Ce que Aboubakar Al Jamai et Ali Anouzla ne veulent pas voir
Dans un article, à lire absolument, dirais-je, ces deux journalistes marocains de premier plan, ont avancé une théorie simplement insoutenable:
Selon eux, «lors des importantes manifestations à Laâyoune en septembre 1999, il n’y avait pas un seul drapeau de la RASD, ni revendications d’indépendance ».
Selon eux, « l’adhésion d’une jeune génération sahraouie, qui est née après la marche verte et a fréquenté l’école publique marocaine, au chantier d’un Maroc démocratique aurait dû être le meilleur atout du Maroc pour régler la question du Sahara».
Et ils concluent que «Seule la démocratisation des institutions du pays nous donnera une chance de faire reconnaître la souveraineté du Maroc sur son Sahara et immuniser son intégrité territoriale».
On tente ainsi de faire croire que ce sont des raisons économiques, sociales ou culturelles qui poussent les Sahraouis dans la rue, en brandissant des drapeaux de la RASD.
Volontairement ou non, mais je penche plutôt pour la première option, les deux journalistes ignorent les véritables faits et raisons qui motivent les jeunes et moins jeunes Sahraouis à manifester, en arborant la «Zreiga» (expression populaire pour le drapeau de la RASD).
Ce n’est pas seulement quand ils sortent dans la rue, mais dès leur naissance et au sein de leurs mères qu’ils s’imprègnent de l’indomptable esprit de lutte pour la liberté et l’indépendance du Sahara Occidental. Arrivés à un certain âge, ils tombent sur les arguments irréfutables en faveur de l’autodétermination émis par la Cour internationale de La Haye. Il suffit de regarder une carte mondiale sur un quelconque site web d’un quelconque pays dans le monde, pour voir que le Sahara Occidental n’est pas marocain. Et il suffit de consulter les archives d’un quelconque journal, pour lire que le Maroc refuse aujourd’hui un référendum qu’hier il avait accepté.
Mais encore, lisez ceci:
Les positions publiques et solennelles assumées par le Royaume du Maroc concernant le Sahara Occidental:
1) – Dey Ould Sidi Baba, représentant du Maroc au Comité des 24 (Addis-Abeba, 7 Juin, 1966):
J’appelle à «l’indépendance du Sahara Occidental dans les plus brefs délais et que ce soit une indépendance authentique, ainsi nous pourrons surmonter l’impasse actuelle. Une fois maîtres de leur destin, les habitants de la région pourront librement user de leurs droits en tant que citoyens dignes et conscients et agir en faveur d’une politique qui correspond aux objectifs nationaux de leur peuple» (trad. de l’anglais).
2) -. Mohamed Charkhawi, ministre marocain des Affaires étrangères. Discours lors de la 21ème session de l’Assemblée générale des Nations Unies le 13 Octobre 1966:
« Le Maroc soutient une véritable indépendance pour le Sahara Occidental, en mettant l’avenir de la région dans les mains de ses fils qui, dans un contexte de liberté décideront librement de leur autodétermination. C’est pourquoi, j’appelle à l’organisation d’un processus d’autodétermination selon les étapes suivantes: retrait des forces militaires espagnoles du territoire et déploiement de forces de l’ONU (…) retrait de l’administration espagnole et retour des réfugiés sahraouis de l’étranger. Ce sont les conditions dont l’ONU pourrait assumer la responsabilité, avec le soutien des autorités marocaines et espagnoles.» (trad. de l’anglais).
3) – Le roi Hassan II déclara lui-même lors d’une conférence de presse le 30 juillet 1970 que:
«Au lieu d’aller revendiquer tout court le territoire du Sahara, j’allais faire la demande spécifique qu’une consultation populaire ait lieu, assuré que le premier résultat serait le départ des non africains et qu’on laisserait au peuple du Sahara de choisir entre la vie sous les égides marocaines, sous leur propres égides ou sous n’importe quelles autres égides». Conférence de presse du Roi Hassan II, le 30 juillet 1970, in Annuaire de l’Afrique du Nord, 1970, CNRS, Paris, 1971, p. 807.
4) -. M. Butaleb, représentant du Maroc à la 25ème session de l’Assemblée générale de l’ONU (12 octobre, 1970).
