La politique extérieure de l’Union européenne en direction de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient est empreinte d’un double langage.
Tunis.
De notre correspondant
Présents au Forum social mondial à Tunis, des eurodéputés de la gauche unitaire et de la gauche verte du Nord (GUE/NGL) ont dénoncé, hier au cours d’une conférence de presse, la politique de «deux poids, deux mesures» adoptée par Bruxelles vis-à-vis du conflit du Sahara occidental et de la question palestinienne.
L’Espagnol Willy Mayer, connu pour son engagement en faveur du droit du peuple sahraoui à l’autodétermination, a vilipendé une Europe qui ne travaille pas en direction du règlement des conflits. «La politique extérieure de l’Union européenne doit être dictée par les valeurs des militants en faveur de l’émancipation des peuples opprimés et colonisés. Elle doit jouer un rôle important pour l’achèvement du processus de décolonisation du Sahara occidental. Elle doit être clairement en faveur de la création d’un Etat palestinien. Malheureusement, elle met au centre des préoccupations ses intérêts géostratégiques aux dépens du droit international». L’eurodéputé, qui a été refoulé avec trois autres parlementaires à l’aéroport de Rabat, empêchés par les autorités marocaines de se rendre à la ville de Layoune occupée, a dénoncé «le silence de l’Union européenne sur les violations des droits de l’homme au Sahara occidental. Au lieu d’exiger du Maroc un strict respect des droits humains, tel que stipulé dans l’article 2 de l’accord d’association, Bruxelles accorde un statut avancé au Maroc pour mieux exploiter les richesses appartenant au peuple sahraoui».
M. Meyer, vice-président de la commission des affaires étrangères au Parlement européen, a appelé l’Espagne «à exercer sa responsabilité administrative pour le parachèvement du processus de décolonisation et elle ne doit continuer indéfiniment à fuir cette responsabilité, car elle est entièrement engagée dans ce conflit». De son côté, l’eurodéputé Soren Bo Sondergaard (Danemark), qui a pu se rendre dans les territoires sahraouis occupés, dit «ne pas comprendre comment l’Union européenne continue de favoriser des accords avancés avec un gouvernement (le Maroc) qui opprime un peuple et spolie ses richesses». Il estime que pour permettre au peuple sahraoui de recouvrer son indépendance, «il faut qu’on arrive à mobiliser les opinions publiques partout dans le monde afin d’exercer des pressions sur les gouvernements pour les amener à reconnaître l’Etat sahraoui».
Le soutien intéressé de l’UE au Printemps arabe
Après avoir soutenu les régimes arabes avant le vent de révolte qui les a ébranlés, Bruxelles apporte son appui politique aux nouveaux pouvoirs. Mais, «fondamentalement, rien n’a changé dans l’approche de la politique extérieure de l’Union à l’égard de ces pays. Derrière les mots gentils, se voile une vision opportuniste. Ce qui intéresse Bruxelles, ce sont les marchés qu’elle pourrait obtenir des nouveaux régimes. C’est un soutien intéressé», selon l’eurodéputé d’Irlande Paul Murphy. Pour lui, l’Union européenne «pousse vers la libéralisation des économies des pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient pouvant permettre une libre circulation des marchandises à travers les accords d’échanges». C’est une politique qui conduirait à l’appauvrissement des populations et l’étranglement des économies de ces pays. Le parlementaire irlandais a par ailleurs dénoncé «la realpolitik de l’Union en apportant un soutien sans faille à l’Etat d’Israël. Il y a des financements européens accordés à Israël pour l’achat d’armements qui servent à tuer les Palestiniens et construire des colonies».
Le conférencier estime que l’establishment européen est «soumis au diktat de la politique étrangère des USA pour promouvoir le rôle d’Israël dans la région». Sur un autre plan, la députée portugaise, Inès Zuber, estime que l’UE est engluée hypocritement dans «des contradictions en matière de politique étrangère». Elle en veut pour exemple, «l’inquiétude qu’elle exprime à l’égard des radicaux islamistes au Mali, et elle les finance en Syrie. Elle s’alarme de la prolifération des armes nucléaires en Iran, pendant que l’Etat d’Israël, une puissance nucléaire, refuse d’adhérer au Traité de non-prolifération». Enfin, les quatre parlementaires européens estiment que face à une Union européenne mue par des intérêts «bassement étroits, il faut opposer une solidarité des peuples de tous les pays pour instaurer un autre monde».
C’est l’esprit du Forum social mondial.
El Watan, 28/03/2013
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