L’une des principales composantes des rebelles, l’organisation des femmes dénommée Les femmes de la Libye libre (Nisa’a libya al hurra) ont saisi le comité des droits de l’homme de l’ONU et publié un communiqué à travers lequel l’organisation se dit «choquée» par les propos du président du Conseil national de transition, Mustapha Abdeljalil, qui avait promis d’instaurer la chariaa et d’abroger la loi interdisant la polygamie.
Selon cette organisation, le discours de Abdeljalil n’était pas à la hauteur des événements, notamment parce qu’«il spoliait les femmes libyennes du droit de choisir librement leur époux» et cela «ouvertement et publiquement» et de «manière dictatoriale», comme s’il s’agissait de quotas de femmes avec lesquelles le CNT allait récompenser les hommes de ses troupes.
Mustapha Abdeljalil avait, rappelons-le, annoncé la suspension de toutes les lois contraires à la chariaa, citant entre autres la loi sur le mariage et le divorce qui s’opposait à la polygamie. L’organisation des femmes de la Libye libre a également interpellé le CNT et pris à témoin la communauté internationale sur le sort des femmes violées durant le conflit, ainsi que celui des veuves et mères de famille, insistant sur le fait que «la mentalité libyenne fait que ces femmes ne pourront plus jamais fonder de foyer ni envisager un avenir» autre que celui de l’exclusion. Le communiqué précise que ses revendications englobent aussi bien les veuves des éléments des troupes de Kadhafi que celles des rebelles du CNT. Nisa’a libya al hurra rappelle à cette occasion que le CNT est aveugle devant la souffrance des femmes libyennes et que la priorité était plutôt de prendre en charge leur situation dramatique. Le communiqué indique, entre autres, que les femmes ayant des enfants d’un précédant mariage ne se remarient généralement jamais, alors que des coutumes tribales interdisent à l’homme d’épouser une femme qui soit plus âgée que lui de plus de deux mois, et encore moins une femme divorcée ou «noire de peau». L’organisation qui a annoncé son intention de mener une campagne internationale, a dit connaître les risques que ses membres femmes encourent par leur action, mais a insisté sur le fait que «les Libyens qui sont sortis faire la révolution du 17 février l’ont fait pour la liberté et non pour disposer de harems», pour «faite tomber le régime» au bénéfice de tous les hommes et les femmes du pays. Le communiqué rappelle que «le peuple est sorti dans sa totalité, hommes et femmes, pour la liberté et non pour le mariage», tout en déplorant que «les atteintes à la révolution viennent des Libyens eux-mêmes». Le président du CNT, Mustapha Abdeljalil, a été attaqué personnellement, l’organisation ayant soutenu qu’il n’avait pas le droit, pas plus que son Conseil transitoire, de promulguer des lois ou d’en abroger et qu’il n’avait aucun mandat populaire pour le faire. «Tout ce que les Libyens peuvent s’entendre entre eux en termes de loi, doit se faire de manière constitutionnelle et dans le cadre d’institutions et non par quelqu’un qui s’improvise comme le nouveau mufti de la Libye et qui se donne le droit d’organiser la vie des gens». «N’est-ce pas qu’avec la fin de Kahdafi, c’est la fin du pouvoir personnel qui est fini ?», rappelle encore Nisa’a libya al hurra. Pour celle-ci, Mustapha Abdejalil a prononcé un discours sur la libération, mais n’a dit que des choses contre la liberté. Par ailleurs, les femmes libyennes estiment que leur catégorie a été la plus touchée par le conflit, de part et d’autre, insistant sur le fait que les femmes doivent immédiatement avoir une plus grande représentation politique au sein du gouvernement et le droit de se porter candidates aux élections. Cette montée au créneau des femmes libyennes, face à ce qui s’annonce comme une politique de caporalisation de la société ne fait que confirmer la situation explosive qui menace de jeter le pays dans la guerre civile. Au lendemain du départ de l’Otan, le CNT ne fait toujours pas consensus et les violences ne se sont pas encore arrêtées. Dans son édition d’hier, le quotidien Le Parisien rapportait une «vendetta aveugle contre un ex-bastion de Kadhafi». «Comme à Syrte, des milices poursuivent leurs expéditions punitives, notamment dans la ville de Touarga, ex-bastion de Kadhafistes, où sont revenus des habitants qui ont eu le malheur d’afficher leur soutien au ‘’Guide’’ durant le conflit. Selon l’organisation de défense des droits de l’Homme, Human Rights Watch, ces miliciens tirent sur des habitants non armés, procèdent à des arrestations arbitraires et torturent des détenus. Pour HRW, ces actes de vengeance ‘’portent aujourd’hui atteinte au but même de la révolution libyenne’’». La directrice de l’ONG au Moyen-Orient, Sarah Leah Whitson, en appelle à la nouvelle autorité du pays, le Conseil national de transition (CNT), pour placer ces milices armées sous un commandement unique et permettre aux partisans de Kadhafi d’être jugés par la loi et non pas par les armes. Ces mêmes milices auraient aussi commis des exactions à Syrte, notamment en exécutant de façon sommaire des partisans de Mouammar Kadhafi.
Par Nabil Benali
Les Débats, 2/11/2011
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