort de Germaneau était «programmée» tient au fait que l’Aqmi a fixé un ultimatum sans même avoir amorcé une négociation. Le président français a justifié le raid mené contre un camp de l’Aqmi. «Le camp de base qui a été détruit était susceptible d’être le lieu de détention de Michel Germaneau. Malheureusement Michel Germaneau ne s’y trouvait pas. Aujourd’hui il est mort», a annoncé le président français en demandant «instamment» aux ressortissants français de renoncer à se rendre au Sahel.
La question de l’incidence de l’opération franco-mauritanienne sur le sort de l’otage français restera sans doute sans réponse probante. Il est évident que s’il était en vie, l’opération de jeudi dernier a scellé son sort. D’où la question : les autorités françaises considéraient-elles que Germaneau était déjà mort ? Des médias français laissent entendre, en invoquant l’état de santé de l’otage et son âge, qu’il était sans doute déjà mort depuis des semaines. On affirme, sans en comprendre vraiment les raisons, que le cas de Germaneau se présentait «d’emblée» comme différent de celui de Pierre Camatte, qui a été retenu par le même groupe et qui a pu être libéré contre la libération de prisonniers par le Mali et le versement d’une rançon.
Il restera une grande part de doute et ce n’est pas l’Aqmi qui va contribuer à les lever, bien au contraire. M. Olivier Thomas, le maire socialiste de Marcoussis (Essonne), où résidait Michel Germaneau, n’a apparemment pas été satisfait des explications du président français. «Malgré ce qu’a dit le président de la République sur le devoir d’intervenir, il y a quand même des zones d’ombre dans cette affaire que je n’arrive pas à élucider… Est-ce un changement d’attitude de la France vis-à-vis de ses ressortissants lorsqu’ils sont pris en otage ? Moi, je n’ai pas le souvenir qu’il y ait un otage français qui ait été exécuté depuis extrêmement longtemps». Le maire de Marcoussis a égrené des questions pertinentes : «Je souhaite qu’on me dise comment, pourquoi, dans quelles conditions et qui a décidé ces interventions militaires, avec quelle part de risque pour l’otage, avec quelles conséquences».
Madrid confortée dans le choix d’une solution non militaire
Le président français a annoncé que «le crime commis contre Michel Germaneau ne restera pas impuni». Une déclaration de guerre à l’Aqmi accompagnée d’une forte insistance à demander aux Français de quitter la région du Sahel. Le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, a été dépêché dans la région du Sahel, afin, a dit le président français, «d’examiner avec les autorités locales et nos ambassadeurs les mesures de sécurité à prendre pour nos ressortissants». Entre annonce de représailles et rapatriement des citoyens français, on peut supposer que Paris est tenté par une intrusion plus musclée dans la région du Sahel. Au risque d’ailleurs de compliquer la situation. Ce n’est pas un secret de dire que l’Algérie est hostile à une intervention extérieure et estime que le traitement du terrorisme relève des Etats de la région. En tout cas, l’Espagne dont deux citoyens sont détenus par l’Aqmi estime que la mort de l’otage français la conforte dans son approche «non militaire» pour les libérer.
Le Quotidien d’Oran, 27/7/2010

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