Abdelilah Issou : « Ma vie est en danger »

« Les services de renseignements marocains ont tenté de me kidnapper à Madrid (Espagne), donc ma vie est en danger à tout moment. S’il m’arrive quoi que ce soit, c’est les services de renseignements du Makhzen et l’ambassade du Maroc à Madrid », a déclaré Abdelilah Issou.

Troisième et dernière partie


Anouar Malek : qu’en est-t-il du peuple marocain ?
Abdelilah Issou : le peuple marocain vit toujours dans la pauvreté des années soixante et soixante-dix. En général, il se contente de regarder ce que font les personnalités influentes, ou bien occupé par des questions futiles qui ne lui sont d’aucune utilité. Des fois ces questions banales sont crées par le Makhzen pour distraire et endormir le peuple marocain et afin de cacher ses échecs et ses scandales. Les richesses maritimes sont exploitées par les étrangers et les généraux marocains, notamment Ben Slimane et Benani.
Anouar Malek : vous avez parlé de quelques personnalités influentes, notamment du général Abdelaziz Benani qui occupe le poste d’inspecteur général des forces armées royales marocaines, pouvez-vous nous fournir plus de détails ?
Abdelilah Issou : j’ai su après ma désertion de l’armée que le général Abdelaziz Benani, qui occupait le poste de chef de la région sud qui englobe le Sahara Occidental, est impliqué dans le trafic et le commerce juteux de la drogue avec de dangereux réseaux internationaux. A cette époque là, il possédait une société de boissons gazeuses. La production de cette entreprise est vendue aux unités de l’armée au Sahara Occidental. Le siège central de cette entreprise appelée « Bottling International » se trouvait dans la ville de Tanger. Les camions de cette entreprise  sont utilisés pour transporter la cocaïne du port d’el Ayoun à Tanger, où elle est stockée avant d’être acheminée vers l’Europe en utilisant les réseaux de transport du Haschish. Des « Empereurs » colombiens de la drogue ont transformé le Maroc comme en plateforme de transit de la cocaïne vers l’Europe. Des opérations de cette envergure ne peuvent pas être montées sans l’aide des autorités locales, moi personnellement je suis convaincu que le général Benani est impliqué dans ces affaires.
Le CNI est omni présent, même dans la chambre à coucher du roi
Anouar Malek : vous accusez les services de renseignements espagnols d’infiltrer les coulisses de l’Etat et de ses institutions marocaines, avez-vous des données sur ce sujet ?
Abdelilah Issou : les services de renseignements espagnols « Centro nacional de Inteligencia » (CNI) ont infiltrés toutes les institutions marocaines du palais royal jusqu’à la petite caserne de l’armée, de la gendarmerie ainsi que de la police. La coopération entre eux est une réalité. Ainsi, cela contredit ce qui a été médiatisé à propos d’un conflit opposant entre les institutions marocaines et le CNI. Pire, il y a des officiers supérieurs marocains qui transmettent régulièrement des rapports contenant des informations militaires à la CNI, notamment ce qu’on appelle « Psycological Profiles » de certains officiers supérieurs et même sur de petits officiers qui occupent des postes sensibles. Ces rapports contenaient les points faibles, défauts de ces officiers pour faciliter leur infiltration. Les rapports contenaient, en outre, des informations détaillées sur les unités militaires, les armes à leur disposition et tout ce qui concerne la situation au Sahara Occidental, particulièrement lors des Intifada du peuple sahraoui pour leur autodétermination.
C’est ainsi que les services de renseignements marocains ont tenté de me kidnapper à Madrid
Anouar Malek : Vous avez déposé plainte à Madrid contre les services de renseignement marocains que vous accusez de tentative de kidnapping, que s’est-t-il passé au juste ?
Abdelilah Issou : En mois de janvier 2009 des informations me sont parvenues du Maroc. C’était des informations inquiétantes, selon lesquelles le Makhzen voulait me kidnapper et me renvoyer au Maroc. La source de l’information était fiable à 100 %. En mois de mars 2009 j’ai quitté mon travail, j’ai rangé mes affaires et je me suis refugié en Colombie (Amérique Latine), où y avais passé près de six (6) mois. J’étais caché et je n’ai contacté personne. Par la suite, j’ai décidé de retourner à Madrid. Le 21 aout à 7 :30 du matin, alors que je rentrais chez moi après une séance de sport matinale, j’ai été surpris par une personne armée descendue d’une voiture. Cette personne m’a tenu par le bras et a tenté de m’embarquer dans le véhicule par la force. J’ai me suis battu et résisté, ainsi j’ai pu lui échapper. Je me suis enfui en courant. J’ai préféré mourir plutôt que de retourner au Maroc. En effet, je croyais que l’homme armé allait tirer sur moi. Cependant, il ne l’a pas fait, par ce qu’il y avait une personne non loin de l’endroit où se sont déroulés les faits. Le témoin, d’ailleurs, a confirmé mes propos devant la police. Tout en sachant le danger qui plane sur moi, les autorités espagnoles n’ont pris aucune mesure pour assurer ma sécurité.
Anouar Malek : pensez-vous que votre vie est encore en danger ?
Abdelilah Issou : je suis menacé de mort à chaque instant. Du moment que les services de renseignements marocains ont essayé de me kidnapper, donc je suis leur cible. Après mon départ de Rabat, les membres de ma famille ont été interrogés durant de longs mois. Ma défunte mère est décédée de stress et de chagrin. Une fois les services de renseignement ont arrêté mon père et ont dit qu’ils le garderaient comme otage jusqu’à ce que je me rende. A cette époque mon père avait 70 ans.
 Anouar Malek : un dernier mot
Abdelilah Issou : à travers la tribune du journal Echorouk, dont je suis un fidele lecteur, je lance un appel au monde entier : ma vie est en danger. S’il m’arrive quelque malheur j’en jette toute la responsabilité sur les services de renseignements marocains et l’ambassade du Maroc ici à Madrid. Ma sécurité devrait être assurée par les autorités espagnoles et le haut commissariat des refugiés (HCR). Je tiens enfin à remercier le journal Echorouk pour m’avoir donné une occasion pour m’exprimer.
Entretien réalisé par Anouar Malek à partir de Madrid/ Version française M.D 
Echourouk Online, 24/11/2010

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