Un scénario à la pakistanaise au Sahel ?

L’opération militaire franco-mauritanienne au Mali soulève de nombreuses questions 
Fiasco ou écran de fumée, l’opération militaire franco-mauritanienne au Mali soulève de nombreuses questions ! En effet, l’échec annoncé de l’action censée libérer l’otage français Michel Germaneau lève le voile sur la stratégie adoptée par Paris. L’intervention musclée contre la base de l’AQMI dans le désert malien contraste avec l’attitude précédente du gouvernement français qui a favorisé le compromis pour la libération de l’agent Pierre Camate en février dernier. Les contradictions de Sarkozy risquent de coûter cher à la Mauritanie et au Mali, deux maillons faibles de la région.
L’opposition mauritanienne est montée hier au créneau. «L’opération a été menée avec la participation de troupes étrangères et probablement sans concertation préalable avec le pays dont le territoire lui a servi de théâtre», a souligné la Coordination de l’opposition démocratique (COD) dans un communiqué rendu public.
La COD estime que ces faits sont «d’une extrême gravité» et «mettent notre pays dans une situation de guerre non déclarée» sans «l’aval du Parlement». Elle exprime, par conséquent, «sa grave inquiétude suite à ces événements qui ajoutent au climat d’insécurité sur nos frontières». L’opposition «appelle le gouvernement à éclairer l’opinion nationale sur les vraies circonstances de cette opération, ses mobiles et les objectifs visés derrière elle», estimant que cela «demeure encore ambigu».
Qu’en est-il au juste ? Cette action a-t-elle été programmée pour prévenir une attaque de l’AQMI contre la Mauritanie ou pour libérer l’otage français Michel Germaneau ? La COD exige «une clarification de la situation des forces étrangères qui se trouvent actuellement sur notre territoire et dont l’opération d’hier vient de confirmer la présence».
Avant-hier, le ministre mauritanien de l’Intérieur, Mohamed Ould Boilil, a affirmé que l’armée mauritanienne avait lancé un raid jeudi hors de ses frontières contre un groupe lié à Al-Qaïda au Maghreb islamique. «Six membres de l’AQMI ont été tués et quatre ont pris la fuite», a déclaré le ministre, qui a précisé que l’un des fuyards a été blessé. Il a assuré que ce groupe s’apprêtait à lancer le 28 juillet une attaque en Mauritanie sans en préciser la nature. «L’opération ne s’est pas déroulée sur notre territoire, mais pas loin de nos frontières», a-t-il assuré sans préciser où, mais en laissant entendre qu’il s’agissait du Mali.
Action préventive donc ou sous-traitance pour le compte de puissance tierce, la France dans ce cas ? L’attitude mauritanienne est des plus ambiguës, d’autant plus que Nouakchott collabore activement avec d’autres pays de la région dans la lutte antiterroriste. Dans cette affaire, la Mauritanie aurait fait d’une pierre deux coups : détruire les infrastructures terroristes qui auraient pu servir de point de départ de toute attaque de l’AQMI contre son territoire et, avec le soutien logistique et technique de la France, libérer l’otage qui est entre les mains de l’«émir» Abou Zeid depuis avril dernier.
Hier, des dépêches de l’Agence France Presse apportent un nouvel éclairage concernant cette affaire. «Les Français sont en train de tout faire pour obtenir la libération de Germaneau», a rapporté l’AFP, qui cite une source militaire étrangère à Bamako, la capitale du Mali. Cette source a également affirmé que le raid militaire mauritanien de jeudi contre une unité de l’AQMI, qui détient l’otage, avec le soutien de la France, n’aurait été qu’un «écran de fumée».
«Les Américains et les Français ont soutenu cette opération d’une manière ou d’une autre et au même moment, ailleurs dans le grand désert, a eu lieu une autre qui se poursuit actuellement», a-t-elle ajouté, en affirmant que des forces d’autres pays de la région y participeraient également. Lesquelles ? Le mystère reste entier ! Le renforcement de la coopération régionale dans la lutte antiterroriste supposerait l’implication des Etats de la région, parmi lesquels l’Algérie et le Niger.
Signe de la montée de la tension dans la région du Sahel, la recrudescence des alertes antiterroristes. D’abord, l’attaque qui a coûté la vie à onze gendarmes algériens à Tinzaouatine au début de juillet, les avertissements américains et français sur la fragilité sécuritaire du Burkina Faso et, enfin, l’opération actuelle au Mali, l’homme malade du Sahel.
Pour Washington, Al-Qaïda au Maghreb islamique constitue une menace après le raid franco-mauritanien meurtrier de jeudi dernier. Le porte-parole du département d’Etat Philip Crowley a précisé, vendredi dernier, que le groupe constituait avant tout une menace dans la région. «Nous avons vu au fil du temps que la menace vise certaines parties de l’Europe. Bien sûr, cela peut potentiellement menacer les Etats-Unis aussi», a-t-il reconnu devant la presse.
La voie à l’intervention étrangère dans la région semble grande ouverte. A défaut d’une réelle coopération régionale en la matière, c’est la faillite des Etats qui est programmée avec, en filigrane, la répétition du scénario à la pakistanaise dans le «sanctuaire» malien.
M’hamed Khodja
Le Jeune Indépendant, 257/2010

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