PARIS- Le Maroc continue de privilégier « l’impunité » au détriment de la vérité, notamment en laissant des cas de disparitions forcées non encore élucidées, et ses forces de sécurité continuent d’opérer des arrestations « arbitraires », a déploré, samedi à Paris, le collectif Al Haqiqa (la vérité) englobant des associations marocaines de défense des droits humains en Europe.
« Bien que le Parlement marocain ait finalement ratifié la convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées en septembre 2012, plusieurs cas de disparitions forcées ont été enregistrés, en particulier depuis l’adoption de la loi antiterroriste du 29 mai 2003 », a affirmé le collectif El Haqiqa, qui a effectué une évaluation de la situation des droits de l’Homme au Maroc.
Pour le collectif Al Haqiqa, qui regroupe les associations marocaines en Europe de défense des droits humains et des familles de victimes des disparitions forcées, si l’instance équité et réconciliation (IER) avait permis de faire la lumière sur une partie des cas de disparitions forcées, le sort d’un grand nombre de personnes « reste à élucider ».
L’IER est un organisme mis en place en 2004 par le roi Mohamed VI, qui avait pour rôle de réconcilier le peuple marocain avec son passé, après une période marquée par le régime autoritaire du roi Hassan II.
Parmi ces cas, figurent, entre autres, l’affaire Ben Barka et l’affaire Houcine El Manouzi, « dont les noms, a soutenu le collectif, restent intimement associés à la disparition forcée, en plus de l »’impunité » des auteurs de ces disparitions qui continue à prévaloir, « en contradiction avec le droit international ».
« Les services de sécurité continuent de bénéficier de larges pouvoirs en matière d’arrestation et de détention de personnes dans des lieux tenus secrets, et notamment celui de la Direction de surveillance du territoire +DST+ à Temara », a encore souligné Al Haqiqa.
Pour ce collectif de défense des droits de l’homme, la réforme de la gouvernance des appareils de sécurité, conformément aux recommandations de l’IER, « n’a toujours pas été entamée. Pire encore, a-t-on noté, une loi adoptée en 2012 accorde aux militaires l’immunité du moment qu’ils agissent sur ordre de leurs supérieurs hiérarchiques ».
Supplices physiques, psychologiques et sexuels
S’agissant de la pratique de la torture, le collectif Al Haqiqa a indiqué que même si le Maroc avait enregistré une « avancée importante » sur ce point, en adoptant en 2005 une loi criminalisant la pratique de la torture, des rapports continuent de faire état « de supplices physiques, psychologiques et sexuels, entraînant parfois des décès, dans les lieux de détention ou à l’occasion d’interrogatoires ».
« Des manifestations publiques pacifiques sont brutalement dispersées par les forces de l’ordre et notamment celles organisées par le Mouvement du 20 février depuis deux ans, ou des sit-in se déroulant principalement devant le Parlement à Rabat ou des quartiers populaires de Sidi Ifni, Marrakech, Taza et d’autres grandes villes, blessant ainsi plusieurs manifestants », a notamment relevé Al Haqiqa.
« Alors que les recommandations de l’IER insistent sur la mise en place d’une stratégie nationale de lutte contre l’impunité, les forces de l’ordre, responsables de ces exactions, ne sont pas tenues de rendre compte de leurs actes et les victimes n’ont pu bénéficier d’aucune forme de réparation ou de prise en charge », s’est indigné le collectif.
Evoquant la réforme du système judiciaire, Al Haqiqa a observé que les réformes promises par le régime marocain « tardaient à voir le jour », précisant que « des violations des droits de l’Homme continuent d’être observées, notamment en ce qui concerne le droit à un procès équitable ».
Les libertés d’expression et de presse ne sont pas garanties
Concernant la liberté d’expression et la liberté de la presse, Al Haqiqa a fait remarqué que « l’augmentation des procès à l’encontre des journalistes, leur condamnation à des peines de prisons et/ou à des pénalités financières importantes, ainsi que la suppression, voire l’interdiction de certaines publications montrent que la liberté d’expression n’est toujours pas garantie et a même observé, ces dernières années, un net recul ».
Après ce constat « sévère » sur la situation des droits humains au Maroc, le collectif Al Haqiqa met en garde contre le fait que, plus de sept ans après la fin de la mission de l’IER, la vérité sur « les violations graves » des droits de l’Homme durant les années de plomb et les responsabilités en la matière ne sont toujours pas connues.
« L’écrasante majorité des recommandations faites par l’IER, en vue d’améliorer les structures institutionnelles, n’ont pas été mises en £uvre », a-t-elle noté.
Cet échec à mettre en oeuvre ces recommandations révèle un « manque » de volonté politique à mettre en place des garanties « efficaces » pour la protection des droits humains et de changer la structure politique qui a permis que des violations des droits humains se produisent « dans un climat d’impunité quasi totale », a soutenu le collectif.
Al Haqiqa attire ainsi l’attention de l’opinion publique nationale et internationale sur cette situation « déplorable » des droits de l’homme au Maroc et appelle à la mobilisation de toutes « les forces vives éprises de liberté et de démocratie à soutenir la lutte du peuple marocain dans son combat quotidien pour l’établissement d’un véritable Etat de droit et démocratique ».
Le collectif Al Hakika regroupe l’Association de défense des droits de l’homme au Maroc (ASDHOM), l’Association des parents et amis des disparus au Maroc (APADM), le Forum marocain Vérité et Justice en France (FVJ-France), l’Association des marocains de Belgique pour les droits de l’homme (AMBDH) et l’Association de soutien des droits de l’homme au Maroc, basée au Pays-Bas (KMM).
APS, 6 avril 2013
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