« Le Maroc et les pays voisins, concernés par la paix dans la région, le développement et la coopération réciproque, ont décidé de mettre en œuvre et de faciliter l’application de l’autodétermination du territoire du Sahara Occidental, en collaboration avec l’organisation internationale et de la puissance administrante. » (trad. de l’anglais)
5) -. M. Benhima lors de la 28éme session de l’Assemblée générale des Nations Unies (3 octobre, 1973) a annoncé au nom du gouvernement marocain:
« ll est connu que mon pays proclame solennellement et devant d’autres autorités internationales qu’il est en faveur de l’autodétermination du peuple de ce territoire voué à la décolonisation du Sahara Occidental». (trad. de l’anglais)
6) – Les chefs. d’Etat d’Algérie, de Mauritanie et du Maroc proclamèrent à Nouadhibou et à Agadir, leur «attachement inébranlable au principe de l’autodétermination et leur souci d’assurer que ce principe serait implémenté dans un cadre qui garantit l’expression libre et vraie des habitants du Sahara, en conformité avec les décisions des Nations Unies relatives à cette question». Communiqués conjoints tripartites du 14 septembre 1970 à Nouadhibou (Mauritanie) et du 24 Juillet 1973 à Agadir (Maroc)
7) -. Le Maroc avait, lors de la réunion du Conseil de Ministres de l’Organisation pour l’Unité Africaine (OUA) tenue à Rabat, travaillé activement pour l’adoption de la Résolution du Conseil des Ministres n° 15, CM-RES. 272, 1972, qui demandait à l’Espagne, puissance administrante du Sahara Occidental de «créer une atmosphère libre et démocratique dans laquelle le peuple de ce territoire peut exercer son droit à l’autodétermination et à l’indépendance sans délai et en conformité avec la charte des Nations Unies».
8) – Roi Hassan II du Maroc lors de son discours devant la 37ème session de l’Assemblée générale de l’ONU, 27/09/1983, déclara :
«Le Maroc vous dit qu’il veut le référendum, le Maroc vous dit qu’il est prêt à ce que le référendum ait lieu dès demain si vous le vouliez, le Maroc est prêt à accorder toutes les facilités à tous les observateurs d’où qu’il viennent pour qu’il y ait un cessez-le-feu et pour qu’il y ait une consultation juste, équitable et loyale. Enfin, le Maroc s’engage solennellement à être, et à se considérer comme obligé et tenu par les résultats de ce référendum».
Mais ce n’est pas tout. Le Maroc a un sérieux problème, non pas avec les Sahraouis, mais avec la communauté internationale dans son ensemble. Le Maroc est le seul pays au monde qui célèbre ce que la communauté internationale déplore. C’est chose grave, pour un peuple, d’être contraint, par ses dirigeants, à célébrer ce que le reste des habitants de la planète qualifient comme déplorable.
Année après année, le Makhzen marocain pousse son peuple à célébrer la marche verte. Et sans nul doute, la marche verte est un événement déplorable, non seulement pour les Sahraouis, mais aussi pour la communauté internationale.
J’ai du mal à croire que messieurs Abubakar Al Jamaï et Ali Anouzla n’ont pas lu la résolution 380 (1975) du Conseil de sécurité, qui stipule expressément que le Conseil,
1. Déplore l’éxécution de la marche;
2. Demande au Maroc de retirer immédiatement du territoire du Sahara occidental tous les participants à la marche;
Ce sont des résolutions de ce type, messieurs Al Jamaï et Anouzla, qui renforcent les Sahraouis, ceux d’aujourd’hui, ceux de demain et d’après demain dans leur détermination à poursuivre la lutte pour un Sahara libre. Est-ce que vous comprenez, maintenant?
Lors de festivités au Maroc, qu’elle soient religieuses ou nationales, le royaume reçoit des messages de félicitation de nombreux États. Par contre lors de ce que le Makhzen appelle la «fête de la Marche verte», le Maroc ne reçoit aucune félicitation. Ce doit être très triste de constater que l’annonce de votre anniversaire y compris sur votre mur Facebook, n’incite personne à vous congratuler.
Le Maroc a beau investir au Sahara Occidental et démocratiser au maximum ses institutions, il ne pourra pas se sortir de son isolement international en ce qui concerne la question du Sahara Occidental. Pour cesser d’être un Etat paria, le Maroc n’a qu’une solution: conformer sa conduite aux exigences du droit international, en reconnaissant au peuple sahraoui son droit à l’autodétermination et à l’indépendance. Et les intellectuels marocains devraient être au premier rang dans la diffusion de ces idées, au lieu de ressasser les stéréotypes du Makhzen. Après tout, en plaidant publiquement et ouvertement pour l’indépendance du Sahara Occidental, M. Al Jamai et Anouzla ne feraient que répéter les positions honorables que leurs ancêtres Mohamed Charkhawi, M. Butaleb, et M. Benhima avaient assumées publiquement.
PS. Pour lire l’article de Al Jamaï y Anouzla: http://www.lakome.com
Si le nom de Dey Ould Sidi Baba vous dit quelque chose, lisez le brillant article de Jatri Beiruk (en espagnol):http://saharaopinions.blogspot.com.es/2009/10/la-historia-se-repite.html
par Haddamin Mouloud Saïd
traduction de l’original en espagnol: « Es la fuerza de la razón, señor es »
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