Ce mardi au Conseil de sécurité de l’Onu sera étudié le dossier du Sahara occidental 2 semaines après les incidents de Laâyoune. Le journaliste Aaron Lund ne croit pas à l’adoption «d’une résolution significative»: l’Onu joue «le statu quo».
Est-ce que ce sont les intérêts des pays occidentaux au Sahara occidental qui ralentissent le processus de négociation entre le Front Polisario et le Maroc ?
Oui, mais les ressources naturelles (le Sahara occidental serait riche en pétrole, et ses eaux sont très poissonneuses, ndlr ) ne sont qu’une partie des intérêts que les pays occidentaux tentent de préserver. Je pense que la France et les États-Unis en particulier soutiennent le Maroc pour éviter que le pays soit déstabilisé. Le roi a assis une partie de sa crédibilité sur le sujet du Sahara occidental, donc perdre le Sahara occidental serait catastrophique. Par ailleurs, la France et les États-Unis souhaitent avoir de bonnes relations avec l’Algérie qui soutient le Front Polisario. En fait, la plupart des pays du monde disent au Maroc ce qu’il veut entendre tout comme à l’Algérie et au Front Polisario. Les pays occidentaux ont des intérêts à préserver tant auprès du Maroc que de l’Algérie et n’ont donc pas intérêt à prendre position pour l’un ou pour l’autre.
Est-ce que le fait qu’une résolution puisse bientôt être adoptée par le Conseil de Sécurité de l’ONU risque d’augmenter la tension sur place ?
Des négociations ont lieu en ce moment aux Nations Unies mais je ne pense pas qu’une résolution significative puisse être adoptée. La plupart des pays souhaitent maintenir le statu quo ce qui accroît les tensions sociales, économiques et politiques au Sahara occidental. Cette politique sur le long terme est très destructrice, mais personne ne veut en changer car le faire risquerait de causer des troubles sur le court terme.
Les Sahraouis considèrent-ils que le Front Polisario a la légitimité nécessaire pour négocier avec le Maroc et prétendre au pouvoir au Sahara occidental ?
Personne ne le sait parce qu’il n’y a pas eu de sondages, de référendum ou d’élections impliquant tous les Sahraouis. Je suis sûr que les habitants des camps algériens ont des griefs à l’encontre du Front Polisario mais ils sont en même temps fermement en faveur de l’indépendance et du Front Polisario. Dans les régions contrôlées par le Maroc, il est plus difficile de décrire la réalité. Je parierais qu’il y a un gros soutien pour le Front Polisario car le coeur du processus de paix depuis 20 ans est la tenue d’un référendum sur l’indépendance. Or le Maroc empêche sa réalisation, ce qui me fait dire que le Maroc a peur de perdre.
Que pensez-vous des protestations qui ont eu lieu à Madrid il y a quelques jours pour protester contre les violences faites aux Sahraouis ?
Le Sahara occidental fait partie des anciennes colonies espagnoles. C’est un sujet important en Espagne à l’inverse du reste du monde. Les Espagnols sont traditionnellement pro-sahraouis. Je ne suis donc pas surpris par les manifestations en faveur de ce peuple qui ont eu lieu à Madrid. Mais je ne pense pas qu’elles vont changer quelque chose à la situation du Sahara occidental.
Est-ce que l’Algérie a participé aux violences qui ont eu lieu à Laâyoune après l’évacuation du camp d’Agdim Izik ?
Les protestations des habitants du camp provisoire d’Agdim Izik n’étaient pas politiques au départ. Ils réclamaient des emplois, dénonçaient les problèmes sociaux et économiques. Au fur et à mesure que le temps s’écoulait, et que le camp n’était pas démonté, leurs protestations ont été de plus en plus politisées. Et le Front Polisario aurait alors commencé à jouer un rôle dans ce camp. En ce sens on peut peut-être penser qu’il y a eu un soutien algérien. Entre 1975 et 1991, l’Algérie fournissait des armes au Front Polisario qui était en guerre contre le Maroc. Aujourd’hui, l’Algérie aide le Front Polisario diplomatiquement – avec un soutien très fort aux Nations-Unies – et financièrement. Ils entrainent ses membres, les laisse voyager avec des passeports diplomatiques algériens… De plus, les réfugiés du Sahara occidental habitent sur le sol algérien, à Tindouf, à l’ouest de l’Algérie, où ils ont une sorte d’autonomie.
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