L’Envoyé spécial des Nations unies pour le Sahara occidental, Christopher Ross, roule-t-il pour le royaume chérifien ? La question mérite vraiment d’être posée, surtout lorsque l’on se réfère au dernier rapport élaboré par ce haut responsable onusien sur cette question dont nous nous sommes procuré une copie en exclusivité, et qui sera présenté aujourd’hui devant le Conseil de sécurité.
Dans le rapport en question dont on détient une copie, Christopher Ross a pris le soin de ne pas exprimer la position des Nations unies par rapport à ce conflit, bien qu’il reconnaisse, en filigrane, que les droits de l’Homme dans les territoires occupés sont bafoués. Et pour maintenir le flou, l’Envoyé spécial du Secrétaire général de l’ONU pour le Sahara occidental se contente de rapporter et de dresser les comptes rendus des visites qu’il a effectuées en Algérie, au Maroc et au Sahara occidental ainsi que la teneur des discussions qu’il a eues avec les différents responsables et ce, dans le cadre de la mission qui l’a mené dans la région entre le 18 mars et 11 avril dernier.
Ainsi donc, et pour ce qui est du Maroc, première halte de son «périple», le responsable onusien a rappelé que les dirigeants du royaume – sachant que le roi était absent-, et à leur tête le chef du gouvernement et les ministres des Affaires étrangères et de l’Intérieur, ont réitéré leur proposition, à savoir l’autonomie du Sahara occidental. Une position rejetée en bloc par le Front Polisario, d’autant qu’elle est inscrite en faux du droit international, et des résolutions déjà prises en ce sens par les Nations unies. Les « porte-paroles » de Sa Majesté ont par ailleurs estimé que le sommet de l’Union du Maghreb arabe ne pourrait intervenir avant 2014, en prétextant cette temporisation par « les conditions instables de la Tunisie ». Il va sans dire que cet argument ne tient pas la route, puisque le Maroc bloque le processus d’édification de l’UMA depuis 1999, faisant de lui un moyen de chantage par rapport à la question sahraouie. Au cours de la rencontre qu’il a finie par avoir avec Mohamed VI en date du 9 avril, Christopher Ross indique que le souverain marocain, qui a donc pas mal de choses à cacher, s’est montré «très déçu après avoir appris la proposition d’inclure les droits humains dans le mandat de la MINURSO». Par ailleurs, Christopher Ross précise que durant les entretiens qu’il a eus avec les hauts responsables algériens, lors de son déplacement en Algérie le 28 mars dernier, il lui a été clairement signifié que « le Sahara occidental est une question de décolonisation qui relève de la responsabilité de l’ONU».
«L’Algérie n’est pas et ne sera jamais une partie dans les négociations»
D’après le responsable onusien, les autorités algériennes ont également rappelé les positions du président de la République vis-à-vis de cette question, à savoir que l’Algérie n’est pas et ne sera jamais une partie dans les négociations. Toujours dans le même ordre d’idées, Christopher Ross souligne que Abdelaziz Bouteflika a « déploré la position agressive de la presse officielle marocaine sur l’Algérie ». Quant à la visite effectuée aux camps de réfugiés près de Tindouf, en Algérie, le 25 mars écoulé, le responsable onusien a enfin évoqué «violations des droits de l’homme et l’exploitation illégale des ressources naturelles du territoire», au niveau des territoires occupés, mais en mettant cela dans la bouche du président sahraoui, Mohamed Abdelaziz. Ce dernier, dit-t-il, lui a fait part de la frustration des jeunes sahraouis qui, las d’attendre, pourraient reprendre la lutte armée. Une option qui a été même évoquée, souligne-t-il encore, par des chefs militaires du Polisario. Toujours dans le même rapport, il est clairement souligné que le Polisario s’oppose au terrorisme et fait tout son possible, en collaboration avec l’Algérie pour faire en sorte que les Sahraouis restent au-dessus de la mêlée. Allusion faite surtout à ce qui se passe au Mali. D’autre part, Christopher Ross ajoute qu’il a noté, lors du voyage qui l’a mené au Sahara occidental le 22 mars dernier, trois tendances par les Sahraouis : ceux qui sont favorables à l’indépendance, ceux qui sont pro-autonomie et ceux, tout simplement, qui veulent une vie meilleure. Mais, il estime toutefois qu’il «était impossible de mesurer la force relative à ces trois tendances».
Il va sans dire qu’il s’agit là d’une dangereuse fuite en avant du responsable onusien, car il est de notoriété publique que les partisans de l’indépendance du Sahara occidental représentent l’écrasante majorité de ce peuple. c’est ce qui explique, d’ailleurs, le fait que le Maroc continue de s’opposer farouchement à la tenue d’un référendum d’autodétermination. Enfin, l’Envoyé spécial des Nations unies pour le Sahara occidental fait savoir qu’il va se rendre à Addis-Abeba en répondant à l’invitation de l’Union africaine et pourrait même, aussi, programmer des visites à Tripoli et Tunis, si cela s’avère utile. Il faut dire, ainsi, que ces visites suscitent d’ores et déjà moult interrogations car Tunis ou Tripoli n’ont aucune relation avec le Sahara occidental où la situation humanitaire n’a pas changé d’un iota. Christopher Ross clôture son rapport avec une note d’optimisme en espérant un dénouement heureux de ce conflit à travers un engagement concret des parties et des pays voisins avec les Nations unies dans ses efforts pour promouvoir un règlement. Mais, force est de constater que la position de ce dernier, et à travers lui l’ONU, reste ambiguë maintenant, du coup, le statu quo dans la région. Une situation qui n’arrange, il faut le dire, que le makhzen. Il est peut être utile, voire important, de rappeler, en outre, que les Nations unies ont publié le 8 avril dernier un rapport accablant en ce qui concerne les droits de l’homme au Sahara occidental. Pourquoi donc ce «retournement de situation» et de «dernière minute» ? Mystère…
Soufiane Dadi
Le Courrier d’Algérie, 24 avr, 2013
http://lecourrier-dalgerie.com/le-jeu-trouble-de-christopher-ross/
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